Mort de Howard Fast
Le romancier américain Howard Fast est mort à l'âge de 88 ans, mercredi 12 mars, à son domicile de Greenwich (Connecticut).
Né le 11 novembre 1914, à New York, d'un père ouvrier sidérurgiste d'origine ukrainienne, Howard Fast a raconté sa vie dans Mémoires d'un Rouge (Rivages, 2000). Son enfance fut celle d'un "Jackie Cooper aux chaussures trouées et culottes déchirées aux genoux", contraint de se débrouiller avec ses deux frères dans un milieu hostile, miséreux.
Mû par une volonté farouche de devenir écrivain, il signe en 1937 un livre sur le lynchage d'un enfant noir dans un quartier pauvre de New York, Les Enfants, qui bat des records de vente, grâce aux interdictions dont il fait l'objet dans le Connecticut et la Nouvelle-Angleterre.
Se sentant le don inné de se battre "pour ses convictions, pour les pauvres, pour les opprimés et contre le racisme", ce disciple de John Reed rénove le roman historique en racontant le destin des humbles.
Howard Fast se fait une réputation de solide romancier populaire en évoquant l'oppression des Indiens (Le Dernier Espoir, 1941), la lutte d'un héros de l'Indépendance (Tom Pain, 1943), le sort des Noirs après la guerre de Sécession (La Route de la liberté, 1944), la passion des syndicalistes (Sacco et Vanzetti, 1953).
Enrôlé en 1942 par le ministère de la guerre pour la propagande antifasciste, il est congédié parce qu'on le soupçonne d'être communiste. Il entre effectivement au parti de 1945 à 1957 (jusqu'au rapport Khrouchtchev). Militant sincère, il rencontrera Sartre, Picasso, Aragon.
En 1950, Howard Fast purge une peine de prison pour son refus de collaborer avec la commission du sénateur McCarthy. Dans son dossier au FBI ne figure aucun crime ni infraction à la loi, mais une recension des "nombreuses réunions où j'ai pris position pour le droit au logement, en faveur du respect du libre arbitre, d'une presse libre, de la liberté de rassemblement, d'un salaire minimum plus élevé, d'une justice égale pour les Noirs et les Blancs...".
Cela suffit pour être traité de "vermine rouge". Boycotté par les éditeurs sous la pression du FBI, il est contraint de publier à compte d'auteur son récit de la révolte des esclaves contre l'Empire romain, Spartacus, qui sera adapté au cinéma par Stanley Kubrick.
C'est sous le pseudonyme de Walter Ericson qu'en 1952 Howard Fast signe Fallen Angel (traduit sous le titre Mirage, une parabole sur le maccarthysme). Mais il publie sous son vrai nom The Story of Lola Gregg (1956, inédit en France), dans lequel il règle ses comptes avec le FBI. Howard Fast se lance dans le roman policier pendant les années 1960, sous le pseudonyme de E. V. Cunningham.
Dans la lignée du Vertigo d'Alfred Hitchcock, Sylvia, son chef-d'½uvre, raconte l'histoire d'un privé qui tombe amoureux fou d'une femme fantôme dont il doit explorer le passé (Rivages Noir, no 85). Sallymet en scène la panique d'une femme qui se croit atteinte d'une maladie incurable et qui engage un tueur pour la supprimer, mais qui apprend que son médecin s'est trompé de diagnostic.
PRIX STALINE DE LA PAIX
On ne retrouve pas la veine politique et flamboyante de ses débuts dans ses ouvrages de fin de vie, suite d'enquêtes à Hollywood du sergent Masao Masuto, flic d'origine nippone. On lui doit aussi, en 1982, Max, merveilleuse saga, entre Dickens et Ben Hecht, d'un gavroche devenu l'un des nababs d'Hollywood (Ed. de l'Atalante).
Howard Fast a obtenu en 1953 le prix Staline de la paix, et en 1973 le Grand Prix de littérature policière pour La Poudre aux yeux. "Ce sera plus facile pour vous, Howard, si vous commenciez par ôter votre couronne d'épines", lui avait dit un jour Dashiell Hammett.
Jean-Luc Douin