"Le communisme primitif n'est plus ce qu'il éta

Message par Ottokar » 09 Déc 2009, 11:02

Toi, tu as besoin de lire l'ouvrage, même si la souscription est finie... le cadre matérialiste n'est pas abandonné, mais les choses ne sont pas si simples qu'on les imaginaient il y a 130 ou 150 ans ! Je te recommande les chapitres sur le matriarcat ("à la recherche de la matriarche perdue", tout un programme). Il montre que ce matriarcat est un mythe. Mais que, heureusement, cela n'implique rien sur les formes d'organisation sociale du futur et ne condamne pas les femmes à une éternelle soumission (Ouf !).

L'article de la LDC "défend " Engels et Morgan au sens où il montre la démarche de ces pionniers, dans laquelle se reconnaît visiblement l'auteur de l'article, même si une défense à la lettre des étapes (matriarcat, famille punalunenne, appariée, etc.) est aujourd'hui difficile au vu des nombreuses découvertes recensées par l'ouvrage dont auquel qu'on cause.

a écrit :Bon, le livre est conforme à tout ce qu'a pu nous dire Ottokar.
Sauf sur un point. Les raisonnements détaillés sur la parenté sont quand même difficile à suivre, en tout cas pour moi.


Et pour moi, tu crois que cela a été simple ? Je n'ai pas dit que c'était un polar, non plus. Si on cherche le coupable, pas de suspense, c'est l'homme, l'homme qui domine la femme, à des degrés divers. Et si on cherche le mobile, c'est la misère, mais nos perspectives socialistes nous permettent d'entrevoir la fin de cette longue inégalité, la sortie de la préhistoire de l'Humanité, pour reprendre les mots des ancêtres.

Le livre commence par une vingtaine de pages "agrémentés" de schémas sur la parenté. Ce n'est effectivement pas le plus simple. Mais cela permet de discuter Engels (et Morgan). Si on a survécu à l'Origine, on arrivera à surmonter ces quelques pages... Courage, le reste en vaut la peine. Et sans se perdre dans des détails inutiles (j'ai aussitôt oublié les trois quarts des tribus citées, ce qui en laisse encore pas mal) on peut retenir quelques raisonnements.
Ottokar
 
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Message par sylvestre » 09 Déc 2009, 12:29

a écrit :Toi, tu as besoin de lire l'ouvrage


Je critique l'article, pas l'ouvrage. Et je le critique parce que j'ai déjà ma petite idée sur le sujet.

Il est très insuffisant de dire : il y a eu des recherches qui amènent à corriger des affirmations d'Engels sur l'histoire de la famille. Engels n'est pas un empiriste, et nous ne devons pas l'être non plus. La question n'est pas de savoir si tel ou tel fait contredit le récit d'Engels mais si il faut remettre en cause, corriger, abandonner son cadre théorique général d'analyse. Je le rappelle :

a écrit :Selon la conception matérialiste, le facteur déterminant, en dernier ressort, dans l'histoire, c'est la production et la reproduction de la vie immédiate. Mais, à son tour, cette production a une double nature. D'une part, la production de moyens d'existence, d'objets servant à la nourriture, à l'habillement, au logement, et des outils qu'ils nécessitent; d'autre part, la production des hommes mêmes, la propagation de l'espèce. Les institutions sociales sous lesquelles vivent les hommes d'une certaine époque historique et d'un certain pays sont déterminées par ces deux sortes de production: par le stade de développement où se trouvent d'une part le travail, et d'autre part la famille.


C'est d'une importance capitale pour comprendre aussi l'évolution de la famille à l'époque moderne, et par delà celle de la place des femmes dans la famille et dans la production sociale.

Si on laisse filer ça, on ouvre grand la porte aux conceptions de la libération des femmes comme un combat distinct, fondamentalement autonome de la lutte pour le socialisme.

La LDC dit en substance : le bouquin d'Engels est bien, sauf les trucs sur la famille qui sont dépassés et dont il n'y a plus rien à tirer sauf que la famille n'a pas toujours la même forme. Elle devrait dire : les conceptions d'Engels sur la famille sont capitales pour comprendre l'évolution de la famille et son lien avec celle du reste de la société hier et aujourd'hui, même si les données empiriques sur lesquelles il s'appuie doivent être amendées.

Le texte que je trouve le plus utile pour développer ce point de vue est celui d'Harman, le même point de vue étant développé plus succinctement par Sharon Smith.
sylvestre
 
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Message par Ottokar » 09 Déc 2009, 13:05

Je maintiens ce que j'ai dit : lis le livre, cela fera plaisir à mon pote (qui a abandonné ses droits d'auteur m'a-t-il dit) et cela répondra à tes questions... y compris sur Harman, discuté et critiqué en détail dans l'ouvrage (un peu trop, même au goût de certains).

L'article est général, il affirme en 3 pages que la méthode matérialiste est juste. Le livre lui, l'applique, en 400 pages...
Ottokar
 
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Message par artza » 09 Déc 2009, 13:24

(sylvestre @ mercredi 9 décembre 2009 à 12:29 a écrit : Engels n'est pas un empiriste, et nous ne devons pas l'être non plus.
Tout à fait.

Alors essayons de ne pas l'être...et d'abord en politique :roll:
artza
 
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Message par Jacquemart » 09 Déc 2009, 14:09

(Sylvestre a écrit :La LDC dit en substance : le bouquin d'Engels est bien, sauf les trucs sur la famille qui sont dépassés et dont il n'y a plus rien à tirer sauf que la famille n'a pas toujours la même forme. Elle devrait dire : les conceptions d'Engels sur la famille sont capitales pour comprendre l'évolution de la famille et son lien avec celle du reste de la société hier et aujourd'hui, même si les données empiriques sur lesquelles il s'appuie doivent être amendées.

Et que fait-on quand des données empiriques nouvelles ne font pas qu'amender, mais viennent contredire franchement des conceptions théoriques ? On change (au moins partiellement) de conceptions théoriques, ou on dit que ce sont les données empiriques qui ont tort ? Ou pire, on fait comme si ces données empiriques n'existaient carrément pas et on les cache sous le tapis ?

Engels lui-même, ainsi que Marx, ont toujours clairement opté pour la première attitude. Et quel que soit le sujet, ils n'ont pas hésité à réviser leurs conceptions théoriques, parfois profondément, lorsque des faits nouveaux venaient prendre leurs anciens raisonnements en défaut.

Il me semble en revanche que Harman (que j'avais lu quand tu l'avais posté ici-même) et Sharon Smith (que je viens de parcourir) choisissent l'attitude exactement inverse. Bon, ce que je dis ne te surprendra pas, on avait déjà eu la même discussion sur ce même forum à au moins deux reprises.
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Message par luc marchauciel » 09 Déc 2009, 14:29

Je ne connais à peu près rien au sujet, j'ai commandé le bouquin que j'espère recevoir bientôt (mon libraire m'a dit que ce serait pas évident...), mais je veux quand même appuyer Jacquemart par rapport à ce que dit Sylvestre, et qui ne me convient pas du tout quel que soit le sujet (et donc peu importe ici si je n'y connais rien)
Sylvestre, ton argumentation revient à dire : nous avons un cadre théorique, il ne faut surtout pas le lâcher parce que sinon les conséquences politiques de cet abandon au moins partiel sont désastreuse.
C'est une forme de raisonnement que je n'aime pas du tout.
Le cadre théorique, il doit s'adapter aux faits, et pas l'inverse.
Ensuite, en fonction de nos valeurs, on utilise le cadre théorique pour définir l'orientation politique.
Faire autrement et postuler au préalable qu'on ne doit pas toucher au cadre théorique, c'est la porte ouverte à l'aveuglement (au mieux) ou au fanatisme (au pire).
luc marchauciel
 
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Message par sylvestre » 09 Déc 2009, 14:59

Vous n'avez pas bien lu et médité ce que j'ai écrit.

Bien évidemment si les constatations empiriques vont à l'encontre d'une théorie, il faut réviser la théorie.

Mais est-ce le cas ici ?

De quelle théorie s'agit-il ?

Je l'ai précisé : il s'agit de la théorie suivant laquelle la forme de la famille dépend du mode de production générale de la vie immédiate. Cela se décline dans l'analyse d'Engels des données dont il disposait - et cela peut se décliner tout aussi bien et avec le même cadre d'analyse avec les données dont nous disposons.

Comment s'illustre cette théorie de façon plus spécifique ?

Elle s'illustre par le fait que nous ne considérons pas la famille de manière isolée du reste de la société, et que nous expliquons son évolution et les luttes qui se passent à son sujet - en particulier la question de la place des femmes - dans le cadre de l'analyse globale de la production et de la lutte de classes.

C'est finalement quelque chose de très évident, comme tout le matérialisme historique appliqué : la famille en France a par exemple connu de grandes évolutions avec la disparition de la paysannerie, les guerres mondiales, puis la diminution du combat militaire de masse, l'allongement des études, la pénurie puis le surplus de main d'œuvre... C'est dans ces contextes que se sont déroulées les luttes autour de la famille, et notamment les luttes pour les droits des femmes et ce sont en grande partie ces contextes qui expliquent les avancées et les reculs dans ce domaine. De plus cette analyse montre que la forme de la famille est subordonnée aux besoins de la classe dominante.

Tout cela est important pourquoi ? Pour pouvoir résister à la pression de diverses théories dominantes à ce sujet : celle selon laquelle ce sont les hommes qui bénéficient de l'oppression des femmes. Celle selon laquelle il n'y a pas de lien intime entre révolution socialiste et libération des femmes. Celle selon laquelle il n'a jamais s'agi que "d'évolution des mentalités", etc.
sylvestre
 
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Message par luc marchauciel » 09 Déc 2009, 16:35

(sylvestre @ mercredi 9 décembre 2009 à 14:59 a écrit :
Comment s'illustre cette théorie de façon plus spécifique ?

Elle s'illustre par le fait que nous ne considérons pas la famille de manière isolée du reste de la société, et que nous expliquons son évolution et les luttes qui se passent à son sujet - en particulier la question de la place des femmes - dans le cadre de l'analyse globale de la production et de la lutte de classes.

C'est finalement quelque chose de très évident, comme tout le matérialisme historique appliqué : la famille en France a par exemple connu de grandes évolutions avec la disparition de la paysannerie, les guerres mondiales, puis la diminution du combat militaire de masse, l'allongement des études, la pénurie puis le surplus de main d'œuvre... C'est dans ces contextes que se sont déroulées les luttes autour de la famille, et notamment les luttes pour les droits des femmes et ce sont en grande partie ces contextes qui expliquent les avancées et les reculs dans ce domaine. De plus cette analyse montre que la forme de la famille est subordonnée aux besoins de la classe dominante.

Tout cela est important pourquoi ? Pour pouvoir résister à la pression de diverses théories dominantes à ce sujet : celle selon laquelle ce sont les hommes qui bénéficient de l'oppression des femmes. Celle selon laquelle il n'y a pas de lien intime entre révolution socialiste et libération des femmes. Celle selon laquelle il n'a jamais s'agi que "d'évolution des mentalités", etc.
Ben, si le cadre théorique est en gros ce que tu décris, tu sais que 99,99% des historiens vont être d'accord avec Engels et toi pour dire que quand des trucs changent dans la société, hé ben après il y en a d'autres qui changent aussi ? On peut voir comment la télé a changé le mode de vie des familles sans être marxiste pour autant.
Il n'y a qu'une truc qui me semble très spécifiquement engelsien dans ta présentation, c'est ça :
"cette analyse montre que la forme de la famille est subordonnée aux besoins de la classe dominante."
Tu peux développer et donner des exemples ? Expliquer en quoi par exemple le passage de la famille polynucléaire dominante (je crois) à l'époque moderne, à la famille mononucléaire (= un couple avec ses enfants sous le toit, pas d'autres membres de la famille) aujourd'hui est lié aux besoins de la classe dominante ? Pëut être qu'Engels disait des trucs là dessus, j'ai lu ça il y a très longtemps.

Par ailleurs, je suis sceptique sur tes conclusions politiques et sur le lien intime entre révolution socialiste et libération des femmes. Il me semble plus simple de dire qu'en fonction de leurs valeurs, les socialistes ont été assez naturellement au premier rang (par rapport à d'autres) des combats féministes, parce que sensibles à la notion d'égalité par exemple. Et pas complètement sensibles non plus, parce que hommes bénéficient en partie de l'oppession des femmes (pour la partie : "répartition des tâches ménagères" par exemple, cf un récent rapport de l'INED qui montre le décalage entre les valeurs de la société, y compris portées par la classe dominante, et le quotidien des couples sur ce point). J'ai plutôt tendance à voir une évolution globale des mentalités, les communistes étant plutôt à la pointe de celle ci cf les acquis des femmes après la Révolution Russe.
luc marchauciel
 
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Message par sylvestre » 09 Déc 2009, 17:27

a écrit :en, si le cadre théorique est en gros ce que tu décris, tu sais que 99,99% des historiens vont être d'accord avec Engels et toi pour dire que quand des trucs changent dans la société, hé ben après il y en a d'autres qui changent aussi ? On peut voir comment la télé a changé le mode de vie des familles sans être marxiste pour autant.



- Beaucoup d'historiens sont marxistes, ou simplement sérieux, ce qui revient au même.
- Ce n'est pas la même chose de dire que "quand quelque chose change dans la société, d'autres choses changent" sans voir de hiérarchie entre différents facteurs s'influençant les uns les autres, et de dire que ce qui est déterminant en dernière instance dans cette interaction c'est la production. (ce qui est caractéristique du marxisme)
- une caractéristique de la pensée dominante c'est qu'elle n'est pas conséquente : après avoir admis que la forme de la famille dépend de circonstances générales de la production, les mêmes individus vont développer la théorie suivant laquelle il y a des invariants féminins et masculins, ou que tout dépend de "l'évolution des mentalités", etc.

a écrit :Tu peux développer et donner des exemples ?  Expliquer en quoi par exemple le passage de la famille polynucléaire dominante (je crois) à l'époque moderne, à la famille mononucléaire (= un couple avec ses enfants sous le toit, pas d'autres membres de la famille) aujourd'hui est lié aux besoins de la classe dominante ? Pëut être qu'Engels disait des trucs là dessus, j'ai lu ça il y a très longtemps.


Le grand changement qui domine dans cette affaire c'est le passage de la famille paysanne, qui est une unité de production en même temps qu'une unité de reproduction, à la famille prolétarienne.

Dans une famille paysanne d'ancien régime, le lieu d'habitation est inséré dans le lieu de production, une grande partie de la production se fait directement pour l'usage de la famille (artisanat, couture, production agricole). La cohabitation d'un nombre assez élevé de personnes était une assurance pour chacune en cas de maladie, retraite, vieillesse, etc. Tout cela était ok pour la classe dominante d'ancien régime qui n'avait pas besoin que les paysans soient mobiles du moment qu'il pouvait leur sucer le sang, toute l'économie étant plutôt stagnante.

Avec le régime capitaliste, chaque prolétaire doit se vendre au gré du marché, lequel est en perpétuelle révolution. Ce qui a dominé au début, et qui avait frappé Marx et Engels c'est avant tout la destruction de la famille dans la classe prolétaire : hommes, femmes, enfants au travail douze heures par jour, ivrognerie, etc. (voir Situation des classes laborieuses en Angleterre d'Engels).

Au cours du 19ème siècle que la bourgeoisie se rend compte des problèmes que cela pose : maladies, désordre, difficulté à reproduire la classe ouvrière, d'où l'institution du salaire familial, d'institutions scolaires, etc. qui permette de reposer les bases d'une vie familiale ouvrière. (voir Cliff là-dessus)

a écrit :
Par ailleurs, je suis sceptique sur tes conclusions politiques et sur le lien intime entre révolution socialiste et libération des femmes. (...) hommes bénéficient en partie de l'oppession des femmes  (...)  J'ai plutôt tendance à voir une évolution globale des mentalités



Tu confirmes en tout cas le lien que je faisais ci-dessus entre scepticisme envers l'analyse marxiste de la famille et perméabilité à d'autres théories....
sylvestre
 
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Message par Ottokar » 09 Déc 2009, 17:34

Bon, mais avec tout cela, Sylvestre ne répond pas à UNE question : as-tu lu le livre dont auquel que l'on nous cause ?

Je t'ai dit qu'il répondait à tes interrogations. Il répond aux miennes en tout cas, à tort ou à raison. Lis-le et reviens après ou ne le lis pas (mais alors, arrête).
Ottokar
 
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