Maintien de l'ordre

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« Maintien de l'ordre
enquête »
de David Dufresne
Hachette littérature
octobre 2007
332 pages

Une police « d'excellence », entre bavures, calculs et choix stratégiques

Le monde entier semble nous envier « notre » police, son organisation et son savoir faire. Des stages sont organisés. Qu'en est-il réellement?
L'auteur, ancien reporter pour Libération mène une enquête fouillée sur la réalité de la police, son organisation et les enjeux du maintien de l'ordre.
Cette autopsie de la police est intéressante, passionnante même, qu'il s'agisse de l'histoire de cette institution ou qu'il s'agisse de son évolution après mai juin 1968.
Certaines réalités sont mises à nue comme ce secret de famille que beaucoup n'aiment pas voir revenir à la surface : le service des renseignements généraux a été institué par loi du 23 avril 1941, par décision du gouvernement de Vichy!
Aujourd'hui, officiellement du moins, les RG ne fichent plus les militants politiques, ils ont une nouvelle mission définie par Charles Pasqua en 1994 : « L'action des RG doit être recentrée sur la défense des institutions et la prévention des violences urbaines. »
L'auteur revient assez largement sur les faits d'armes de la police et sur certaines zones d'ombres comme cette manifestation anti CPE deu 23 mars 2006 où les casseurs venus de la banlieue ont pu sans problème s'en prendre aux manifestants... Le calcul politique qui consistait à discréditer le mouvement étudiant ou à le dissuader d'organiser de nouvelles manifestations a été un fiasco... Le mouvement s'est poursuivi et le gouvernement a plié.
La police grogne, des syndicalistes dénoncent la manipulation ou les erreurs commises mais les politiques analysent la situation et tirent les leçons qu'il faut tirer.
Ce livre est fort instructif, il montre aussi les complicités qui existent entre les officiers de liaison et les organisateurs de manifestations. Certains « partenariats » vont très loin comme lors de cette manifestation de la CGT en 1987 où policiers et membres du service d'ordre syndical ont agi de concert : « Alors, avec vingt gros bras, on a tous ensemble cassé du casseur. Et je ne vous raconte pas. Eux, ils se servent de moyens que nous avons abandonnés depuis longtemps. Et on a très vite rétabli le calme. En fin de compte, la CGT , c'est une armée ».
Nicolas Sarlozy, ministre de l'intérieur d'hier sait à la fois organiser sa policice, l'adapter à la nouvelle donne et aussi communiquer. Parfois la presse, malgré l'ombre de la censure qui plane arrive à montrer que les accusations portées contre une certaine police sont fondées. L'émission phare de TF1 Sept à huit diffusera des images chocs durant les "événements " de novembre 2005, on y entendra ces propos d'un policier procédant à un contrôle d'identité: "tu veux que je t'emmène dans un transformateur? Ramène ta gueule, on va t'y mettre" ! Cette scène ne sera jamais rediffusée, le pouvoir en place sait jouer de ses réseaux....
Novembre 2005 à Paris et en Province, les affrontements se poursuivent dans les "banlieues", de nombreuses analyses sont faites, elles différent et celle du premier flic de France est démenti par un rapport des renseignements généraux que l'auteur reproduit dans sa totalité. On y apprend que la vision  uniquement délictuelle du Ministre est erronée. Les conclusions du fameux rapport "mettent l'accent sur les motivations sociales des émeutiers".
Ce livre comporte une centaine de pages d'annexes et de notes apportant des éclairages et des éléments de compréhension .
La lettre du préfet Jean François Cordet  critiquant la doctrine Sarkozienne d'utilisation des CRS dans les cités de Seine Saint Denis montre bien que les effets de certains calculs politiques.

Le président actuel, ancien ministre de l'intérieur  est passé maître dans l'art du maintien de l'ordre mais ses réponses policières, hier et aujourd'hui ne sont plus adaptées. Les affrontements de la gare du nord du 27 mars 2007 et l'opposition de masse à la chasse aux sans papier montrent "que certaines colères appellent de nouvelles colères appellent de nouvelles formes de pensée, de réplique, de prise de conscience."
Jean-François CHALOT