(gerard_wegan @ vendredi 1 juin 2007 à 16:00 a écrit :(Barnabé @ vendredi 1 juin 2007 à 15:26 a écrit : Bon évidemment c'est de la philo, donc pas toujours simple à piger (surtout sur des extraits courts), mais on trouve des phrases comme ça chez Marx.
En gros l'idée c'est que le matérialisme conscient c'est le matérialisme qui ne se pose pas comme une pensée extérieure au monde et à la société (la Raison qui lutte contre l'obscurantisme), mais comme elle-même produite par ce monde par ses rapports sociaux matériels. En d'autre terme c'est une conception qui étend la compréhension matérialiste au matérialisme lui-même. L'"inconscient" là dedans c'est le fait que la production des idées, y compris matérialistes, se donne justement d'abord dans l'extériorité au monde. La société (en l'occurence la société capitaliste) ne produit pas, dans son histoire, la pensée matérialiste comme expression explicite des rapports sociaux et de la matérialité du monde, mais justement comme des idées séparées. Et Charbonnat précise que cette dissociation reflète l'aliénation constitutive des rapports marchands (ce que Marx appelle ailleurs le fétichisme de la marchandise), elle même produite par la dissociation bien réelle entre la production et la propriété des marchandises. En cela la production intellectuelle reflète la séparation qui est au coeur de la production économique. La réconciliation, en ce sens, c'est la transformation de la société, la résolution de l'aliénation c'est à dire de la pensée comprise comme extérieure aux rapports sociaux qui la produisent. Une telle réconciliation signifie la réappropriation de la connaissance du monde par la société qui la produit. Et ce que rajoute l'auteur c'est qu'une telle réappropriation n'est possible que par la destruction du capitalisme et des rapports marchand (c'est-à-dire qu'elle correspond à la réappropriation de la production par la force sociale qui produit).
C'est sûr que, comme ça, c'est tout de suite beaucoup plus clair ! :hinhin:
Bon en plus clair pour les grincheux...
A une époque (au 18ème siècle), le matérialisme se concevait comme du pure rationalisme, une raison qui contemplait et expliquait le monde, en luttant contre la superstition, l'obscurantisme etc.
Avec l'émergence du matérialisme dialectique, on a un matérialisme qui se comprend lui même comme produit par la société (bref on trouve une explication matérialiste au matérialisme). En cela on peut parler d'un matérialisme conscient.
Globalement, dans la société actuelle, les idées se présentent justement comme "inconscientes", c'est à dire ignorantes de leur propre rapport au monde, d'être des idées produite par une société donnée, à partir de rapports sociaux etc.
Cela, c'est l'expression pour les idées d'un truc plus général qui est la dissociation entre la production et les conditions matérielles, sociales, de cette production. Cela c'est fondamentalement le produit des rapports marchands. Les choses se présentent comme s'échangeant en fonction de leur valeur qui serait une caractéristique intrinsèque, interne aux choses. Ce rapport marchand masque le fait que la valeur est en fait un rapport social. La marchandise apparaît comme extérieure au travailleur, alors qu'en tant que marchandise (c'est-à-dire produite et échangée) elle n'est que l'expression d'un rapport entre les hommes. C'est la séparation entre la production et l'apropriation (bref la propriété privée et l'exploitation capitaliste) qui produit cette aliéation de la production marchande.
Du point de vue de la connaissance, une connaissance adéquate du monde, c'est-à-dire une conception matérialiste pleinement consciente, y compris d'être elle-même déterminée par la matière qui la produit, ne sera possible que dans une société où en général la production appartient au producteur, conscient alors des rapports de production.
Bref la thèse de l'auteur, c'est que pour qu'il y ait un avenir au matérialisme (et là il discute surtout d'une synthèse entre matérialisme philosophique et sciences), il ne faut pas attendre qu'un penseur génial produise de belles idées, il faut changer les conditions de production des idées, c'est-à-dire qu'il faut changer le monde.
C'est plus clair?
PS. en même temps, ça c'est que la conclusion du bouquin, qui n'est en fait pas très novatrice par rapport à ce que marx avait pu écrire (même si c'est assez rare chez les intellos actuels pour être relevé). Le corps du livre c'est de revenir sur l'histoire du matérialisme depuis l'antiquité, justement en lien avec les évolutions sociales, et dans la dernière partie de discuter des problèmes contemporains, notamment du rapport entre matérialisme et sciences.