Poésie

Message par logan » 27 Mars 2004, 16:00

La Musique... La Musique...
Où elle était la Musique ?

Dans les salons lustrés aux lustres vénérés ?
Dans les concerts secrets aux secrets crinolines ?
Dans les temps reculés aux reculs empaffés ?
Dans les palais conquis aux conquêtes câlines ?

C'est là qu'elle se pâme c'est là qu'elle se terre la Musique...
Nous c'est dans la rue qu'on la veut la Musique !
Et elle y viendra !
Et nous l'aurons la Musique !

MUSS ES SEIN ? ES MUSS SEIN !

Depuis voilà bientôt trente ans
Depuis voilà bientôt dix jours
Depuis voilà bientôt ta gorge
Depuis voilà bientôt ta source
Depuis que je traîne ma course
Au creux des nuits comme un forçat
A patibuler mon écorce

MUSS ES SEIN ? ES MUSS SEIN !

Je suis un arbre non daté
Depuis que je bois à ma porte
Et que de l'enfer tu m'apportes
De quoi trancher sur l'avenir
Depuis que rien ne se dévore
A part les ombres sur le mur
Depuis que tu me sers encore
La défaite sur canapé

MUSS ES SEIN ? ES MUSS SEIN !

Une araignée m'a dit " bonsoir "
Elle se traînait au crépuscule
Depuis que mon âme bascule
Vers des pays plus mécaniques
Depuis que gavé de musique
Je vais porter ma gueule ailleurs
Une araignée m'a dit " d'ailleurs
Le tout c'est d'avoir la pratique "

MUSS ES SEIN ? ES MUSS SEIN !

Ludwig ! Ludwig ! T'es sourdingue ?
Ludwig la Joie Ludwig la Paix
Ludwig ! L'orthographe c'est con !
Et puis c'est d'un très haut panache
Et ton vin rouge a fait des taches
Sur ta portée des contrebasses
Ludwig ! Réponds ! T'es sourdingue ma parole !

MUSS ES SEIN ? ES MUSS SEIN !
Cela doit-il être ? Cela est !

La Musique... La Musique...
Où est-elle aujourd'hui ?
La Musique se meurt Madame !
Penses-tu ! La Musique ?

Tu la trouves à Polytechnique
Entre deux équations, ma chère !
Avec Boulez dans sa boutique
Un ministre à la boutonnière

Dans la rue la Musique !
Music ? in the street !
La Musica ? nelle strade !
Beethoven strasse !

MUSS ES SEIN ? ES MUSS SEIN !
Cela doit-il être ? Cela est !

(Léo Ferré)
logan
 
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Message par irène » 27 Mars 2004, 18:33

court, on a dit :

Alicante -Paroles- Jacques Prévert-

Une orange sur la table
Ta robe sur le tapis
Et toi dans mon lit
Doux présent du présent
Fraicheur de la nuit
Chaleur de ma vie.
:wavey:
irène
 
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Message par ianovka » 27 Mars 2004, 19:31

C'est Noir Désir, non ?
"Le capital est une force internationale. Il faut, pour la vaincre, l'union internationale, la fraternité internationale des ouvriers." Lénine
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Message par Barnabé » 27 Mars 2004, 19:46

a écrit :C'est Noir Désir, non ?

oui, "les écorchés"
Barnabé
 
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Message par com_71 » 27 Mars 2004, 21:36

Partout, la vie et la mort s'engendrent mutuellement et, par-delà la superbe des grands arbres abattus par la tempête, les yeux, demain, pourront toujours profiter de la splendeur des orchidées.

B.Péret
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par logan » 27 Mars 2004, 23:43

Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s'ouvraient tous les coeurs, où tous les vins coulaient.

Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes genoux. - Et je l'ai trouvée amère. - Et je l'ai injuriée.

Je me suis armé contre la justice.

Je me suis enfui. O sorcières, ô misère, ô haine, c'est à vous que mon trésor a été confié !

Je parvins à faire s'évanouir dans mon esprit toute l'espérance humaine. Sur toute joie pour l'étrangler j'ai fait le bond sourd de la bête féroce.


J'ai appelé les bourreaux pour, en périssant, mordre la crosse de leurs fusils. J'ai appelé les fléaux, pour m'étouffer avec le sable, avec le sang. Le malheur a été mon dieu. Je me suis allongé dans la boue. Je me suis séché à l'air du crime. Et j'ai joué de bons tours à la folie.

Et le printemps m'a apporté l'affreux rire de l'idiot.

Or, tout dernièrement, m'étant trouvé sur le point de faire le dernier couac ! j'ai songé à rechercher la clef du festin ancien, où je reprendrais peut-être appétit.

La charité est cette clef. - Cette inspiration prouve que j'ai rêvé !

"Tu resteras hyène, etc..." se récrie le démon qui me couronna de si aimables pavots. "Gagne la mort avec tous tes appétits, et ton égoïsme et tous les péchés capitaux."

Ah ! j'en ai trop pris : - Mais, cher Satan, je vous en conjure, une prunelle moins irritée ! et en attendant les quelques petites lâchetés en retard, vous qui aimez dans l'écrivain l'absence des facultés descriptives ou instructives, je vous détache des quelques hideux feuillets de mon carnet de damné.
Rimbaud, une saison en enfer
logan
 
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Message par emma-louise » 28 Mars 2004, 15:41

Pour Louise et Lilly ( et le chat sur le toit ) Léo Ferré
Ni Dieu ni maitre





La cigarette sans cravate
Qu'on fume à l'aube démocrate
Et le remords des cous-de-jatte
Avec la peur qui tend la patte
Le ministère de ce prêtre
Et la pitié à la fenêtre
Et le client qui n'a peut-être
Ni Dieu ni maître

Le fardeau blême qu'on emballe
Comme un paquet vers les étoiles
Qui tombent froides sur la dalle
Et cette rose sans pétales
Cet avocat à la serviette
Cette aube qui met la voilette
Pour des larmes qui n'ont peut-être
Ni Dieu ni maître

Ces bois que l'on dit de justice
Et qui poussent dans les supplices
Et pour meubler le sacrifice
Avec le sapin de service
Cette procédure qui guette
Ceux que la société rejette
Sous prétexte qu'ils n'ont peut-être
Ni Dieu ni maître

Cette parole d'Evangile
Qui fait plier les imbéciles
Et qui met dans l'horreur civile
De la noblesse et puis du style
Ce cri qui n'a pas la rosette
Cette parole de prophète
Je la revendique et vous souhaite
Ni Dieu ni maître
emma-louise
 
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Message par Pascal » 28 Mars 2004, 23:16

Deux poèmes de Prévert que j'aime beaucoup, entre autre parce qu'ils me rappellent de beaux souvenirs.


- Cet Amour -

Cet amour
Si violent
Si fragile
Si tendre
Si désespéré
Cet amour
Beau comme le jour
Et mauvais comme le temps
Quand le temps est mauvais
Cet amour si vrai
Cet amour si beau
Si heureux
Si joyeux
Et si dérisoire
Tremblant de peur comme un enfant dans le noir
Et si sûr de lui
Comme un homme tranquille au milieu de la nuit
Cet amour qui faisait peur aux autres
Qui les faisait parler
Qui les faisait blémir
Cet amour guetté
Parce que nous le guettions
Traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Parce que nous l'avons traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Cet amour tout entier
Si vivant encore
Et tout ensoleillé
C'est le tien
C'est le mien
Celui qui a été
Cette chose toujours nouvelles
Et qui n'a pas changé
Aussi vraie qu'une plante
Aussi tremblante qu'un oiseau
Aussi chaude aussi vivante que l'été
Nous pouvons tous les deux
Aller et revenir
Nous pouvons oublier
Et puis nous rendormir
Nous réveiller souffrir vieillir
Nous endormir encore
Rêver à la mort
Nous éveiller sourire et rire
Et rajeunir
Notre amour reste là
Têtu comme une bourrique
Vivant comme le désir
Cruel comme la mémoire
Bête comme les regrets
Tendre comme le souvenir
Froid comme le marbre
Beau comme le jour
Fragile comme un enfant
Il nous regarde en souriant
Et il nous parle sans rien dire
Et moi j'écoute en tremblant
Et je crie
Je crie pour toi
Je crie pour moi
Je te supplie
Pour toi pour moi et pour tous ceux qui s'aiment
Et qui se sont aimés
Oui je lui crie
Pour toi pour moi et pour tous les autres
Que je ne connais pas
Reste là
Là où tu es
Là où tu étais autrefois
Reste là
Ne bouge pas
Ne t'en va pas
Nous qui sommes aimés
Nous t'avons oublié
Toi ne nous oublie pas
Nous n'avions que toi sur la terre
Ne nous laisse pas devenir froids
Beaucoup plus loin toujours
Et n'importe où
Donne-nous signe de vie
Beaucoup plus tard au coin d'un bois
Dans la forêt de la mémoire
Surgis soudain
Tends-nous la main
Et sauve-nous.



- Barbara -

Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barabara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t'ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même jour-là
N'oublie pas
Un homme sous un porche s'abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t'es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m'en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j'aime
Même si je ne les ai vus qu'une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s'aiment
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara
N'oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l'arsenal
Sur le bateau d'Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu'es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d'acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n'est plus pareil et tout est abimé
C'est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n'est même plus l'orage
De fer d'acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l'eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien.
Pascal
 
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Message par Cyrano » 29 Mars 2004, 10:41

DE L'INFANTICIDE MARIE FARRAR

Marie Farrar, venue au monde au mois d'avril,
Mineure, rachitique, orpheline, incolore,
Jusqu'alors, semble-t-il, irréprochable, aurait
Tué, voici comment, un enfant. Elle dit
Avoir au cours déjà de son deuxième mois,
Tenté, dans un sous-sol, auprès d'une matrone,
De le faire partir moyennant deux piqûres.
Avoir beaucoup souffert, mais ça ne sortit pas.
Mais vous, je vous en prie, n'entrez pas en courroux.
A toute créature, il faut l'aide de tous.


Elle aurait cependant, dit-elle, payé cash
Ce qui fut convenu, se serrait donc serrée,
Aurait bu de l'alcool, mis du poivre dedans,
Mais ça n'aurait servi qu'à la purger très fort.
Son ventre aurait grossi à vue d'œil, elle aurait
Souvent beaucoup souffert en lavant la vaisselle.
Elle-même, dit-elle, aurait encor grandi,
Elle aurait imploré Marie, tant espéré.
Donc, vous, je vous en prie, n'entrez pas en courroux.
A toute créature, il faut l'aide de tous.

[...]
Le même jour, dit-elle, de très bon matin,
En frottant l'escalier, c'est comme si des ongles
Etaient dans son ventre et griffaient : ça la secoue.
Elle parvient pourtant à cacher ses douleurs,
Pendant le jour, en mettant du linge à sécher,
Elle est à se casser la tête et puis découvre
Qu'elle est près d'accoucher et ça lui fait le cœur
Lourd aussitôt. Quand elle monte il est bien tard.
Mais vous, je vous en prie, n'entrez pas en courroux.
A toute créature, il faut l'aide de tous.


On s'en vint la chercher lorsqu'elle était couchée :
La neige était tombée, elle dut balayer.
Jusqu'à onze heures, ça dura. Longue journée.
Ce n'est que dans la nuit qu'elle put accoucher
Tranquillement. Ce fut, dit-elle, d'un garçon.
Il était, ce garçon, pareil à tous les autres,
Mais elle n'était pas pareille aux autres mères,
Bien que – il n'y a pas sujet à raillerie.
Donc, vous, je vous en prie, n'entrez pas en courroux.
A toute créature, il faut l'aide de tous.

[...]
Usant, dit-elle, alors de ses dernières forces,
Sa chambre étant glaciale aussi, elle aurait pu
Se traîner jusqu'aux cabinets et donc là ( quand ?
Elle ne le sait plus ) accoucher sans histoire,
Vers le matin. Elle n'aurait alors, dit-elle,
Plus su ni quoi, ni comme; tout engourdie de froid
( Il neigeait dans les cabinets des domestiques )
N'aurait pu qu'avec bien du mal tenir l'enfant.
Et vous, je vous en prie, n'entrez pas en courroux.
A toute créature, il faut l'aide de tous.


Et c'est donc là, entre la chambre et les waters,
– Auparavant, dit-elle, rien – l'enfant se mit
A crier et cela l'aurait fâchée, dit-elle,
Tant que de ses deux poings, aveugle, sans arrêt,
Elle l'aurait frappé jusqu'à ce qu'il se taise.
Là-dessus, elle aurait simplement mis le mort
Près d'elle dans son lit pour terminer la nuit
Et caché la matin dans la buanderie.
Mais vous, je vous en prie, n'entrez pas en courroux.
A toute créature, il faut l'aide de tous.


Marie Farrar, venue au monde au mois d'avril,
Morte dans la maison d'arrêt à Meissen,
Fille-mère, jugée, témoigne devant vous
Des faiblesses qui sont dans toute créature.
Et vous qui dans des lits tout proprets accouchez
Et qui dites « béni » votre ventre engrossé,
Vous ne damnerez pas les faibles réprouvés,
Car grand fut son péché, mais forte sa souffrance.
C'est pourquoi, je vous en prie, n'entrez pas en courroux.
A toute créature, il faut l'aide de tous.


Guillevic

Ce poème est long, j'ai éliminé deux strophes (comme beaucoup de poèmes, faut l'entendre en le lisant).
Cyrano
 
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