Le huitième mort de Tibhirine »
de Rina Sherman
Editions Tatamis
187 pages
décembre 2006
IL N'Y A PAS QUE LES ARMES QUI TUENT !
Quand nous avons appris le massacre des sept moines de Tibhirine en Algérie, il y a plus de 10 ans, nous avons été très nombreux à exprimer notre indignation.
En 1996, juste après ce lâche assassinat, certaines versions contradictoires avaient circulé : s'agissait-il là de l'oeuvre du GIA islamique ou d'une mise en scène des services secrets algériens?
Un grand reporter, Didier Contant a fait une chute mortelle en plein Paris, la veille même de la publication de l'enquête minutieuse qu'il avait effectuée sur cette tragédie ! ?
Sa compagne, anthropologue a décidé, après réflexion d'enquêter et ensuite de publier ce livre où elle raconte sa rencontre avec le journaliste, leur amour partagée et surtout la tragédie vécue.
Il n'y a pas que les armes qui tuent, le harcèlement et les calomnies peuvent aussi faire leur oeuvre.
Des journalistes n'ont pas hésité à accuser Didier Constant d'avoir eu des relations avec les services secrets français et algériens, ce qui expliquerait sa version impliquant exlusivement les islamistes.
« Au café Internet du Luxembourg, je lis les titres de la presse dont un article, « Didier Contant se serait suicidé à la suite de fortes pressions de ses détracteurs : la huitième victime de Tibhirine ». Un ancien collège de Didier y est cité: « Didier Contant a été victime d'attaques très virulentes de la part de certains journalistes de Canal+ » »!
Ce livre, bien écrit d'ailleurs se lit comme un roman policier... Malheureusement il ne s'agit pas de fiction mais de réalité.
L'auteure va jusqu'au bout de sa quête de vérité. Elle est souvent seule devant des portes fermées qu'elle ouvre, ce qui lui permet de dévoiler certains oublis dans l'enquête menée par la police.
Mais peu à peu, tout s'explique, notamment le silence de certains journalistes.
Il existe certaines versions qui gênent :
« Au vu de ces éléments de l'enquête de Didier Constant, il apparaît que c'est en mettant en évidence les failles de la thèse d'une éventuelle responsabilité de l'armée algérienne dans la mort des moines qu'il s'est retrouvé, malgré lui, au sein d'un conflit qui fractionne la gauche en France et ailleurs sur la question de l'intégrisme islamiste. »
Encore aujourd'hui cette fracture existe, une certaine gauche n'hésitant pas à cautionner « l'intégrisme musulman comme étant une force luttant pour la défense des opprimés », désespérant par là-même les femmes algériennes et beaucoup d'autres qui ont subi et qui subissent encore la barbarie intégriste !
Ce livre, témoignage poignant nous montre les ravages que peuvent causer les campagnes calomnieuses.
C'est un réquisitoire implacable contre la lâcheté et contre une certaine presse, dite libre qui cherche à museler des versions pourtant étayées mais qui dérangent.
La liberté d'expression est un droit qu'il faut conserver, défendre coûte que coûte même quand les informations apportées ne sont pas dans la ligne du jour.
Jean-François CHALOT