Page 1 sur 1

Message Publié : 23 Nov 2007, 23:21
par Valiere
« Dans les silences des mères »
André Agard-Maréchal
Editions Albin Michel
167 pages
14 €
Avril 2007

Les chemins des mères ne sont pas balisés.


Il est bon ton de critiquer les parents démissionnaires, incapables. La critique est aisée de son bureau, l'art est plus difficile quand la société ne nous y a pas préparé.
Les modes changent et la vie d'aujourd'hui n'est plus celle d'hier. Le père n'est plus au sommet du jeu relationnel, du moins dans de nombreuses familles. Ce modèle patriarcal, critiqué souvent a fait son temps.
« Tout converge vers la figure maternelle: informations, énergies, affects, paroles...., et elle les redistribue selon sa volonté, manofeste ou énigmatique; elle peut se montrer généreuse, mais aussi parcimonieuse; elle peut pratiquer la rétention, notamment d'information, ou être, au contraire, prolixe, et ainsi signifier que la loi, c'est ce qu'elle dit. »
Voici là un parti pris clair que l'auteur, psychologue scolaire et psychanaliste étaye à partir d'une séquence de la vie de dix mères, toutes différentes dans leur itinéraire singulier et touchant.
Chacune de ces mères est le produit de son histoire personnelle, d'une enfance incestueuse où les repères entre générations ont été brouillés, d' une construction difficile comme adulte à peine sortie de l'adolescence....Les trajectoires sont toutes différentes mais avec trop souvent des institutions sourdes ou maltraitantes.
c'est ainsi que le lecteur rencontre Kévin, 4ans, "hyperactif" d'après un pédiatre qui le soumet à la ritaline pourtant prescrit normalmement pour des enfants âgés de plus de six ou sept ans!
L'institution scolaire veut des enfants conformes et formatés. Gare aux enfants différents, qu'ils soient violents ou trop inhibés. "A la mère de "produire" un enfant qui entre dans les variations de la normale"!
Le trait est dur mais qui peut croire que c'est une exagération?
Le père absent, faible, c'est souvent ou parfois une réalité , pourtant n'est-il pas indispensable en tant que tel afin de permettre que s'établisse un équilibre des relations parents enfants et éviter des dérives comme la fusion mère-enfant ou le rejet?
L'auteur met en scène des mères rencontrées en essayant à chaque fois d'analyser une situation difficile et particulière, sans jugement à l'emporte pièce. Il est nécessaire et indispensable pour le professionnel d'être capable d'écouter et de comprendre y compris ces silences si lourds de sens.
La généalogie est parfois lourde. Fiona en témoigne : "Ma mère reproduisait avec moi la souffrance qu'elle avait subie, exactement la même". Quel intérêt alors de devenir mère à son tour? La résilience, nécessaire n'est pas systématique, il faut la construire.
L'auteur se fait l'avocat avisé de l'accompagnement qui consiste à laisser à l'autre, à celle qui souffre, toute sa place. C'est avec elle que le psychologue ou psychanaliste trouvera une piste et bien souvent: "Elle continuera seule, ou avec qui elle désire, et qu'elle aura choisi..."
La femme ne naît pas mère, elle n'y est d'ailleurs pas préparée. Le plus souvent elle arrive à se construire...Parfois elle a besoin qu'on l' écoute, elle et ses silences...Il n'y a ni modèle ni solution mécanique et comme le rappelle l'auteur :"...ce qui est proposé aux mères jugées "insuffisamment bonnes" par les institutions est dangereux, pervers et ne peut conduire qu'aux répétitions les plus douloureuses".
Avec une plume aisée, émouvante, l'auteur nous entraîne à un regard neuf, ouvert , sans préjugé et tellement humain.Il nous fait rencontrer des femmes toutes uniques, singulières qui cherchent à être de bonnes mères.
Tout ne va pas de soi mais "la société" n'est-elle pas là pour apporter une aide adaptée et non pour condamner, pour séparer femme et enfants ou pour délivrer le calmant, tranquilisant social!

Jean-François CHALOT