Par ailleurs, Le Canard n'est pas seul à dénoncer la contradiction entre le fait de s'enrichir pour une bonne part grâce à la publicité sexiste et de se prétendre féministe. C'est en effet un peu comme si Parisot écrivait un livre sur le syndicalisme ouvrier. Cécile Duflot et pas mal d'autres gens dénoncent la duplicité de Badinter, si intellectuelle soit-elle. J'ignorais que les camarades de LO admiraient les "intellectuels". BHL et Finkielkraut sont eux aussi des intellectuels. Etre "intellectuel", ce n'est pas une référence pour nous. Les intellectuels ne sont pas des purs esprits...
Voici donc trois articles, dont l'un de L'Huma, l'autre d'une féministe.
a écrit :
La milliardaire réactionnaire Elisabeth Badinter optimise sa couverture médiatique
Les riches « belles âmes » (selon le mot de Raymond Aron) se bousculent au portillon. Au cours du week-end passé, ce fut un véritable déluge promotionnel qui s'abattit sur les lecteurs des magazines et des journaux. Franchement, un minimum de concertation améliorerait le plan médias de la pseudo-élite, et par conséquent ses retombées … Dans une note précédente, nous évoquions celui du maître ès propagande, à savoir l'obscène Bernard-Henri Lévy ; voyons aujourd'hui celui de la milliardaire réactionnaire Elisabeth Badinter (non exhaustif, forcément) :
Express (1 page)
Nouvel Observateur (2 pages)
Libération (2 pages)
Point (4 pages)
Quand cette héritière publie un livre, les colonnes de la presse lui sont immédiatement ouvertes. Le cas qui nous occupe aujourd'hui concerne sa dernière production, où elle repartirait au combat (de salon, rassurez-vous) contre les écologistes (ces adorateurs de Dame Nature), contre les féministes qui ne pensent pas comme elle, contre les adeptes du lien charnel et de l'attachement mammifère, si l'on en croit Emilie Lanez du Point.
Bref, rien de nouveau dans le crâne de Mme Badinter.
Ce que nous pensons de cette dame ? Un être profondément réactionnaire, prônant la possibilité d'avoir des enfants grâce à une location de ventre (la fameuse gestation pour autrui – GPA), comme les bourgeoises des temps jadis mettaient leurs progénitures en nourrice …
Bien sûr, la riche héritière Elisabeth Badinter n'a pas la puissance de feu médiatique du dandy égocentrique qui se croit un guerrier. Néanmoins, sa surface financière personnelle et surtout le poids économique de son entreprise dirigée par Maurice Lévy font qu'il serait probablement difficile de résister à une éventuelle suggestion de la grande bourgeoise féministe, quand on est un organe de presse ayant 30 % de ses recettes issues de la publicité.
Mais elle est quand même devenue une intellectuelle choyée des médias, à défaut d'être entendue.
Alexandre Anizy
a écrit : L'Humanité
Essai
Élisabeth Badinter Un féminisme bien tempéré
La philosophe Élisabeth Badinter estime que le courant de pensée féministe est aujourd’hui menacé de régressions qui remettent en question ses acquis historiques.
Élisabeth Badinter, Fausse route, Éditions Odile Jacob, mars 2003, 224 pages, 17 euros.
Où en est le mouvement féministe ? Il serait étonnant que le désenchantement provoqué par la contre-offensive libérale, ait épargné cette force émancipatrice. L’ouvrage d’Élisabeth Badinter, qui ne se réclame de personne d’autre que d’elle-même, donne la mesure des périls et des régressions qui menacent aujourd’hui le courant de pensée féministe et ses acquis. Elle invite d’emblée à un effort de mémoire. L’augmentation massive des femmes sur les lieux de travail a indirectement accru le champ de leur pouvoir. La victoire qu’ont représenté l’acquisition du droit à la contraception et à la liberté de disposer de son propre corps, la possibilité d’être mère quand elles le veulent, le recul théorique des discriminations fondées sur la hiérarchie des genres, la condamnation sociale des harcèlements sexuels ou moraux, la tentative d’imposer la parité dans la hiérarchie politique et dans la vie publique, nécessite aujourd’hui un effort de mémoire pour qui veut se souvenir de la situation des femmes avant les années 1970. Pour autant, les effets millénaires d’une tyrannie qui continue de cantonner les femmes dans les " seconds rôles ", subsistent. Certaines figures contemporaines du féminisme vont jusqu’à prétendre que rien n’a changé et que la situation de la femme est aujourd’hui pire qu’elle ne l’était hier. Sauf à considérer qu’en matière de déterminations, la nature l’emporte sur la culture, cette position apparaît difficile à tenir. La " victimisation " non pas du sexe féminin mais du " genre " qui est une construction abstraite, si elle permet d’unifier artificiellement les divergences, se heurte - selon Élisabeth Badinter - à deux obstacles. D’abord, la généralisation de la souffrance " victimaire " des femmes tend à conférer au genre masculin une essence quasi sadique et à généraliser comme effet d’une même violence naturelle ou domestique la situation des femmes, quelle que soit la culture dont elles héritent. En matière de haine, insidieuse ou non, il y a des degrés à distinguer. Comme l’écrit l’auteur, la bourgeoise du 7e arrondissement et la jeune beurette des banlieues ne mènent pas leur combat dans les mêmes conditions. Le discours féministe médiatisé qui est questionné, reflète-t-il les aspirations de la majorité de la population féminine ? Telle est la première interrogation d’Élisabeth Badinter. D’autre part, se demande-t-elle sur quelle logique repose ce discours et quel modèle féminin veut-il imposer ? La violence spécifique exercée envers les femmes n’a pas disparu. Le viol et le harcèlement sexuel, bien qu’ils soient relativement déconsidérés aux yeux de l’opinion publique, sont en augmentation. 37 % des Françaises se plaignent désormais de " pressions psychologiques " ; ce nouveau concept élargit le champ des crimes sexuels. L’auteur se demande au service de quelle idéologie - la féministe ou la sécuritaire - sont établies ces statistiques. Élisabeth Badinter reconnaît que " Françoise Héritier a raison d’insister sur notre universelle tendance à penser la différence sous le signe de la hiérarchie et de l’inégalité, mais elle a peut-être tort de la lier à l’appropriation masculine de la fécondité féminine " (page 56). Si la différence continue d’être massivement pensée en termes d’inégalité, peut-être est-ce parce qu’il est plus facile de penser à travers cette catégorie politico-philosophique (d’égalité/inégalité) que d’analyser en termes de désir de filiation directe, l’essence historique de la suprématie masculine ? Quant à la suppression de la domination, elle reste, bien évidemment pour l’auteur, un objectif inhérent à toute entreprise de libération humaine. L’auteur de l’Amour en plus : histoire de l’amour maternel invoque ici, à juste titre, un " malaise philosophique " et une difficulté à valider la notion de " domination masculine ". Le militantisme féministe se heurte, comme n’importe quelle activité émancipatrice, à la difficulté de prendre en compte la diversité de ceux et celles auxquels il s’adresse. La dissymétrie entre le nombre de condamnés masculins pour homicide (86 %) et celui des condamnées féminines, révèle un certain lien entre la survivance de pratiques barbares et la masculinité. Certes, les femmes peuvent être atteintes de déviances sadiques ou accomplir des crimes d’intérêt, mais l’idée selon laquelle le genre féminin serait moins prédisposé à la violence que le genre masculin reste forte. La sexualité masculine n’est pas la racine universelle du mal. Beaucoup de travaux sociologiques contemporains continuent de mettre à jour les différences sociales mais aussi psychologiques entre le désir féminin et le désir masculin. Pour Élisabeth Badinter cette différence ne doit se penser ni en termes d’inégalité, ni en termes de différence de nature. Il s’agit d’un acquis de civilisation. Ni le sexe, ni le genre, ni la sexualité ne prédétermine un destin. Depuis dix ou quinze ans, le discours féministe médiatisé et dominant tend à distinguer hommes et femmes comme deux entités aux intérêts différents. Cela est incompatible, estime l’auteur, avec la militance des uns et des autres pour l’indifférenciation des rôles, qui est " pourtant la seule voie vers l’égalité des sexes ". Reconnaître le caractère émancipateur du travail féminin, sans oublier de socialiser le système de crèches, conclut-elle, fera plus que tous les discours sur la parité, car " l’égalité se nourrit du même et non du différent. À méconnaître cette logique élémentaire, à vouloir forcer le sens des termes, on aboutit au contraire de ce que l’on désire ".
Arnaud Spire
a écrit :
Élisabeth Badinter dénature le féminisme pour mieux le combattre
Une critique de « Fausse route »
par Élaine Audet
Depuis sa publication, au printemps 2003, le livre Fausse route d’Élisabeth Badinter a suscité une multitude d’articles et de reportages, les grands médias lui ouvrant la voie royale qu’ils réservent, depuis quelques années, aux discours antiféministes. Ils n’auraient pu être mieux servis. Pour Élisabeth Badinter, " le " féminisme français actuel est monolithique, essentialiste et anti-hommes. Influencé par quelques théoriciennes radicales américaines, il victimiserait les femmes, diaboliserait la sexualité masculine et aurait réussi à faire prévaloir un nouvel ordre moral.
Dans la même foulée, l’ouvrage préconise le renforcement des stéréotypes sexuels dans l’enfance, la libéralisation de la prostitution et accuse les féministes de puritanisme par leur présumée incapacité de prendre en compte les nouveaux courants de la sexualité. Son leitmotiv : les féministes américaines sont allées trop loin, si les femmes ne veulent pas se couper à tout jamais des hommes, il est temps d’en finir avec la guerre des sexes. C’est donc du féminisme américain autant que du français que la pamphlétaire veut faire le procès.
D’abord, que signifie pour É. Badinter être féministe ? Essentiellement, c’est viser à être égale aux hommes et à partager tous leurs privilèges. Il n’y a pas de domination masculine, selon elle, mais un manque de volonté chez les femmes d’affirmer leur autonomie. Quand on veut, on peut ! Peu lui importent les concepts de pouvoir et d’aliénation. Elle ne pratique pas ce genre de philosophie ! Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’elle se porte à la défense des valeurs patriarcales : toute son œuvre en témoigne par la recherche d’une complémentarité qui ne remettrait pas en question la suprématie masculine et les stéréotypes de féminité et de virilité qu’elle considère essentiels à une construction identitaire saine et solide des deux sexes.
La méthode du discours et ses sources
La méthode d’ "analyse" d’É. Badinter est simple, efficace et malhonnête. Il s’agit de faire dire à l’ensemble des féministes, et parfois à quelques-unes d’entre elles censées représenter un courant féministe majoritaire, ce qu’elles n’ont jamais dit. Ensuite, elle réfute ces contre-vérités par des arguments d’autorité : Croyez-moi, c’est moi, E. Badinter, qui le dis ! Elle cite souvent des statistiques qui contredisent ses affirmations à l’emporte-pièce, mais elle les enterre sous la charge qu’elle reprend ad nauseam selon laquelle les féministes victimisent les femmes et haïssent les hommes. Affirmation facile qu’elle se garde bien de démontrer. Pour Élisabeth Badinter, ce serait faire preuve de paranoïa ou de misandrie de parler d’une violence spécifique envers les femmes ou d’un système, le patriarcat, se perpétuant grâce à l’existence de rapports sexuels de domination.
Suite de cet article (qui est très long) :
http://sisyphe.org/article.php3?id_article=598