les racines sociales et économiques des Principia de Newton

Message par pouchtaxi » 08 Mai 2006, 18:23

Je recommande aux nombreux érudits qui fréquentent ce forum l’ouvrage suivant : « Les racines sociales et économiques des Principia de Newton » de Boris Hessen édité chez Vuibert (30 euros pour 240 pages).

Boris Hessen (1893-1936) était un physicien et bolchevik russe (après octobre 1917 il fut soldat de l’Armée rouge et secrétaire du soviet de sa ville natale) membre de la délégation soviétique au deuxième congrès international des sciences et des techniques qui se tint à Londres en 1931. Le livre contient une introduction du traducteur, le texte de la contribution de Hessen à ce congrès et une postface. Il s’agit d’après le traducteur de la première traduction française.

On ne présente plus Newton (1642-1727), auteur de la loi de gravitation universelle (vous savez bien : le coup de la pomme qui vous tombe sur la tête pendant votre sieste sous un pommier) et d’une multitude d’autres lois de la physique. Il fut aussi l’un des inventeurs du calcul différentiel nécessaire à l’établissement de ses résultats en physique (polémique célèbre avec Leibniz (1646-1716) quant à la paternité).

Les Principia dont le titre complet est : « Les principes mathématiques de la philosophie naturelle » ( au XVII ième siècle la philosophie naturelle désigne la science) , publié en 1687, est le livre majeur de Newton dans lequel il expose, parmi d’autres choses, la fameuse loi d’attraction : deux corps possédant une masse s’attire proportionnellement à l’inverse du carré de leur distance mutuelle. Cette loi déduite par Newton des lois de Kepler rend compte, entre autres, des mouvements planétaires (sous certaines approximations toutefois).

L’un des intérêts du texte de Boris Hessen et ce pour quoi j’en parle sur le FALO repose, comme son titre l’indique, sur la volonté de l’auteur de rendre compte en historien matérialiste du travail scientifique d’Isaac Newton en le situant dans son contexte socio-économique et très précisément en liant les lois de Newton aux besoins techniques qu’entraînait le développement du capitalisme pendant le XVII ième siècle. Certains trouveront probablement l’argumentation de BH réductrice, néanmoins l’histoire des sciences comptant peu de matérialistes militants ce livre me semble aussi rare que précieux. Il convient de préciser que le texte de B.Hessen n’est pas une présentation du contenu des « Principia » dont la lecture, je devrais dire l’étude, est pour le moins ardue.

L’introduction et la postface, également utiles, s’attachent à expliciter l’exposé de BH et ses multiples enjeux qu’ils soient scientifiques ou bien politiques. Hessen sera l’une des nombreuses victimes de la bureaucratie stalinienne, il sera accusé « d’activités contre-révolutionnaires trotskystes-zinoviévistes » et passé par les armes.

Je clos en mettant en garde contre :

1) le sous-titre stupidement racoleur de la première de couverture : « Une rencontre entre Newton et Marx à Londres en 1931 ».
2) ma première phrase qui semble exclure les non-érudits. Or il n’en est rien puisque j’ai lu le livre !
pouchtaxi
 
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Message par artza » 08 Mai 2006, 19:02

(pouchtaxi @ lundi 8 mai 2006 à 20:23 a écrit :

Boris Hessen (1893-1936) était un physicien et bolchevik russe (après octobre 1917 il fut soldat de l’Armée rouge et secrétaire du soviet de sa ville natale) membre de la délégation soviétique au deuxième congrès international des sciences et des techniques qui se tint à Londres en 1931.



 

Hessen sera l’une des nombreuses victimes de la bureaucratie stalinienne, il sera accusé « d’activités  contre-révolutionnaires trotskystes-zinoviévistes »  et passé par les armes.




Merci pour cette communication et bienvenue sur ce forum.

J'espère que l'on pourra se procurer cet ouvrage sous le chapiteau scientifique lors de la prochaine fête de LO.

Hessen fut victime des purges staliniennes.

Décidémment Staline s'est acharné à assassiner tout ce qui avait un peu de coeur et de cervelle en URSS.
artza
 
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Message par Barnabé » 08 Mai 2006, 19:50

J'ai beaucoup travaillé (pour la fac) sur ce bouquin, et plus largement sur le 2ème congrès international d'histoire des sciences de londres en 31 dont le texte de Hessen était une communication, et qui a vu se présenter une importante délégation soviétique emmenée par Boukharine, avec outre Hessen des scientifiques comme Vavilov, généticien qui sera une des principales victime de l'affaire Lyssenko (ce qui explique le sous-titre sur la rencontre en 31).
D'un intérêt variable, les textes des soviétiques à ce congrès essaient de donner une lecture marxiste de la science et de son histoire. Il y a bien des côtés stals, dans la description du "fabuleux développement" des sciences en URSS, et la visée politique de la présence au congrès a en fait pour but de la part de la buraucratie soviétique de se lier avec des scientifiques britanniques. Mais sur le contenu, il y a bien une tentative d'appliquer le matérialisme dialectique à la fois aux sciences elles-même (une sorte d'actualisation de "dialectique de la nature") et à l'histoire des sciences, en en discutant non comme une avancée linéaire vers la Vérité, émaillée de grande découvertes et de grands découvreurs, mais comme une activité sociales, et socialement déterminée. Le papiers d'Hessen dont il est ici question, est de ce point de vu assez magistral, expliquant la physique newtonienne comme le produit de la révolution bourgeoise anglaise, sans pour autant tomber dans des explications trop mécanistes (genre ne voir les sciences que par le bout de l'utilitarisme économique pour la bourgeoisie montante).
De fait le congrès de 31 et en particulier le papier de Hessen aura une grosse influence sur une frange des scientifiques britanniques (J.D. Bernal, J. Needham, JBS Haldane ...) qui poursuivront une tentative d'élaboration d'une compréhension sociale des sciences (malheureusement presque rien de tout cela n'est traduit). Avec pleins de limites (et réellement des côtés très stals quand ça se met à discuter politique, en particulier de l'URSS mais pas seulement) mais ce sont des trucs extrêmement intéressants pour qui s'intéresse aux sciences d'un point de vue marxiste.
Barnabé
 
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Message par Barnabé » 08 Mai 2006, 20:15

Pour ceux qui lisent l'anglais, on trouve un certain nombre des contributions soviétiques au congrès de Londres de 31, mais malheureusement pas celle de Hessen, ainsi que d'autres textes de diverses époques (et d'un intérêt encore plus divers) sur le marxisme et les sciences sur MIA: marxism and natural science
Barnabé
 
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Message par artza » 09 Mai 2006, 06:24

(Barnabé @ lundi 8 mai 2006 à 21:50 a écrit : Il y a bien des côtés stals, dans la description du "fabuleux développement" des sciences en URSS

Ah, bon il n'y a pas eu un énorme développement de l'enseignement des sciences et de la recherche en URSS?
Permis par l'expropriation de la bourgeoisie et malgrès la politique de Staline qui entre autre s'acharnait à exterminer les scientifiques comme l'exemple de Hessen le montre.
artza
 
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Message par Ottokar » 09 Mai 2006, 07:14

sans contredire la légitime indignation d'Artza (car il y a bien eu un fantastique dévelopement des sciences et de la culture en URSS, même stalinienne), il y avait un côté triomphaliste dans cette même URSS stalinienne qui a pu énerver Barnabé. Par exemple je me souviens que lors de mes études, on avait un livre de maths soviétique (Piskounov) qui présentait bien des théorèmes que nous connaissions du nom de leur inventeur occidental d'un nom russe : un Pascalovitch avait inventé le calcul des probabilités par exemple et une Leibnitzovskaïa le calcul infinitésimal et les dérivées.

C'est peut-être ce que voulait dire Barnabé. Car pris au pied de la lettre, Artza a raison, sa phrase est fausse et va tout à fait dans le sens de ceux qui nient tout progrès à l'économie planifiée, même planifiée de façon bureauratique. Mais pitié, de Newton, ne basculons pas vers la n-ième discussion sur la nature de l'URSS !
Ottokar
 
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Message par Barnabé » 09 Mai 2006, 09:35

Je ne nie évidemment rien du développement scientifique réel en URSS, par contre il y avait au delà de cette réalité un discours qui exagérait de beaucoup ce développement et qui était axé "socialisme dans un seul pays" ou on avançait à grand pas vers la suppression de la division sociale du travail, où tout le développement scientifique était uniquement orienté vers la satisfaction des besoins etc. ce qui pour le coup ne colle pas avec la réalité. Bref je ne nie pas le développement des sciences en URSS, je dis qu'il y avait des côtés stals dans la manière de le décrire (et de l'exagérer).
Sur le fond (pour ne pas être totalement hors sujet), il y avait dans leur raisonnement une partie très juste, y compris sur les limites que l'organisation capitaliste de la société (en particulier à son stade impérialiste) impose au développement scientifique, et l'idée que le socialisme permettrait un développement phénoménal. Là où ça coince un peu c'est évidemment du coup de décrire la Russie comme la réalisation du socialisme...
Barnabé
 
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Message par Ottokar » 09 Mai 2006, 10:46

Dans ma réponse, j'ai failli être plus direct : si Vérié pouvait éviter d'ouvrir le n-ième débat sur la nature de l'URSS... je vois que j'aurais dû !

Cela dit, les questions qu'il pose méritent de l'être. Mais il faudrait ouvrir un fil spécail et rester ici sur les Principia de Newton.
Ottokar
 
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