Le cri, téléfilm sur France 2

Message par pedro » 26 Fév 2006, 21:45

L'article de l'Huma, sur ce film, en deux parties, lundi et mardi, sur france 2 :

a écrit :la semaine télé
Le fer dans le sang des métallos
Fiction. Hervé Baslé signe, avec le Cri, une épopée ouvrière dans le monde de la métallurgie, en France, du XIXe siècle à aujourd’hui. Un film exceptionnel.

Le Cri

Lundi et mardi. France 2. 20 h 55.

« La parole de l’ouvrier sur son chantier ou à l’usine est souvent un cri. Le cri d’une souffrance, d’une mutilation ou d’une blessure. » Elle peut aussi être cri de colère et de révolte. Un cri qui a du mal à retentir jusqu’à nous, et notre époque postindustrielle. Le réalisateur et auteur Hervé Baslé a fait le pari de transmettre, par la fiction, la voix des ouvriers des hauts fourneaux. Il raconte, en quatre épisodes, la saga des sans-voix, de ces hommes et de ces femmes du peuple. Il raconte leur misère, leurs difficultés, leurs joies, leur solidarité. Le Cri raconte une dynastie de métallos sur cinq générations. Hervé Baslé achève ainsi un cycle sur l’histoire des petites gens entamée avec Entre terre et mer et le Champ dolent. Après l’eau et la terre, il s’attaque, si l’on peut dire, au feu. Surtout, il redonne une vie à ces hommes et à ces femmes, une dignité à leur travail et à leurs combats. Cette épopée ouvrière, qui se situe entre 1830 et 2005, lance aussi le débat sur le type de société que l’on veut construire. Le Cri peut résonner jusqu’à nous, même si la classe ouvrière a changé de forme, aujourd’hui : il met en cause, directement, un système de production, le capitalisme, qui s’occupe davantage de profits que des hommes.

L’histoire du Cri, c’est celle de la famille Panaud. En 1945, à la Libération, le jeune Robert, tout juste quinze ans, commence son apprentissage aux hauts fourneaux. Aîné de quatre enfants, il est aussi orphelin de père. Un père, mort d’épuisement, mais qui a eu le temps de lui transmettre la fierté de son métier, et le courage de refuser l’inacceptable. À l’usine, Robert entre en contact avec l’Ancien, Fred, qui a connu son père et son grand-père, et lui raconte sa saga familiale. Histoire que Robert, plus tard, transmettra à son propre fils, devenu ingénieur, et dernier de la lignée à entrer à l’usine, qu’il sera d’ailleurs chargé de reconvertir. Robert (Francis Renaud) et Fred (Yann Colette) narrent l’aventure de « ceux qui ont le fer dans le sang » : l’aïeul, dont on a perdu la trace, l’arrière-grand-père Jules, qui paya sa rébellion de sa vie, au bagne, le grand-père Célestin, victime d’un accident du travail, et le père, Marcel. Ce que raconte le Cri, c’est cette double transmission du travail inscrit dans une région, dans un savoir-faire, dans un amour du métier, et celle du combat syndical.

Il a fallu beaucoup de temps, presque quatre ans, à Hervé Baslé pour construire ce projet. « J’ai dû beaucoup me documenter. Je connaissais moins le monde ouvrier que la mer, ou les milieux paysans, dont je suis issu. J’ai donc beaucoup lu sur l’histoire de la sidérurgie et du mouvement social, depuis le début de l’ère industrielle. J’ai aussi glané beaucoup d’éléments sur la métallurgie, comme des archives d’entreprise », raconte le réalisateur. Sur le tournage, face aux acteurs chevronnés, Hervé Baslé a fait appel à d’anciens métallos comme conseillers techniques. Il a aussi été très soucieux de leur avis sur la façon de parler des ouvriers de son film, quitte à corriger ses dialogues pour qu’ils sonnent plus juste à leurs oreilles. Chaque rôle, même le plus petit, est très soigneusement écrit pour éviter, justement, les fausses notes. Et chacun est incarné par de grands acteurs, aussi. « Je suis seulement un colporteur, relativise avec modestie Hervé Baslé. Ce qui compte, ce sont les mots du monde ouvrier. » Le film a été présenté à Longwy, devant d’anciens métallurgistes, « et j’ai été très content qu’ils perçoivent ces mots comme les leurs ».

Hervé Baslé, comme dans les deux précédents volets de sa trilogie, refuse toute nostalgie. Il se

réfère à un proverbe africain pour expliquer sa démarche : « Si tu ne sais plus où tu vas, retourne- toi et regardes d’où tu viens. »

Or, constate le réalisateur, en Lorraine, par exemple, les hauts-fourneaux, physiquement, ont été démantelés. Il est donc difficile de conserver la mémoire ouvrière, même si des communautés de communes tentent, aujourd’hui, de préserver ce qui peut encore l’être. « Je n’ai pas construit mon film sur la nostalgie. Comment peut-on être nostalgique d’une époque où les enfants travaillaient en usine à huit ans », s’interroge Hervé Baslé. Dans son film, même la solidarité quotidienne et syndicale est montrée dans son âpreté. Hervé Baslé montre aussi un univers, l’usine, où se côtoient des personnes de toutes origines : Italiens, Maghrébins, Polonais, Français, tous unis, comme le dit le personnage de Robert, par le sentiment d’appartenir au même corps, et de courir les mêmes risques. « Les plans de restructuration ont aussi fait voler une partie de cette entente en éclats. Il est plus facile de se mobiliser quand on travaille. »

D’ailleurs, ce qui frappe, avec ce Cri, c’est la brûlante actualité des thèmes abordés : le travail des enfants, les cadences infernales, la précarité de l’embauche, la prime au mérite. « Autant d’acquis sur lesquels nous sommes en train de revenir, s’alerte le réalisateur. Est-ce que vraiment les choses ont changé entre hier et aujourd’hui ? C’est toujours le même combat à reprendre à chaque génération. » Pour lui, « la simple disparition du mot "ouvrier" dans le vocabulaire est lourde de signification. Même si on n’appelle plus un ouvrier un ouvrier, il y a toujours des gens qui triment pour gagner leur croûte. Le SMIC reste le SMIC »... Il aimerait, lui, que la solidarité soit un mot plus à la mode.

Quand le film a été présenté à Longwy, Hervé Baslé a été touché par deux réactions : la première, par un homme qui se demandait si le propos allait intéresser d’autres personnes que les métallos. Alors que le film, comme l’histoire de ces ouvriers, recèle une part d’universalité. La seconde, parce qu’un gamin de douze ans s’est levé dans la salle pour dire qu’il ne regarderait plus son grand-père de la même façon. Si le film réussit ne serait-ce que ces deux paris, réunir et transmettre, il aura toute sa raison d’être.

Caroline Constant

pedro
 
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Message par Ottokar » 02 Mars 2006, 09:23

Ce téléfilm n'a pas l'air d'avoir suscité de réactions de la part des forumeurs... je nai vu que le 2ème épisode, j'avais enregistré le premier, je ne sais pas si je le verrais. Peut-être en faisant mon p'tit repassage !

C'est pas très bon. Le thème est de montrer la fierté ouvrière, à travers des générations d'ouvriers de la sidérurgie. Les générations se succèdent, toutes passionnées par le métal en fusion, toutes attirées par la magie du feu, la noblesse des gestes de l'usine, qui sont durs mais développent la solidarité, etc. Rien que lorqu'on a dit cela, on a compris pourquoi ce ne sera pas très bon.

D'abord, il ne doit pas y avoir beaucoup d'ouvriers en France qui le soient depuis 10 générations. Le film montre que ce n'est que la dernière génération, la nôtre, qui quitte l'usine parce qu'elle ferme, (on voit où ça va mener : fin d'un monde, baisse du PC, chute du communisme, mais aussi disparition des organisations ouvrières de la vie collective, de la solidarité, etc. ).

La France est passée de 25 millions à 50 puis 60 millions, de la révolution industrielle à nos jours. Les paysans ont régressé des 3/4 de la population (soit près de 20 millions) à moins d'un million. Le nombre d'employés, de techniciens, de profs, de soignants, de catégories intermédiaires a augmenté. Cela signifie qu'il y a toutes les chances que les ouvriers déjà en place, déjà ouvriers au début du XIXème siècle ne le soient plus à la fin, du moins que leurs enfants ne le soient plus. En tout cas, pas au XXème siècle. Les ouvriers d'aujourd'hui peuvent être fils et petits-fils d'ouvriers, si on remonte au-delà, on trouvera plus volontiers des agriculteurs (des ouvriers agricoles ou de tout petits exploitants) et des émigrés (italiens, espagnols, alemands, polonais...) que des ouvriers. On a des dynasties capitalistes (les Wendel) on a plus rarement des dynasties ouvrières qui font le pendant.

Admettons que cela ait été nécessaire pour faire une fiction, une saga sur deux siècles. Mais du coup, cela induit une certaine vision des choses : le héros du 2ème épisode que j'ai vu est fils et petit-fils de sidérurgistes, dont le grand-père est mort dans une coulée (scène sans doute reprise des abattoirs de Chicago de la Jungle) et garde précieusement le lingot dans lequel il reste le grand-père sur sa table de chevet. Hum... On est dans les années 50, il a grimpé, il est devenu employé, compétent, pas de problème de boulot mais, mal à l'aise, il exige de retourner à l'atelier, avec les ouvriers (et perte de salaire). Vous en connaissez beaucoup des comme ça, vous ? Or lui, à l'atelier, il est visiblement heureux, il regarde le métal en fusion avec amour, apprend les geste techniques, se fait admettre des camarades, s'engage syndicalement, ne se protège pas et se fait virer aussi sec ! Il y a pourtant un syndicaliste (un peu froid), joué par François Morel qui a l'air plus CFDT que CGT et qui n'a pas l'air de bosser. S'il est permanent, il ne pouvait pas lui trouver un mandat, au jeune ? On est dans les années 50, il y a des lois, et le patron a l'air de les respecter.

En fait ce qui m'a gêné le plus, c'est ce côté un peu cul-cul qui mythifie le travail ouvrier. C'est très stalinien, ça. Ils ont toujours été forts pour produire des intellos à genoux devant la classe ouvrière et qui lui prêtaient des vertus imaginaires dans des chromos très réaliste-socialiste. Roger Vaillant en est un bon exemple. Ils décrivent plus les ouvriers de l'Huma, l'image que les syndicalistes donnent d'eux mêmes que les vrais ouvriers. Et puis il y a aussi chez les stals les bonzes syndicaux qui sont d'autant plus fanas du travail qu'ils l'ont quitté... ! Dans les mouvements communistes (nous autres, trotskystes en faisons partie évidemment), on n'a jamais prêché le j'm'en-foutisme anar. Mais encenser le travail, ça c'est quasi stakhanov ! L'hypocrisie stalinenne, qui est pour le travail et ses vertus émancipatrices... mais pour les autres ! Respecter la machine, avoir une certaine fierté de ce qu'on produit, oui, mais la libération, c'est quand même sortir de l'usine pas l'encenser.

Bon, voilà certaines raisons pour lesquelles le téléfim (très bien joué par ailleurs, Rufus, Dominique Blanc, etc.) ne m'a pas emballé. Je m'y attendais un peu, je craignais même pire, finalement.

D'autres copains l'ont-ils vu ?
Ottokar
 
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Message par Crockette » 02 Mars 2006, 11:20

PLusieurs critiques de ce film : bcp trop longs et trop d'histoires en même temps mais les acteurs sont bons. Un peu tropfleur bleue par moment mais il y a quand même quelques perles du genre :

1 les patrons convoquent le père à leur bureau et lui disent : dis j'ai appris que ton fils faisait la forte tête, ça fait pas longtemps qu'il est embauché, et il fait déjà du syndicalisme..."
Le patron continue "tu l'as élevé comment ton fils, tâche de t'en occuper, et au fait t'en as combien d'autres ?"."ben ma femme est enceinte elle va accoucher"
Le patron : "ben manquait plus que ça...".

2 Ensuite les patrons le mettent à pied plusieurs jours sans salaire, et le gars part chez lui..sa femme est enceinte, il a pas de fric pour appeler un docteur, il assiste sa femme à l'accouchement".

3 La famille perd le bébé, ils vont tous à l'enterrement, là le père revient à l'usine pour chercher son fils, et le patron regarde l'ouvrier avec le commentaire suivant (je me rappele plus des termes exacts) : "regardez cet idiot, il a le visage de l'âne nez écrasé, bouche ouverte, de celui qui ne comprend rien à sa situation, il ne sait pas à quel point il a de la chance de travailler à l'usine avec un patron qui prend soin de le payer correctement".

A la fin l'ouvrier est obligé de mettre sa fille dans la rue, il tombe sur le patron et là il l'étrangle de désespoir.
Crockette
 

Message par Ottokar » 02 Mars 2006, 12:13

Tu parles du 1er épisode, il a donc l'air meilleur que le second. Beau Masque, le bouquin n'était déjà pas très bon, mais le téléfilm, épouvantable, j'ai craqué au bout de 20 mn !
Ottokar
 
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Message par pedro » 02 Mars 2006, 14:42

Il y a du bon et du moins bon. Comme toi, l'encencement du travail me gave quelque peu. Par contre, c'est plutôt bien joué, il y a de bons passages. Dans le premier, notamment, il y a celui avec le sermon du curé. Un curé qui dit, bien sûr, que l'ouvrier doit accepter sans broncher la loi du patron, car dieu l'a voulu ainsi. Peu après, d'ailleurs, ce même curé est félicité par le patron de l'usine, qui lui dicte carrément ce qu'il doit mettre dans ses sermons.

Dans le second épisode, la femme (Dominique Blanc), d'un ouvrier mort brûlé vif rend visite au chef comptable, qui lui annonce d'abord, sourire aux lèvres, qu'elle reçoit tant d'argent, et rajoute, à la fin, qu'elle doit vider l'appartement qu'elle occupe, et qui appartient à la compagnie.
Sinon, le mépris, l'arrogance de la bourgeoisie, surtout dans son paternalisme abject, le travail des enfants, au 19ème siècle, les nombreux accidents du travail, souvent mortels, la solidarité entre travailleurs, tout cela y est, de mon propre avis, assez bien relaté.
Maintenant, certes, ce n'est pas un super-grand chef d'oeuvre.
pedro
 
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Message par Cornulier » 02 Mars 2006, 15:04

j'ai vu les 2 premiers et je pense que je vais en rester la.
Trop mou et vraiment trop cul-cul.
Il y a une scene qu'il faut voir cependant, c'est juin 36 dans l'usine...c'est à mourir de rire je trouve.Il ne s'y passe rien, on se demande bien pourquoi ils occupent l'usine et on se demande meme pourquoi ils finissent par arreter l'occupation ! Rien n'y est dit (y compris dans les discussions entre ouvriers) et je me mets à la place de quelqu'un qui ne connait pas specialement cette periode, il n'y pige rien.
bref, j'ai vraiment trouvé ce telefilm à la limite du ridicule.
Cornulier
 
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Message par Ottokar » 02 Mars 2006, 15:54

je partage votre avis : la scène que raconte Pedro est vraiment bien, elle est d'ailleurs réaliste. Chez les mineurs dans le Nord, les veuves de mineurs devaient quitter le coron si leur mari mourait, même d'un coup de grisou. Et les scènes de 36 ou de manifs sont assez ridicules. Du coup, vous me donnez envie de voir le premier, puisque je l'ai enregistré.
Ottokar
 
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Message par Crockette » 02 Mars 2006, 18:47

Moi la scène du curé qui dit en gros "c'est pas grave mes enfants, continuez à bien travailler et à vous faire exploiter par votre patron, Dieu vous réserve un endroit meilleur après la vie où vous serez l'égal du patron" je l'oppose à un discours cinglant d'un syndicaliste venu à l'enterrement d'un ouvrier (je crois que c'était le grand père).
Le problème c'est que j'ai vu ce téléfim sur la Belgique avt son passage en france et je mélange tous les épisodes. :-P
Crockette
 

Message par Faber » 02 Mars 2006, 21:02

Il y a d'autres épisodes ? parceque là, vous me donnez vraiment envie de me faire un avis. D'autant que cette question de l'amour pour son travail d'un ouvrier (quand on sait à quel point le travail manuel est méprisé dans la société) est assez complexe je trouve...

d'accord avec la manière qu'ottokar a de présenter le problème :

a écrit : Respecter la machine, avoir une certaine fierté de ce qu'on produit, oui, mais la libération, c'est quand même sortir de l'usine pas l'encenser.


Toutes les nuances sont donc possibles... y compris dans un téléfilm.
Faber
 
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