« Le temps de l’anti pub
l’emprise de la publicité et ceux qui la combattent »
de Sébastien Darsy
éditions Actes Sud
235 pages
Mai 2005
18 €
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C’est un livre utile, indispensable qui n’a fait l’objet d’aucune campagne publicitaire...Il mérite d’être connu car l’auteur, jeune journaliste nous offre une analyse percutante de l’invasion publicitaire .
Elle est omniprésente, cette publicité : à la télévision, dans les journaux, dans notre boîte aux lettres. C’est un véritable fléau qui remet en cause notre libre choix. Il envahit l’espace public qu’il dénature.
La grande presse libre indépendante n’existe plus ou presque, à l’exception notable et remarquée de deux hebdomadaires : « Charlie Hebdo » et le « Canard enchaîné »...Les journalistes ne subissent aucune pression, osent encore affirmer certaines rédactions !
Sébastien Darsy nous montre que l’influence des annonceurs et la pression financière conduisent bien souvent les quotidiens à s’interdire toute critique.
Même de puissantes associations consuméristes comme l’Union Fédérale des Consommateurs qui publie « Que choisir » finissent pas être condamnées au silence. C’est ainsi qu’Alain Bazot explique l’échec d’une de ses campagnes d’explication :
« Nous avions organisé une conférence de presse pour annoncer une action contre Vittel et le pain Harry ‘s que nous venions d’assigner pour allégations nutritionnelles trompeuses, en l’occurrence un défaut d’étiquetage sur les quantités de sucre contenues dans certain de leurs produits. Alors que, depuis quelques temps les télés se pressent à nos convocations, ce jour-là aucune n’était présente. Pas plus les télés privées que publiques. Intrigués, nous avons interrogé nos contacts dans l’une des chaînes. La direction avait fait savoir qu’il n’était pas opportun de couvrir l’événement » !
Les médias formeraient un quatrième pouvoir et la publicité ne constituerait-elle pas le cinquième pouvoir, puissant, influent et dominateur !
Même le journal « l’Humanité » fondé par Jean Jaurès aurait perdu son éthique, voire une partie de son indépendance. Le temps d’une journée et d’une campagne publicitaire, le quotidien centenaire a troqué le rouge pour un bleu...Il fallait en ce 23 novembre 2004 plaire à l’annonceur financier vantant les mérites du « dernier appareil photo numérique d’Olympus ». !
Tout est passé au crible de la critique...Il est vrai que les dépenses annuelles vertigineuses des grandes marques et des grandes entreprises et commerciales visent à conditionner le consommateur, en ne lui laissant aucun espace de réel libre choix.
Face à la « progression exponentielle dans l’espace public et privé, il est temps d’inverser cette tendance, sans quoi il est probable qu’un jour on se pose le même type de question que Winston, le héros de 1984, qui s’interroge, après avoir eu une sorte de révélation, sur l’oppression continue à laquelle il est soumis : ‘Mais quel visage avait le monde avant Big Brother ? » Faudra-t-il un jour se demander : « Mais à quoi pouvait bien ressembler un monde sans publicités ? » ...
Il ne faut pas courber l’échine, il faut résister et mener une contre offensive salutaire. C’est ainsi que l’auteur nous explique comment sont nés les mouvements de l’anti pub, quels sont leurs ressorts et les modalités d’actions retenues.
Il s’agit de sauvegarder le paysage, de lutter contre les nuisances, de maintenir le libre arbitre des citoyens et de combattre contre un productivisme effréné...
Cette lutte citoyenne n’est pas menée par quelques nostalgiques mais par de nombreux militants et militantes appartenant à des collectifs indépendants ou liés à l’alter mondialisme qui agissent pour promouvoir une prise de conscience indispensable.
Cette enquête minutieuse et bien documentée permet de nous éclairer un peu plus sur « l’un des faits de société actuels les plus sujets à controverse ».
Valière