CHASSEUR DE NAZIS (FRANCE 5)

[Proculte]

UN PORTRAIT DE TUVIAH FRIEDMANN

Après le portrait d'Irena Johannes, Guillaume Moscovitz met en lumière un second destin. Tuviah Friedmann a consacré sa vie à traquer les anciens nazis pour que leurs crimes ne restent pas impunis. Devant la caméra, il raconte soixante ans de combat pour la mémoire et la justice.

Tuviah FriedmannDans son bureau à Haïfa, le petit homme est entouré de classeurs jaunis, de cartons empilés, de dossiers accumulés, de photos. Ici s'entasse toute une vie de recherche : les milliers de témoignages des victimes et les aveux des bourreaux.

Tuviah Friedmann a 17 ans quand la Pologne est envahie. "Lorsque la guerre a éclaté le 1er septembre 1939 et quand, huit jours plus tard, le 9 septembre, les nazis sont arrivés à Radom, tout était fini pour les Juifs." Pour lui, le combat ne fait que commencer.

Il a suffi de quelques mots prononcés par un des membres de l’autorité de Radom qui lui interdit d’assister aux obsèques de son père : "Toi, le Juif, pour te faire souffrir plus, tu ne verras pas la tombe de ton père." Là se sont plantées les racines de sa colère : "Je survivrai à la guerre et je me vengerai", se promet alors l'adolescent.

Il vit dans le ghetto de Radom, où ont été regroupés 30 000 Juifs. En août 1942, 25 000 hommes, femmes et enfants sont déportés. A la fin de l'été 1944, Tuviah s'évade du camp de concentration de Skolna. Sa mère, son frère et l'une de ses soeurs, eux, n'en réchapperont pas.

C'est à Gdansk que sa traque va commencer. Là, un colonel du ministère de la Défense polonais lui confie un quartier dans lequel il doit arrêter les criminels nazis. En quelques mois, il en met un millier en prison.

En mars 1946, il quitte la Pologne pour la Tchécoslovaquie, puis direction Vienne, où se sont réfugiés des centaines de milliers de Juifs qui veulent fuir l'Europe.

Les nazis qui officiaient dans la police allemande se retrouvent dans la police autrichienne, bourreaux et victimes se côtoient à nouveau. Tuviah Friedmann va tout faire pour que leurs crimes ne soient pas passés sous silence.

A force d'obstination, en croisant les témoignages, en obtenant les aveux des anciens tortionnaires, il remonte le fil des responsabilités. Il parvient à faire arrêter le chef de la gestapo de Varsovie.

Envers et contre tout

Très vite, son zèle dérange. Car, au lendemain de la guerre, il y a bien d'autres enjeux : la création, puis la construction de l'Etat d'Israël, le rapatriement des Juifs d'Europe, le versement des réparations aux survivants.

Tuviah Friedmann doit surmonter de nombreux obstacles et, pendant plusieurs années, les intérêts politiques priment sur ceux de la justice. A plusieurs reprises, on lui demande de cesser ses activités. Mais rien ni personne n'ont eu raison de sa volonté.

En 1953, il s'installe en Israël et travaille au Yad Vashem. Lorsqu'il en est renvoyé, il crée le Centre de documentation pour poursuivre ses recherches. Il continue d'accumuler les preuves et les témoignages : un demi-million de pages au total.

Tuviah FriedmannTuviah Friedmann mobilise les politiques, les autorités religieuses, et finit par recevoir l'aide de l'Allemagne, qui veut désormais savoir ce qui s'est passé. Il convainc les Allemands d'abolir la loi sur la prescription des crimes nazis.

De son action, on a surtout retenu l'arrestation spectaculaire d'Eichmann. Mais il y a aussi et surtout la comparution de plus d'un millier de nazis. Sobibor, Treblinka, Belzec, Auschwitz, entre 1960 à 1985, il est de tous les procès.

C'est sans aucun doute en deçà de ce que cet homme obstiné aurait souhaité, il a dû se résoudre à voir de nombreuses procédures arrêtées ou encore des criminels relaxés faute de preuves et sous le motif qu'ils étaient "contraints d'obéir". Pourtant, cela a permis de réunir les documents qui prouvent comment cinq millions de Juifs ont été assassinés dans dix-huit pays d'Europe.

Valentine Ponsy


Première diffusion : lundi 28 avril 2008 à 21:35

Durée : 52'