Le PCF voue un culte à Aragon, moi pas, ou moi plus... Cet article de Lutte Ouvrière est ancien, il date de 2012, mais il remet les pendules à l'heure rapidement, il m'avait ouvert les yeux sur Aragon. C'est en "gauchiste" qu'Aragon adhère au Parti communiste français en 1927 avec ses camarades surréalistes. Mais c'est le passage par l'URSS stalinienne qui affermit son engagement.
Pourtant le "dernier Aragon" aurait pu paraitre plus sympathique ! Le "dernier Aragon" c'est celui d'après la mort d'Elsa Triolet en juin 1970. Il bouleverse alors toutes les conventions et interventions convenues. Il s'affiche en homosexuel bohème, avec la tolérance embarrassée du Parti, mais accepte honneurs et médailles soviétiques ! Réfugié dans une forme d'irresponsabilité littéraire programmée, il réédite son oeuvre poétique sans livrer le grand témoignage qu'est le sien...
Lui dit avoir "gâché" sa vie au service du Parti est mort comme il a vécu à 20 ans - en dandy. Mais enterré avec les honneurs du PCF !
Il y a 30 ans, mort d'Aragon : une plume servile du stalinisme
Journal de Lutte Ouvrière, le 26 Décembre 2012
https://journal.lutte-ouvriere.org/2012 ... 28891.html
Le PCF célèbre actuellement le trentième anniversaire de la mort de Louis Aragon (1897-1982), écrivain prolifique et auteur de poèmes dont certains ont été mis en musique par Léo Ferré ou par Jean Ferrat. Il n'est pas très étonnant que les mensonges politiques issus de la plume de l'écrivain soient occultés, car signaler la servilité d'Aragon reviendrait à suivre les errements de la politique du PCF depuis les années trente du siècle passé.
Dans sa jeunesse, Aragon se retrouva dans le mouvement surréaliste avec d'autres artistes, parmi lesquels André Breton. Le souvenir de la Première Guerre mondiale ainsi que la guerre du Rif en 1925 leur avaient inspiré un juste dégoût du patriotisme et du colonialisme. « Je conchie l'armée française », disait alors Aragon, qui cependant n'alla pas, à cette époque, jusqu'à s'intéresser à l'espoir d'un monde nouveau qui s'était levé en Russie. En 1924, il avait même choqué ses proches en parlant de « Moscou-la-gâteuse », témoignant du « peu de goût » qu'il avait alors « du gouvernement bolchevique, et avec lui de tout le communisme [...]. La Révolution russe, vous ne m'empêcherez pas de hausser les épaules. »
L'engouement d'Aragon pour l'URSS ne se manifesta que plus tard, une fois les révolutionnaires écartés au profit des représentants d'une bureaucratie ayant Staline à sa tête. Adhérent au PC (qui ne se qualifiait pas encore de français) en 1927, Aragon se rendit trois ans après en URSS, à un congrès international des écrivains où, contre toute attente, il signa une lettre dénonçant à la fois Trotsky et les thèses surréalistes, trahissant ainsi ses amis, avec lesquels ce fut la rupture.
Enthousiaste des procès staliniens
En 1936, Aragon reprit les plus grossières et sinistres calomnies staliniennes. Il étala sa satisfaction devant les exécutions prononcées lors de parodies de procès organisées à Moscou contre les révolutionnaires les plus connus, tandis que beaucoup d'autres disparaissaient dans les caves des prisons et dans les camps. Dans la revue Commune, Aragon dénonça, non pas les auteurs des procès, mais ceux qui en furent victimes : « C'est un effroyable déballage d'ignominie, ce procès que domine leur maître à tous, Trotsky, allié à la Gestapo. (...) La Cour suprême se prononce : la mort aux seize coupables. Le pays n'eût pas compris un autre verdict. »
Le talent servile d'Aragon, auteur également d'un poème à la gloire de la police politique qui exécutait les basses oeuvres, le Guépéou, fut repéré par les dirigeants du Parti communiste, en particulier Maurice Thorez, qui le fit accéder en 1937 à la direction d'un des quotidiens du Parti, Ce Soir. Aragon n'hésita pas à exclure de la rédaction un écrivain, Louis Guilloux, quand celui-ci refusa d'écrire un article pour condamner la parution en librairie du récit, honnête, d'André Gide à propos d'un voyage en URSS auquel il avait lui-même participé.
Un « communiste » patriote
Après l'entrée en guerre de l'URSS en 1941, Aragon suivit le nouveau tournant du PC, défendant l'union nationale, qui se traduisit par la constitution d'un front avec un général nationaliste et réactionnaire, de Gaulle. C'en était fini du temps où il avait salué « L'Internationale contre la Marseillaise ». Il se fit patriote, pire, cocardier. « Mon Parti m'a rendu les couleurs de la France », écrira-t-il en 1944, alors que le PCF était devenu un parti de gouvernement.
Quand Staline mourut, en 1953, Aragon salua « le plus grand philosophe de tous les temps » et il se tut en 1956 quand les tanks russes écrasèrent la révolution des ouvriers hongrois.
Tous ces mensonges, ces flagorneries et ces trahisons, Aragon les a commis en connaissance de cause, d'autant plus qu'il était lié personnellement à la famille d'intellectuels soviétiques de Lili Brik -- soeur de sa compagne, Elsa Triolet -- qui eut comme compagnons successifs le poète Maïakovski, qui s'est suicidé en 1930, et un général fusillé par Staline en juin 1937.
Par sa servilité, Aragon a construit sa carrière, mais le pire c'est qu'il a servi de caution à la politique du PCF en travestissant l'URSS stalinienne en pays communiste. Et tout cela, L'Humanité ne peut évidemment pas le dire.
Jean SANDAY