« La guerre civile russe
1917-1922
Armées paysannes rouges, banches et vertes »
De Jean-Jacques Marie
Colletion Mémoires
Editions Autrement
262 pages
19 €
février 2005
UNE REVOLUTION AUTHENTIQUE ET NON UN CONFLIT MANICHEEN
Jean-Jacques Marie, historien, a écrit de nombreux ouvrages documentés et riches sur la révolution russe et notamment une biographie de Staline publiée chez Fayard en 2001 et une autre de Lénine chez Balland en 2004.
Ce livre, contribution essentielle à l’histoire du mouvement ouvrier traite d’une question très controversée : la guerre civile.
L’historiographie stalinienne n’a retenu de cette période que le combat entre les rouges et les blancs, marginalisant les armées de paysans, les verts traités de simples pillards ou d’alliés des blancs.
Les historiens de la « pensée unique » n’ont retenu de la guerre civile que le combat de « rouges sanguinaires » n’ayant qu’un objectif : le pouvoir et établir une dictature contre le peuple !?
L’histoire de la guerre civile n’est ici ni idéalisée, ni tronquée mais relatée et expliquée à partir de nombreux documents authentiques, traduits par Jean Jacques Marie.
Le style rappelle les leçons d’histoire racontées par les instituteurs qui savaient si bien captiver, passionner leur auditoire....Le lecteur est parfois un peu perdu dans les noms des personnages et les lieux où se déroule cette « épopée » dramatique et humaine mais il ne perd jamais pied...
Cette troisième force existe, elle vient du monde rural. Il s’agit de paysans insurgés appelés les « verts », souvent dirigés par des aventuriers qui se sont battus tour à tour contre les blancs et les rouges...Certaines armées de paysans ont été manipulées par les blancs ou ralliées aux révolutionnaires.
« Le dénuement, la faim, le froid, facilitent le passage d’un cap à l’autre. Mais le mouvement de balancier entre les Rouges et les Blancs n’est pas égal : la haine séculaire des paysans-soldats pour leurs officiers membres d’une caste qui leur est étrangère, amène des retournements inattendus mais fréquents. » Les paysans qui refusaient la réquisition des récoltes par les Rouges n’ignoraient pas qu’avec les blancs il faudrait rendre les terres que la révolution avait distribuées....
Le récit : un parti pris !?
L’auteur se situe du côté des révolutionnaires certes, mais il faut reconnaître que les erreurs des bolcheviks et même les exactions commises en leur nom sont relatées et non réduites au silence.
C’est une histoire politique et humaine, une révolution encerclée et attaquée par de nombreux états capitalistes finançant, armant les blancs et n’hésitant pas à intervenir directement...
Plusieurs millions de personnes sont mortes, victimes des épidémies, de la famine et de la guerre...
Jean-Jacques Marie nous plonge dans cette guerre civile, n’hésitant pas à aborder des questions épineuses comme celle de Cronstadt et de l’attaque nécessaire de cette île fortifiée... un véritable drame puisqu’il opposait des révolutionnaires entre eux, même si,en dernière analyse, les dirigeants des « mutins de Cronstadt » étaient prêts à contracter une alliance avec les blancs.
« Parmi eux se trouve le président du Comité Révolutionnaire provisoire, Petritchenko, qui le 30 mars lance une « adresse » à un groupe révolutionnaire russe de Paris inconnu. Il y appelle à l’unité de tous les adversaires des communistes sans exception... »
Les bolcheviks qui défendent la révolution d’octobre et ses acquis commettent des erreurs qu’ils cherchent à rectifier :
« Il faut donc changer de politique : pendant que l’Armée rouge écrase la révolte, Lénine fait voter le remplacement de la réquisition par l’impôt en nature : une fois réglé cet impôt, le paysan est libre de vendre ses surplus ».
A la fin de ce livre document, l’auteur nous dresse le portrait des dirigeants de la révolution :
presque tous seront victimes des purges staliniennes, seront assassinés ou exécutés à la suite des procès de Moscou...C’est cela aussi le drame de la révolution russe : le thermidor stalinien qui suivit l’élimination de Trotsky, dirigeant de l’armée rouge et militant révolutionnaire reconnu.
Valière