Que des moments de la lutte des classes s’expriment à une époque donnée dans le langage idéologique dominant de l’époque n’est pas étonnant. Thompson, par exemple dans son ouvrage sur la formation de la classe ouvrière en Angleterre montre que les premiers regroupements ouvriers pouvaient prendre la forme de sectes religieuses oppositionnelles. Quand on conteste le pouvoir de la classe dominante, même partiellement, on ne peut éviter de contester aussi son idéologie.
Bloch, il n’est pas le seul, loin de là, établit des rapports sans solution de continuité entre utopie, religion, millénarisme et communisme.
Je n’accorde pas que les idées du communisme soient un développement de la pensée chrétienne ou du millénarisme et d’ailleurs les rapports utopie/communisme ne relèvent pas de la consécution d’idées, ( A ce sujet : le Manifeste communiste, le passage Ligue des justes/Ligue communiste….). Le communisme de Marx et Engels est l’expression de la lutte des classes, du point de vue du prolétariat, dans des formations sociales qui ne sont plus celles du 16ième siècle. Il y a confusion, au minimum ambigüité, chez Bloch entre la forme idéologique de la contestation et ses racines matérielles.
Lénine écrivait dans Que faire :
.« Il faut rêver »
Rêver n’est pas tout mélanger.
Une petite citation pour justifier ce qui précède. C’est dans la conclusion du livre de Bloch. On pourrait en trouver beaucoup d’autres du même genre.
« Cette force qui créa la machine et qui, transformant le vouloir, pousse vers le socialisme, c’est elle justement qui instaure aussi cette autre réalité mystérieuse, encore latente dans le socialisme, que Marx a méconnue, qu’il ne pouvait point ne pas méconnaître s’il voulait en finir à jamais avec la misère et le hasard, mais qui hante nécessairement, dans l’Allemagne de Münzer et en Russie, le souvenir hérité de son révolutionnarisme religieux. »
J’arrête là les bougonneries que d’aucuns trouveront « sectaires ». E.B. était un érudit extrêmement brillant qui mérite néanmoins d’être étudier.