Un livre intéressant de Daniel Bensaïd. « Les dépossédés, Karl Marx, les voleurs de bois et le droit des pauvres ». Editions La fabrique, 9 euros.
L’ouvrage présente sous un volume réduit, 120 pages format de poche, un commentaire des articles de Marx dans la Rheinische Zeitung du 25 octobre 1842 au 3 novembre 1842 ( Il avait 24 ans). Ces articles traitaient d’un débat parlementaire de la Diète rhénane au sujet du « vol des bois ». Une coutume féodale autorisait les paysans à récolter le bois mort dans les forêts des seigneurs. La mise en place du droit bourgeois, pour lequel la propriété est absolue, abolit cette possibilité inscrite dans le droit coutumier. Il s’agit de la première occurrence dans les textes de Marx de l’idée selon laquelle la loi n’est aucunement l’expression d’une rationalité abstraite ni même d’un quelconque droit naturel, comme le pensaient les hégéliens et la plupart des idéologues bourgeois, mais l’expression d’intérêts très matériels et socialement déterminés, en l’occurrence, ceux des propriétaires de terres.
D.B. étudie le développement des positions de Marx depuis cette période précoce de son activité politique vers l’analyse en termes de luttes de classes qui ne tardera pas à se faire jour. Il compare notamment avec les positions de Proudhon.
Le livre contient en annexe une traduction partielle des articles de la Rheinische Zeitung (reprise du livre plus ancien de Lascoumes et Zander : « Marx :du , vol de bois, à la critique du droit », PUF, 1984. On peut le trouver dans les bibliothèques municipales un peu conséquentes). C’est l’un des intérêts du livre car ces articles ne figurent pas, à ma connaissance du moins, sur la version en langue française du site MIA.
Ceux, dont je suis, que l’éclectisme de Bensaïd irrite fréquemment, je le dis en toute fraternité et de manière bienveillante, trouveront qu’il sacrifie un peu moins à ce travers dans ce livre. (J’ai écrit « un peu moins » et non « pas du tout » !). La dernière partie du livre concerne l’actualité de la, je cite : « globalisation marchande », est trop alter à mon goût. Le dernier chapitre, dont le titre est « du droit coutumier des pauvres aux biens communs de l’humanité » aborde diverses conséquences de « la privatisation généralisée du monde ». Il y est question des contradictions et des limites qu’impose au développement social de l’humanité l’antagonisme entre appropriation privée et appropriation sociale. J’ai peut-être mal lu mais le prolétariat, la construction d’un parti communiste révolutionnaire, la nécessaire destruction de l’état bourgeois et de la domination bourgeoise dont il est l’instrument ne jouent aucun rôle dans l’exposé de D. Bensaïd.
Les 29 dernières pages sont de Marx et je les recommande.