"La classe ouvrière va au paradis", film d'Elio Petri (1971)

"La classe ouvrière va au paradis", film d'Elio Petri (1971)

Message par Byrrh » 17 Jan 2025, 11:05

Le film La classe ouvrière va au paradis (La classe operaia va in paradiso), du cinéaste italien Elio Petri (1971), avec dans le rôle principal l'excellent Gian Maria Volonté, est ressorti dans un certain nombre de salles le 8 janvier.

Dans Lutte ouvrière n° 198 du 13 juin 1972, une recension du film :
Cinéma
LA CLASSE OUVRIÈRE VA AU PARADIS
de Elio Petri

ENCORE un film sur la classe ouvrière. Mais celui-là n'est pas l'œuvre d'un amateur sympathisant gauchiste ou d'un « franc-tireur » célèbre du cinéma. C'est un film signé Elio Petri, et il vient de remporter la Palme au festival de Cannes.

Le thème en est fort simple. Il décrit un ouvrier italien et relate avec précision ses conditions d'existence et de travail, et surtout leurs effets sur sa vie, ses pensées, son évolution... On le volt confronté aux problèmes essentiels qui sont ceux de la classe ouvrière et qui se résument en quelques mots : une vie entière gaspillée à travailler sans avoir le temps, ni le goût, ni les moyens de jouir de la vie, d'éprouver des sentiments, de comprendre et d'aimer le monde, en un mot de vivre.

On le voit surtout transformé par l'exploitation et rabaissé au niveau de la bête de somme, mais d'une bête capable encore de comprendre, de saisir par moments le pourquoi et le comment de sa propre déchéance, de son aliénation, et d'en éprouver révoltes et colères irréfléchies, entrecoupées de périodes d'abattements et de désillusions qui se traduisent par une coupure du monde frisant la réelle folie.

Tout cela est fort juste et fort convaincant, et, rien que pour cela, le film vaut largement d'être vu. Mais il a d'autres mérites : film intelligent et honnête, il offre aussi l'avantage du documentaire bien fait et, pourrait-on dire, « objectif ».

La réalité qui entoure l'ouvrier est dépeinte avec exactitude, sans idéalisation d'aucune sorte : la classe ouvrière, la vie de famille, le télévision, les grèves, les cadences, les délégués syndicaux, les gauchistes, les patrons, les cadres, les étudiants, etc., tout ce monde qui entoure l'ouvrier italien en 1972 est là, sans fard et sans fioritures, et il faut bien le dire, à l'avantage de personne, et surtout pas des étudiants gauchistes dont le modèle présenté dans le film, s'il ne saurait correspondre à tous les gauchistes, n'en reste pas moins, hélas, un type fort réel et trop courant.

Pour cela aussi d'ailleurs, le film mérite d'être vu par bien des gauchistes, comme exemple de ce qu'il ne faut pas faire, comme démonstration par l'absurde. De ce point de vue, « La classe ouvrière va au paradis » est un peu l'antidote du film gauchiste « Coup pour coup » qui, à l'exception des passages sur les conditions de travail, présentait une classe ouvrière et des gauchistes « exemplaires ». Ici, rien de tout cela. Une réalité triste et souvent pénible.

Mais c'est peut-être là que réside la faiblesse du film. Autant « Coup pour coup », avec sa volonté de mettre en avant une grève « exemplaire », « dure » était politiquement contestable, autant la bonne volonté manifeste de l'auteur, l'ouvriérisme même qui le sous-tendait, la sympathie incontestable qu'il éprouvait pour ses personnages arrivaient à émouvoir, à toucher. On vivait la grève et la lutte des ouvrières, on éprouvait incontestablement de la solidarité à leur égard. Avec « La classe ouvrière va au paradis », rien de cela. Le spectateur assiste la plupart du temps à un exercice de style dont il est bien obligé de reconnaître les qualités... mais il n'est pas ému. (Du moins le spectateur français, car il n'est pas impossible que l'accueil provienne de l'exubérance et de la faconde italienne qui nous éloignent un peu de la « véracité ».) En fait, on a du mal à s'identifier au personnage et à partager ses impressions.

Le film se présente plus comme une thèse –incontestablement juste mais à laquelle on ne peut adhérer que par la réflexion – que comme une œuvre chaleureuse, attachante et qui sait émouvoir. On peut le regretter. A voir tout de même.

Alain MARQUET.
Pièces jointes
affiche.jpg
affiche.jpg (259.49 Kio) Consulté 1180 fois
Byrrh
 
Message(s) : 1371
Inscription : 10 Avr 2017, 20:35

Re: "La classe ouvrière va au paradis", film d'Elio Petri (1

Message par Byrrh » 17 Jan 2025, 12:27

Pour ceux et celles qui ne pourraient pas le voir en salle : https://youtu.be/fNcxxBjEOgw?si=ttv142FQ_dGpcrFm
Byrrh
 
Message(s) : 1371
Inscription : 10 Avr 2017, 20:35

Re: "La classe ouvrière va au paradis", film d'Elio Petri

Message par Gayraud de Mazars » 18 Jan 2025, 07:18

Salut camarade Byrrh,

Merci de ce conseil très utile, cela fait longtemps que je voulais voir ce film !

Fraternellement,
GdM
"Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus."
Avatar de l’utilisateur
Gayraud de Mazars
 
Message(s) : 2727
Inscription : 23 Avr 2014, 12:18


Retour vers Livres, films, musique, télévision, peinture, théâtre...

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 3 invité(s)