« Ecole : mission accomplie »
de Pierre Bergounioux
entretiens avec Frédéric Ciriez et Rémy Toulouse
Edition : les prairies ordinaires
203 pages
Septembre 2006
16 €
Mettre à bas les mythes
L’auteur, écrivain et professeur de collèges s’invite au débat sur l’école. Il va peut être réconcilier – contre lui !?- les adeptes de l’élitisme républicain et ceux de la pédagogie alternative.
Pour Pierre Bergougnoux l’école fonctionne bien, elle remplit la mission que lui a assignée la bourgeoisie : maintenir, voire renforcer les rapports de domination.
« Le discours républicain sur l’école est un mélange d’idéalisme et de volontarisme, de candeur et de timidité. Il est l’expression d’un groupe socioprofessionnel, la petite bourgeoisie intellectuelle, à laquelle la grande a confié le secteur peu rentable des affaires scolaires. »
Et la pédagogie comme réponse ?
« J’ai été élève. Je suis professeur. Je sais comment certains cours peuvent être fastidieux et qu’il m’est arrivé, aussi, d’en trouver d’autres piquants, instructifs. Mais ce sont là des considérations de bons élèves, qui entendent ce qu’on leur dit et en attendent quelque chose. »
Le propos, radical découle d’une analyse d’inspiration marxiste, l’auteur rappelant la prégnance de la lutte de classe comme moteur de l’histoire.
Sortir du politiquement correct, expliquer que l’égalité des chances n’existe pas, tout ce parti pris n’implique pas que l’auteur se désintéresse de son métier d’enseignant.
« « l’enfance, dit Montesquieu, est une maladie ». Nous n’avons pas à en feindre les symptômes. Les élèves ont à nous rejoindre, par effort, sur les hauteurs de l’âge. C’est là qu’ils deviendront eux-mêmes. Je parle, en classe, un français soutenu. »
Voici là une démarche qui rompt avec celle, très usuelle qui consiste à s’adapter au niveau de l’élève.
Pierre Bergounioux s’en prend aux mythes qui ont la vie dure comme celui de l’égalité des chances et de l’école libératrice.
Avec vigueur mais aussi avec talent, il dénonce un autre mythe lié au précédent, celui du Collège unique, réducteur des inégalités :
« …les enfants des classes populaires vont découvrir leur infériorité, devenir les « mauvais élèves » qu’ils n’étaient pas lorsqu’ils restaient entre eux, dans les sections de fin d’études du primaire ou les CET. La lutte des classes fait intrusion dans les salles de classe au moment où la seule force d’opposition, le Parti communiste, commence à s’effacer de la scène politique. »
Evidemment le lecteur peut trouver le trait un peu exagéré, d’autant plus que l’apprentissage à 14 ans ou même à 16 ans n’est pas la panacée…
Quant à l’affaiblissement du PCF…Il est vrai que la politique ayant horreur du vide, les communautaristes ont occupé le terrain laissé vacant dans les cités par le parti communiste, entre autres.
Alors que faire ?
Changer de système comme nous y invite l’auteur, certes mais en attendant :
Suivre l’auteur de ce livre qui opte pour l’apprentissage plutôt que l’ennui et le confinement au collège ou alors modifier la donne en permettant à chacun de développer ses capacités au collège : formation intellectuelle mais aussi polytechnique et manuelle ?
Jean-François CHALOT