Poésie

Message par Barnabé » 07 Avr 2004, 17:22

a écrit :  Parfois la prose deTrotskty c'est de la poésie
Exemple: "D'une égratignure au danger de gangrène"

Bon on va essayer (en passant à la ligne suivant le conseille de Cyrano):
a écrit :
Et c'est ici précisément que commence
la trahison de Shachtman,
qui n'est pas une simple erreur
comme je voulais l'espérer
au milieu de l'année dernière,
mais une véritable trahison théorique totale.

Suivant les traces de Burnham,
Shachtman enseigne au jeune parti révolutionnaire
que "personne n'a encore démontré"
que le matérialisme dialectique
affecte l'activité politique du parti.
En d'autres termes
"personne n'a encore démontré"
que le marxisme est utile
dans la lutte du prolétariat.

Le parti n'a donc pas la moindre raison
d'assimiler et de défendre
le matérialisme dialectique.
C'est là une renonciation au marxisme,
à la méthode scientifique en général
et une pitoyable capitulation
devant l'empirisme. 


Je suis moyennement convaincu de la porté poétique de ce texte. :hinhin:
Barnabé
 
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Message par logan » 07 Avr 2004, 20:54

Barnabé> :hinhin:
Je pensais au titre et pas au contenu
logan
 
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Message par Cyrano » 11 Avr 2004, 10:12

Dimanche, c'est dimanche ? Bon, reposons nous, oublions les débats.
Le "Canard Enchaîné", en décembre 1998, avait publié quelques lignes de "L'Hiver", un poème de Jehan Rictus écrit un siècle auparavant. Ce journal remarquait qu'hélas, ce n'était pas forcément un poème daté… Il se trouve que j'en ai un peu plus – sans que ce soit l'intégrale, désolé ! C'est plus un poème à entendre qu'à lire.
Ça pourra toujours servir pour le prochain hiver…


L'HIVER

Merd' ! V'la l'Hiver et ses dur'tés,
V'la le moment de n' pus s' mettre à poils :
V'la qu' ceuss' qui tienn'nt la queue d' la poêle
Dans l' Midi vont se carapater !
[...]

Et v'la l' temps ousque dans la Presse,
Entre un ou deux lancements d' putains,
On va r'découvrir la Détresse,
La Purée et les Purotains !

Les jornaux, mêm' ceuss' qu'a d' la guigne,
A coté d'artiqu's festoyants
Vont êt' pleins d'appels larmoyants,
Pleins d'sanglots… à trous sous la ligne !
[...]

C' qui va s'en évader des larmes !
C' qui va en couler d' la piquié !
Plaind' les Pauvr's c'est comm' vendr' ses charmes
C'est un vrai commerce, un méquier !

Ah ! C'est qu'on est pas muff en France,
On n' s'occup' que des malheureux ;
Et dzimm et boum ! La Bienfaisance
Bat l' tambour su' les Ventres creux !

L'Hiver, les murs sont pleins d'affiches
Pour Fêt's et Bals de charité,
Car pour nous s'courir, eul' mond' riche
Faut qu'y gambille à not' santé !

Sûr que c'est grâce à la Misère
Qu'on rigol' pendant la saison ;
Dam' ! Faut qu'y viv'nt les rastaqoères
Et faut ben qu'y r'dor'nt leurs blasons !

Et faut ben qu' ceux d' la Politique
Y s' gag'nt eun' popularité !
Or, pour ça, l' moyen l' pus pratique
C'est d' chialer su' la pauvreté.

Moi, je m' dirai : « Quiens, gn' a du bon ! »
L'jour où j'verrai les Socialisses
Avec leurs z'amis Royalisses
Tomber d' faim dans l' Palais-Bourbon.
[...]

Et qu'on m' tue ou qu' j'aille en prison,
J'm'en fous, je n' connais pus d' contraintes :
J' suis l'Homm' Modern', qui pouss' sa plainte,
Et vous savez ben que j'ai raison !

Jehan Rictus, "Les Soliloques du Pauvre" (1897).
Cyrano
 
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Message par Cyrano » 11 Avr 2004, 10:14

RÉPONSE À LÉON BLOY (Jehan Rictus)

[Léon Bloy trouvait "épouvantable" l'écriture de Jehan Rictus. Celui-ci lui répond dans une longue lettre véhémente. Bon, OK, c'est pas une poésie, mais c'est d'un poète, quand même... Après avoir expliqué pourquoi il avait choisi cette forme d'expression si personnelle, Jehan Rictus conclut sa lettre…]

[...]

Comment ! Jamais l'avilissement de l'Homme, de mon frère Esclave, n'a atteint un tel degré, même et surtout dans l'Antiquité, et je n'aurais pas le droit ni la force amoureuse de le démontrer ? Et d'opposer aux thrènes triomphaux des Bourgeois qui hurlent la gloire du Progrès, du Travail, etc., cette simple peinture qui dit :
« Le voilà, votre progrès ! Le voilà, votre travailleur ! Vous en avez fait une brute, un être comme aucune civilisation n'en a jamais créé. [...] »
Et vous ne voudriez pas que je dise cela aux populos aussi ? Mais c'est impossible, et la tâche est si belle, si enivrante, que j'aimerais mieux y laisser ma peau que d'y renoncer.
Soyez assuré qu'un jour j'aurai entre les mains, avec des moyens d'action, une force populaire terrible, et que si jamais cela m'arrive je m'arrangerai de façon à ne pas laisser debout un seul pan de l'édifice bourgeois.
Tout vaut mieux, même le retour à la barbarie, à la caverne primitive, qu'une pareille organisation sociale. Si jamais je peux, je leur en foutrai, moi, aux Bourgeois, du progrès, du Labeur, de la Justice, de l'Égalité, de la Liberté, comme ils l'entendent.
Je leur apprendrai à laisser crever de faim les Artistes sincères, à exploiter les Ouvrières de façon à les précipiter au trottoir. Je leur en donnerai de l'Alcoolisme, de la Faim, de la Folie, de la Phtisie, des accidents de chemin de fer, des coups de grisou, des fusillades de mineurs, des tueries qui créent leur richesse !
Parole d'honneur, on devrait me couper le cou tout de suite, tant je compte détruire dans les cervelles populaires le très abrutissant mythe du travail.
Être un danger, un jour ? Quelle joie ! Aurai-je la force et la patience ?…

Jehan Rictus, 4 octobre 1900.
Cyrano
 
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Message par Cyrano » 11 Avr 2004, 10:22

MONOLOGUE D'UNE COMEDIENNE EN TRAIN DE SE MAQUILLER

Je vais représenter une ivrognesse
Qui vend ses enfants
A Paris, au temps de la Commune.
Je n'ai que cinq répliques.

Mais j'ai aussi un déplacement, la rue à remonter.
Je vais marcher comme un être libéré,
Un être qu'hormis l'alcool
Personne ne voulait libérer, et je vais
Me retourner, tel l'homme ivre qui redoute
D'être poursuivi, je me retournerai
Vers le public.

J'ai examiné mes cinq répliques comme ces documents
Qu'on lave à l'acide pour vérifier si sous les caractères visibles
D'autres ne sont pas cachés.
Je dirai chacune d'elles
Comme un chef d'accusation
Contre moi et tous ceux qui me regardent.

Si je ne réfléchissais pas, je me ferais
Simplement un masque de vieille pocharde
Déchue ou malade, mais je vais entrer en scène
Comme une belle femme qui est détruite,
Dont la peau, jadis douce, est jaune à présent, femme ravagée,
Jadis désirable, aujourd'hui objet de dégoût,
Pour que chacun s'interroge : qui
A fait cela ?

Bertolt Brecht (traduction Jean Tailleur)
Cyrano
 
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Message par Cyrano » 15 Avr 2004, 21:02

POÈME POUR LA POSTÉRITÉ

Ce soir
si j'écrivais un poème
pour la postérité ?

fichtre
la belle idée

je me sens sûr de moi
j'y vas
et

à
la
postérité
j'y dis merde et remerde
et reremerde
drôlement feintée
la postérité
qui attendait son poème

ah mais

Raymond Queneau, "L'instant fatal"
Cyrano
 
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Message par faupatronim » 16 Avr 2004, 17:04

Comment ne pas citer cela...

(Rostand % Cyrano @ fin de la scène 6 de l'acte V a écrit :
Cyrano
oui, ma vie
ce fut d' être celui qui souffle, -et qu' on oublie !
(à Roxane.)
vous souvient-il du soir où Christian vous parla
sous le balcon ? Eh bien ! Toute ma vie est là :
pendant que je restais en bas, dans l' ombre noire,
d' autres montaient cueillir le baiser de la gloire !
C' est justice, et j' approuve au seuil de mon
tombeau :
Molière a du génie et Christian était beau !
(à ce moment, la cloche de la chapelle ayant tinté,
on voit passer au fond, dans l' allée, les
religieuses se rendant à l' office.)

qu' elles aillent prier puisque leur cloche sonne !
Roxane, se relevant pour appeler
ma soeur ! Ma soeur !
Cyrano, la retenant.
non ! Non ! N' allez chercher personne :
quand vous reviendriez, je ne serais plus là.
(les religieuses sont entrées dans la chapelle, on entend l' orgue.)
il me manquait un peu d' harmonie... en voilà.
Roxane
je vous aime, vivez !
Cyrano
non ! Car c' est dans le conte
que lorsqu' on dit : je t' aime ! Au prince plein de
honte,
il sent sa laideur fondre à ces mots de soleil...
mais tu t' apercevrais que je reste pareil.
Roxane
J' ai fait votre malheur ! Moi ! Moi !
Cyrano
vous ? ... au contraire !
J' ignorais la douceur féminine. Ma mère
ne m' a pas trouvé beau. Je n' ai pas eu de soeur.
Plus tard, j' ai redouté l' amante à l' oeil moqueur.
Je vous dois d' avoir eu tout au moins, une amie.
Grâce à vous une robe a passé dans ma vie.
Le Bret, lui montrant le clair de lune qui descend à travers les branches.
ton autre amie est là, qui vient te voir !
Cyrano, souriant à la lune.
je vois.
Roxane
je n' aimais qu' un seul être et je le perds deux fois !
Cyrano
Le Bret, je vais monter dans la lune opaline,
sans qu' il faille inventer, aujourd' hui, de machine...
Roxane
que dites-vous ?
Cyrano
mais oui, c' est là, je vous le dis,
que l' on va m' envoyer faire mon paradis.
Plus d' une âme que j' aime y doit être exilée,
et je retrouverai Socrate et Galilée !
Le Bret, se révoltant.
non ! Non ! C' est trop stupide à la fin, et c' est trop
injuste ! Un tel poète ! Un coeur si grand, si haut !
Mourir ainsi ! ... mourir ! ...
Cyrano
voilà Le Bret qui grogne !
Le Bret, fondant en larmes.
mon cher ami...
Cyrano, se soulevant, l' oeil égaré.
ce sont les cadets de Gascogne...
-la masse élémentaire... eh ! Oui ! ... voilà le
hic...
Le Bret
sa science... dans son délire !
Cyrano
Copernic
a dit...
Roxane
oh !
Cyrano
mais aussi que diable allait-il faire
mais que diable allait-il faire en cette galère ? .
Philosophe, physicien,
rimeur, bretteur, musicien,
et voyageur aérien,
grand riposteur du tac au tac,
amant aussi-pas pour son bien ! -
ci-gît Hercule-savinien
De Cyrano De Bergerac
qui fut tout, et qui ne fut rien.
... mais je m' en vais, pardon, je ne peux faire
attendre :
vous voyez, le rayon de lune vient me prendre !
(il est retombé assis, les pleurs de Roxane le
rappellent à la réalité, il la regarde, et
caressant ses voiles : )
je ne veux pas que vous pleuriez moins ce charmant,
ce bon, ce beau Christian ; mais je veux seulement
que lorsque le grand froid aura pris mes vertèbres,
vous donniez un sens double à ces voiles funèbres,
et que son deuil sur vous devienne un peu mon deuil.
Roxane
je vous jure ! ...
Cyrano, est secoué d' un grand frisson et se lève
brusquement.
pas là ! Non ! Pas dans ce fauteuil !
(on veut s' élancer vers lui.)
-ne me soutenez pas ! -personne !
(il va s' adosser à l' arbre.)
rien que l' arbre !
(silence.)
elle vient. Je me sens déjà botté de marbre,
-ganté de plomb !
(il se raidit.)
oh ! Mais ! ... puisqu' elle est en chemin,
je l' attendrai debout,
(il tire l' épée.)
et l' épée à la main !
Le Bret
Cyrano !
Roxane, défaillante.
Cyrano !
(tous reculent épouvantés.)
Cyrano
je crois qu' elle regarde...
qu' elle ose regarder mon nez, cette camarde !
(il lève son épée.)
que dites-vous ? ... c' est inutile ? ... je le sais !
Mais on ne se bat pas dans l' espoir du succès !
Non ! Non ! C' est bien plus beau lorsque c' est
inutile !
-qu' est-ce que c' est que tous ceux-là ? -vous
êtes mille ?
Ah ! Je vous reconnais, tous mes vieux ennemis !
Le mensonge ?
(il frappe de son épée le vide.)
tiens, tiens ! -ha ! Ha ! Les compromis,
les préjugés, les lâchetés ! ...
(il frappe.)
que je pactise ?
Jamais, jamais ! -ah ! Te voilà, toi, la sottise !
-je sais bien qu' à la fin vous me mettrez à bas ;
n' importe : je me bats ! Je me bats ! Je me bats !
(il fait des moulinets immenses et s' arrête,
haletant.)
oui, vous m' arrachez tout, le laurier et la rose !
Arrachez ! Il y a malgré vous quelque chose
que j' emporte, et ce soir, quand j' entrerai chez
Dieu,
mon salut balaiera largement le seuil bleu,
quelque chose que sans un pli, sans une tache,
j' emporte malgré vous,
(il s' élance l' épée haute)
et c' est...
(l' épée s' échappe de ses mains, il chancelle,
tombe dans les bras de Le Bret et de
Ragueneau.)
Roxane, se penchant sur lui et lui baisant le
front.
c' est ? ...
Cyrano, rouvre les yeux, la reconnaît et dit en
souriant.
mon panache.

rideau
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Message par Cyrano » 18 Avr 2004, 21:37

No comment.
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Message par Cyrano » 11 Mai 2004, 11:35

LE RENARD ET LE BUSTE

Les grands, pour la plupart, sont masques de théâtre ;
Leur apparence impose au vulgaire idolâtre.

L'âne n'en sait juger que par ce qu'il en voit :
Le renard, au contraire, à fond les examine,
Les tourne de tous sens ; et quand il s'aperçoit
Que leur fait n'est que bonne mine,
Il leur applique un mot qu'un buste de héros
Lui fit dire fort à propos.

C'était un buste creux, et plus grand que nature.
Le renard, en louant l'effort de la sculpture :
« Belle tête, dit-il, mais de cervelle point. »

Combien de grands seigneurs sont bustes en ce point !

Jean de La Fontaine
Cyrano
 
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