
"Le jour où Nina Simone a cessé de chanter"
de Darina al-Joundi et Mohamed Kacimi
Actes Sud, 150 pages
Ce livre est paru il y a six mois, un très gentil (bon, c'est un peu la norme, m'enfin c'est mieux en le disant) copain de LO (grâce lui soit rendu) me l'a offert à la fête. C'est un témoignage : il relate la jeunesse d'une libanaise née en 1968 à Beyrouth. Enfin pas tout à fait libanaise, puisqu'elle est considérée syrienne (son père étant un exilé syrien ; elle est aujourd'hui exilée à Paris, on apprend pourquoi dans le livre).
Son père étant un journaliste de sensibilité communiste, il éduque ses trois filles dans un état d'esprit radicalement libre. Elle en brosse un portait enthousiaste, et il faut dire qu'il y a un peu de quoi. Beaucoup d'anecdotes illustrent la grande complicité entre père et fille, et sa reconnaissance pour l'état d'esprit qu'il lui a transmis.
J'en retranscris une pour en donner une idée : [le père vient de faire boire à sa fille de 10-11 ans plusieurs verres d'un délicieux Bordeaux] :
"Mon grand-père qui était un homme religieux a vu la scène. Il m'a prise dans ses bras pour m'emmener vomir dans les toilettes. Il a hurlé à la face de mon père :
- Tu es fou, déjà que tu es athée tu veux en plus faire de tes filles des putes. Tu leur donnes des cours d'ivresse, tu n'as pas honte !
Mon père toujours aussi hilare lui a lancé :
- Je n'en fais pas des putes, pépé; j'en fais des femmes libres."
Elle le deviendra mais cela lui vaudra les plus grandes difficultés. Pour cela le livre est à lire.
Mais le livre vaut aussi par l'aperçu qu'il donne de la situation politique libanaise de 1975 à 1990, vue au travers des yeux d'une enfant puis d'une jeune élevée dans les milieux de la gauche libanaise (elle s'engagera brièvement dans les rangs de la jeunesse communiste). On ressent bien sûr le poids de la guerre, mais on voit aussi l'importance de la politisation, les espoirs dans la gauche libanaise.
On en ressort avec la plus grande révolte contre le système confessionnel en place au Liban. Plus exactement on ressent celle de l'auteur.
Enfin le livre est écrit avec une certaine chaleur : c'est finalement une sorte d'hommage à ceux qui se battent dans le monde arabe ... pour disons des idées "progressistes" (je ne trouve pas de mots plus appropriés).
C'est aussi un livre plein d'humour même s'il relate des choses dures et révoltantes.
Pour ceux qui ont vu "Valse avec Bachir" c'est aussi un bon complément.
Enfin la présence de Nina Simone ne doit égarer personne. Si les différents protagonistes du livre aiment le jazz et Nina Simone, elle n'intervient qu'au travers de sa musique qui résonne comme un symbole de liberté.
Un livre à lire et à recommander à tous (son seul défaut : un poil cher, mais si vous êtes sympa vous vous le ferez offrir ou le ferez commander par votre bibliothèque).
de Darina al-Joundi et Mohamed Kacimi
Actes Sud, 150 pages
Ce livre est paru il y a six mois, un très gentil (bon, c'est un peu la norme, m'enfin c'est mieux en le disant) copain de LO (grâce lui soit rendu) me l'a offert à la fête. C'est un témoignage : il relate la jeunesse d'une libanaise née en 1968 à Beyrouth. Enfin pas tout à fait libanaise, puisqu'elle est considérée syrienne (son père étant un exilé syrien ; elle est aujourd'hui exilée à Paris, on apprend pourquoi dans le livre).
Son père étant un journaliste de sensibilité communiste, il éduque ses trois filles dans un état d'esprit radicalement libre. Elle en brosse un portait enthousiaste, et il faut dire qu'il y a un peu de quoi. Beaucoup d'anecdotes illustrent la grande complicité entre père et fille, et sa reconnaissance pour l'état d'esprit qu'il lui a transmis.
J'en retranscris une pour en donner une idée : [le père vient de faire boire à sa fille de 10-11 ans plusieurs verres d'un délicieux Bordeaux] :
"Mon grand-père qui était un homme religieux a vu la scène. Il m'a prise dans ses bras pour m'emmener vomir dans les toilettes. Il a hurlé à la face de mon père :
- Tu es fou, déjà que tu es athée tu veux en plus faire de tes filles des putes. Tu leur donnes des cours d'ivresse, tu n'as pas honte !
Mon père toujours aussi hilare lui a lancé :
- Je n'en fais pas des putes, pépé; j'en fais des femmes libres."
Elle le deviendra mais cela lui vaudra les plus grandes difficultés. Pour cela le livre est à lire.
Mais le livre vaut aussi par l'aperçu qu'il donne de la situation politique libanaise de 1975 à 1990, vue au travers des yeux d'une enfant puis d'une jeune élevée dans les milieux de la gauche libanaise (elle s'engagera brièvement dans les rangs de la jeunesse communiste). On ressent bien sûr le poids de la guerre, mais on voit aussi l'importance de la politisation, les espoirs dans la gauche libanaise.
On en ressort avec la plus grande révolte contre le système confessionnel en place au Liban. Plus exactement on ressent celle de l'auteur.
Enfin le livre est écrit avec une certaine chaleur : c'est finalement une sorte d'hommage à ceux qui se battent dans le monde arabe ... pour disons des idées "progressistes" (je ne trouve pas de mots plus appropriés).
C'est aussi un livre plein d'humour même s'il relate des choses dures et révoltantes.
Pour ceux qui ont vu "Valse avec Bachir" c'est aussi un bon complément.
Enfin la présence de Nina Simone ne doit égarer personne. Si les différents protagonistes du livre aiment le jazz et Nina Simone, elle n'intervient qu'au travers de sa musique qui résonne comme un symbole de liberté.
Un livre à lire et à recommander à tous (son seul défaut : un poil cher, mais si vous êtes sympa vous vous le ferez offrir ou le ferez commander par votre bibliothèque).