« Les désarrois d’un jeune instit. »
de Kévin André
éditions JC Lattès
Septembre 2006
223 pages
14,50 €
DU BON SENS ET UNE APPROCHE « LIBERALE »
Encore un témoignage ! Un de plus. L’auteur aura été professeur des écoles durant trois années avant de démissionner.
Il avait pourtant trouvé sa voie dictée par le ciel puisqu’en ouvrant la Bible au hasard : « j’eus une illumination, un déclic : les enfants. Je venais de trouver ma voie : instit. »
Comme quoi les voix du seigneur sont impénétrables et parfois déroutantes !
Le début du livre donne le ton, « notre jeune instit » développe une orientation qui n’est pas la mienne, il prêche pour un renforcement du pouvoir des directeurs, véritables chefs d’établissement et de l’inspection avant de dénoncer l’existence de 32 000 enseignants « qui n’exercent pas leur métier devant une classe »... voici là un discours fort réactionnaire...
Donc j’ai eu envie de refermer ce « pensum » pour passer à autre chose mais... curiosité oblige, j’ai voulu rentabiliser mon achat et aller plus loin, jusqu’au bout....
Bien m’en a pris car si ce jeune enseignant ne partage pas mon point de vue, il apporte une contribution intéressante sur la difficulté du métier d’instit et sur la gabegie en cours.
Les jeunes ne sont, effectivement pas accompagnés.
Lâchés dans une classe, sans préparation, ils sont souvent déroutés : la « formation » à l’IUFM ne les ayant pas préparés à prendre en charge une classe en ZEP ou ailleurs....
Kévin André regrette le manque de solidarité et de soutien de la part de collègues anciens... C’est souvent vrai mais parfois les portes de communication entre les classes s’ouvrent pour se constitue un réseau d’échanges.
Je l’ai vécu moi-même quand au milieu des années 70 des collègues m’ont aidé à prendre la responsabilité du premier CP de ma carrière et quand quelques années plus tard, malgré mon ancienneté je prenais la classe la plus difficile pour soulager un jeune instit....
Nous avons été et nous sommes des milliers d’enseignants à refuser la hiérarchie, l’inspection - notation et à promouvoir un travail d’équipe.
J’ai trouvé, malgré son approche libérale, l’auteur de ce livre intéressant et même parfois percutant comme dans sa réflexion à propos de la « formation » en IUFM :
« ...Une fois confronté à sa classe, quelle frustration de constater que l’on n’y arrive pas. Trop de chahut, pas assez de concentration. On a l’impression d’être nul, de n’arriver à rien...En réalité, il y a un quiproquo permanent entre les super maîtres et les apprentis maîtres.
Il provient du fait que la formation traite seulement de la pédagogie sans intégrer la dimension relationnelle et psychologique du métier. Pourtant, la différence entre un maître-formateur et un jeune instit ne tient pas tant aux méthodes d’apprentissage qu’à la gestion de la classe. »
Mais justement cette « gestion de la classe » et la dimension « connaissance de l’enfant et de son développement » devraient être au cœur d’une qualification pédagogique digne de ce nom !
Kévin André a raison de regretter que la mémoire des enfants soit si peu sollicitée en classe et d’affirmer avec force :
« Encore une fois, la télévision a une telle force de frappe que, si l’école ne met pas le paquet aujourd’hui, notre culture sera bientôt morte. »
L’école publique va mal, ce n’est ni de la faute des enseignants ou des parents, ni même de la faute des syndicats pourtant tancés par le « jeune instit passionné »....
La question des moyens est importante mais d’autres chantiers ouverts par des syndicats enseignants ou des groupes pédagogiques comme celui, relatif à la formation des maîtres se posent....
Ce sont les libéraux de toutes obédiences qui ont voulu détruire les écoles normales et instaurer la concurrence libérale entre les établissements au lieu de construire une école de la réussite...
Valière