ICH BIN EIN BERLINER http://www.e-torpedo.net/sommaire.php3
Encore un samedi soir devant la télé à zapper compulsivement, (comme disait Springsteen : 57 channels and nothing on !)
Un samedi soir sans musique digne de ce nom, où la seule bonne nouvelle est l’absence de cette émission de télé réalité que la décence m’interdit de nommer.
Un « prime » (je ne connaissais pas le terme avant !) où l’on découvre des adolescents post-pubères se regarder le nombril puis se faire massacrer par des pseudos professeurs censés leur apprendre le dur métier de star de la chanson mielleuse, le tout agrémenté par la présence de chanteurs adulés par des gamines de 14 ans dont le rêve secret est de passer à la télé. Parfois même la production pousse le vice jusqu’à inviter de grandes stars pour crédibiliser le tout (les gens m’appellent l’idole des blaireaux !).
Bref, rien de bien orgasmique.
Une pression de plus sur le bouton de la télécommande, sans trop y croire d’ailleurs et c’est la tête à Ardisson.
Un rapide coup d’œil sur les invités : Joey Starr le rappeur déjà « has been » qu’on aime détester, soumis dans son rôle de bouffon du présentateur vedette.
Cette misérable pantalonnade me rappelle la réponse de Laurent Gerra à la question « écoutez-vous du rap ? » : Ces gens-là veulent avoir des rapports sexuels forcés avec ma mère, et il faudrait encore que j’achète leurs disques !
Et soudain la surprise, j’entends un mot magique, une phrase qui me serre le ventre : Celui qui est passé à coté de l’album « The idiot » de Iggy Pop n’a rien compris.
Jubilation de ma part, je savais qu’Ardisson était quelqu’un de sensible, mais là... Bien sûr, en y réfléchissant, la musique du générique d’une de ses émissions , « lunettes noires pour nuit blanche » n’était autre que « nightclubbing » morceau que l’on retrouve dans le film « transpotting ».
« The idiot » géniale transition d’avec les STOOGES (les crétins !), quoiqu’un peu prétentieuse (voir le roman de Tolstoï du même nom) date de 1976, et c’est le 1er véritable album d’Iggy Pop en solo.
Produit par Bowie, et enregistré à Berlin, qui était à l’époque la capitale de l’underground, ce cd est un authentique témoignage des pérégrination nocturnes du couple Bowie Iggy en pleine décadence.
Véritable métaphore d’une défonce programmée, cet album n’est bien sûr pas à mettre entre toutes les oreilles, et par conséquent son accessibilité immédiate s’en ressent !
Le 1er morceau « Sister Midnight » donne le ton de l’album, on a pas de mal à imaginer David Bowie en compagnie de son ami américain déambuler dans les rues de la capitale qui exulte sa frustration d’avoir été cisaillée par une construction honteuse.
« Nightclubbing » 2ème morceau, nous balance une guitare torturée comme une sale bonne soirée en préparation, avec un second couplet auto-doublé comme une danse schizophrène, bref un Iggy au top de sa sournoiserie vocale.
« Funtime » 3ème morceau, est tout simplement profondément jouissif, il semblerait même que monsieur bowie himself assure les chœurs !
De ce fait, ce morceau semble sceller l’amitié bizarre et malsaine des deux nightclubbers.
L’album contient même un certain « china girl », repris par Bowie 7 ans plus tard (eh oui, Iggy a vécu un bon moment avec les royalties du morceau à partir de 1983) cette version est bien sûr plus sauvage, plus brute et plus désespérée, un cri dans la nuit, rien que çà !
« Baby » et « Dum dum boys » les 2 morceaux suivants maintiennent la pression, chacun à leur manière. « Tiny girl », avant dernier morceau, cingle comme un sursaut de lucidité qui ne peut être que mélancolique avant de replonger dans « Mass production » conclusion étouffante.
On se rend d’ailleurs compte qu’Iggy a importé en Allemagne le son industriel de sa Motor city natal en authentique signature du maître.
Mais le plus surprenant, c’est qu’en 1976, on est en plein début de période punk, et l’iguane est déjà passé à autre chose (même si il y reviendra par la suite)
Le « parrain du punk » comme on l’appelle, après avoir contribué à faire évoluer le rock’n’roll basique, nous sort un truc intimement original et lancinant, d’une alchimie triangulaire (Iggy, Bowie, Berlin), dans lequel on glisse sans s’en rendre compte si l’on tend l’oreille plus de 10 secondes, un voyage dans une spirale auto-mutilatoire, une saveur bien connue de ceux qui ont atteint le bout de la nuit.
« The idiot » est un album qui flashe, un style inimitable, salement bien joué, et proprement mal chanté, rien que du vice à l’état pur, ou peut-être carrément le contraire :
de la tendresse désespérée ?