L’info-pouvoir manipulation de l’opinion

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« L’info-pouvoir
manipulation de l’opinion
sous la Vème République »
de Jean-Pierre Bédeï
Editions Actes Sud
21 €
311 pages
février 2008

  L’indépendance de la presse : un leurre !?


L’auteur nous livre ici un ouvrage d’investigation, très descriptif avec des faits relatés avec précision. Il s’agit là d’un travail de journaliste offrant un produit final fourmillant d’informations et même d’anecdotes qui illustrent et charpentent l’argumentation.

Pour De Gaulle, il est clair, dès son arrivée au pouvoir que la fonction de la télévision est de servir la France, c’est à dire le président de la République.
Il ne tergiverse pas …
La Radio télévision française doit être à ses ordres, ce qui le conduit à organiser une épuration, à créer un ministère de l’information et à mettre en place une ligne directe entre le pouvoir politique et la direction de la télévision. Et comme on n’est jamais mieux servi que par soi même, c’est le ministre de l’information en personne qui interroge Michel Debré premier ministre au cours du journal télévisé du 4 mars 1960!
Peyrefitte sera le grand exécutant : « Un jour, le représentant du journal télévisé annonce qu’il va recevoir des images d’une grande manif des paysans dans le Vaucluse. Peyrefitte le coupe : »Pas question. On ne diffusera pas une seule image. » Le journaliste regimbe, Peyrefitte : « Si on vous pose des questions, vous direz que les images ne sont pas arrivées » !?
Cela se passait en 1964, non pas dans l’URSS stalinienne mais en France dans un pays dit« démocratique » !
Si dans les années 70, il n’est plus possible de continuer tout à fait comme avant, l’objectif reste le même : contrôler l’information par un verrouillage plus ou moins déguisé ou par une fausse libéralisation.
L’info-pouvoir consiste, au-delà du contrôle, de dissimuler l’information, au nom de la raison d’Etat : « jusqu’au bout, Pompidou entretient la fiction d’une maladie relativement bénigne… »
L’auteur nous emmène pour un long voyage en Nouvelle Calédonie et revient longuement sur la tragédie d’Ouvéa. Il montre ainsi comment  Bernard Pons, en relation directe avec Jacques Chirac, premier ministre, a organisé une opération militaire et couvert des exactions et des crimes.
Et l’information ? Elle fut dissimulée au public et « la loi d’amnistie concernant les infractions commises en Nouvelle-Calédonie blanchit tous les protagonistes de l »affaire d’Ouvéa, au grand dam des familles des victimes… ».

L’ère du numérique et du téléphone cellulaire n’a pas beaucoup changé la donne, le Président de la République organise sa propre information, lui qui déjà comme candidat donnait aux journaux télévisés les images prises par ses propres équipes, sait manier la connivence avec les journalistes et obtenir les têtes quand c’est nécessaire.

Aujourd’hui, les grands médias sont liés à des grands industriels qui comptent sur les commandes de l’Etat et appartiennent à la famille des amis du président !

L’auteur termine sur les enjeux d’ internet, « nouvel espace de liberté » ou vecteur de dévoiement et de manipulation de l’information ?!

Jean-François Chalot