« Nos enfants nous haïront »
de Denis Jeambar et de Jacqueline Rémy
Editions du Seuil
234 pages
6,5 €
septembre 2007
ENCORE PLUS DE LIBERALISME !
La couverture de ce livre nous fait découvrir un titre plein et une illustration de choc : un adolescent qui semble hurler sa colère à un père en costume cravate qui refuse d’écouter...
Les ingrédients sont prêts à l’assemblage pour une oeuvre de réflexion ou un pensum réactionnaire sur l’effort contre la paresse....
6 euros cinquante et un Denis Jeambar déjà rencontré qui possède une bonne plume, pourquoi ne pas tenter une lecture et découvrir une Jacqueline Rémy que je ne connais que de nom !
Je vais progressivement passer d’un acquiescement critique à une indignation peu mesurée, et pour cause !
Les deux auteurs nous proposent neuf chantiers pour une construction ou un nouveau départ afin justement de ne pas laisser à nos enfants une planète condamnée et un avenir incertain voire de régression.
Le premier chantier ouvert, intitulé « reverdir l’environnement » refuse à la fois le productivisme débridé et à la fois la régression qui serait d’après certains le moindre mal.
Pour les auteurs : « Le pire serait de marcher vers cet avenir à reculons, la peur au ventre, en refusant de recourir aux outils que nous ouvre la technologie » et s’ils refusent les « a-priori, par exemple sur le nucléaire », ils expliquent qu’il nous faut absolument investir les sources d’énergie renouvelables et préserver les équilibres naturels...
Voici là un début prometteur qui me donne l’envie d’aller plus loin. L’écriture aisée et agréable et le style alerte sont loin d’être décevants. Par contre si je partage
le raisonnement des deux écrivains sur la nécessité de donner aux jeunes des repères, je suis réfractaire au discours suivant : « Personne n’a le courage d’affronter les corporations ni de dire que l’université française ne s’en sortira pas, face à la mondialisation, sans rendre ses facs autonomes, sans augmenter les droits d’inscription,.... et sans remiser le dogme du diplôme national » .
Pour redonner à l’école sa fonction première, pour arrêter d’obliger des enfants à subir une scolarité inadaptée à leurs compétences, pour « revaloriser le désir d’apprendre et de redonner du sens au savoir », il faut justement maintenir à l’éducation un cadre national et ne pas livrer l’école aux intérêts étriqués des potentats locaux ou des chefs d’entreprises.
La présentation des trois premiers chantiers me fait craindre au pire, d’autant plus que les auteurs annoncent des sujets critiques comme le travail, la santé, ou le déficit budgétaire du pays.
Les masques tombent et les chantiers de l’avenir annoncés sentent le goût du libéralisme le plus éculé. Pour que nos enfants ne nous haïssent plus, il faut liquider les 35 heures, augmenter le nombre d’annuités de travail, supprimer de nombreux postes budgétaires, réduire le déficit budgétaire en rognant sur les dépenses, remettre en cause certains acquis sociaux !?
Les deux auteurs doivent être satisfaits puisque la politique qu’ils préconisent c’est celle que conduit aujourd’hui Sarkozy...
Quant à leurs enfants, ils pourront les haïr car l’orientation proposées par Denis Jeambar et Jacqueline Rémy conduit inévitablement à l’aggravation des inégalités sociales....Du moins si leurs propres enfants finissent malheureusement sur les traces de leurs pères, les nôtres et des millions d’autres continueront à se mobiliser, comme ils l’ont fait contre le CPE et contre cette société duale .
Jean-François CHALOT