a écrit :Arthaud : "Hollande gère les affaires de la bourgeoisie"
Pour sa première interview de la semaine en 2012, leJDD.fr s’est rendu dans les locaux de Lutte ouvrière pour rencontrer Nathalie Arthaud, dans le bureau… d’Arlette Laguiller. La candidate à la présidentielle évoque bien sûr sa prédécesseur, qui "l’épaule" dans sa première bataille élyséenne, et croit toujours au grand soir, celui où le système sera régi par "la dictature des travailleurs". En attendant, elle tape sur l'ensemble de la classe politique.
Le gouvernement soutient le projet d'une coopérative ouvrière pour la reprise de la compagnie SeaFrance. Est-ce selon vous satisfaisant?
Le gouvernement n’a rien donné aux salariés. Il leur a juste proposé de se débrouiller par eux-mêmes en leur demandant de mettre toutes leurs indemnités en commun pour renflouer une entreprise que la SNCF (propriétaire de SeaFrance, Ndlr) elle-même ne veut pas renflouer. Ce n'est pas un cadeau!
N'êtes-vous pas favorable au projet de coopérative ouvrière?
En tant que communiste révolutionnaire, je crois en effet que les travailleurs géreraient bien mieux une entreprise - et même toute la société - que ne le font les dirigeants capitalistes. Mais il ne s'agit pas de reprendre les entreprises qui ont fait faillite et dont les capitalistes ne veulent plus. Ne laissons pas uniquement aux ouvriers les "canards boiteux". Les travailleurs doivent être en mesure de contrôler l'ensemble des entreprises. Pour cela, il faut exproprier toute la classe capitaliste.
La SNCF s'est engagée à reclasser l'ensemble des salariés. Est-ce un premier pas?
Dans ces histoires de reclassement, il y a à boire et à manger. Prenez l'exemple de Continental. Les reclassements comprenaient des offres d’emplois situés à 180 kilomètres du domicile des salariés, qui étaient payés 1.200 euros par mois. Tout leur argent passait en carburant et ils avaient des horaires de dingue! Est-ce cela un reclassement?
Vous avez justement manifesté mercredi - aux côtés de trois autres candidats à l'élection présidentielle (Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon et Philippe Poutou) - lors du procès du délégué syndical de Continental, Xavier Mathieu. Pourquoi un tel soutien politique?
Ce n'était pas un rassemblement des candidats de gauche. Moi, je soutiens cette lutte depuis le début. Et ce, indépendamment de ce que font les uns et les autres.
«L'Etat est le plus grand licencieur du pays et il trouve des milliards pour inonder les banques»Nicolas Sarkozy veut relancer la TVA sociale. Qu'en pensez-vous?
La TVA est l'impôt le plus injuste qui soit et qui frappe durement les travailleurs les plus pauvres. Quand on l’augmente, on leur fait les poches. C'est une grossière escroquerie de parler de TVA sociale. Il s’agit uniquement d’un cadeau au patronat. Tout le reste, les gains de compétitivité qu'on pourrait en attendre, etc… tout ça, c’est du baratin. Et pendant ce temps là, le chômage augmente.
La crise est aussi passée par là…
Oui, mais pendant cette crise, les patrons du CAC 40 trouvent toujours autant à verser aux actionnaires. En 2011, ils prévoient de redistribuer à nouveau 37 milliards de dividendes aux actionnaires.
Récupérer les dividendes est votre solution pour lutter contre la crise?
Oui, ce serait une mesure de bon sens. Prendre leurs dividendes ne les empêcherait pas de vivre.
Quelles sont vos autres mesures?
Face à l'hémorragie de licenciements, de fermetures d'entreprises, de suppressions d'emplois, il faut mettre un garrot. L'interdiction des licenciements est notre premier objectif. Les salariés sont aujourd’hui une variable d'ajustement, alors que ce devrait être les profits. D’autre part, il faut augmenter les salaires et les indexer sur l'inflation.
Augmenter les salaires, embaucher massivement dans la fonction publique… Ces mesures ne sont-elles pas un peu décalées en temps de crise?
Le gouvernement a supprimé 200.000 emplois dans la fonction publique en cinq ans. L'Etat est le plus grand licencieur du pays et il trouve des milliards pour inonder les banques. Pour eux, il n'y a jamais de problème, les guichets sont toujours ouverts. Cet argent doit servir à reconstruire ce qui a été démoli.
Pensez-vous, comme la droite, que le programme de François Hollande est "vide"?
Je ne pense pas comme la droite! Mais du point de vue des travailleurs, François Hollande ne s'engage à rien. Sur les retraites, il a fait marche arrière. Par contre, il gère loyalement les affaires de la bourgeoisie en affirmant qu'il sera bon gestionnaire et qu'il remboursera la dette.
«Le premier parti des ouvriers, c'est l'abstention»Vous renvoyez dos à dos l'UMP et le PS dans leur gestion du pouvoir. Pour vous, comme pour Marine Le Pen, il existe donc un système "UMPS"?
Il y a un système capitaliste. Le Front national et le Front de gauche se placent aussi sur ce terrain. Le FN dénonce la mondialisation sans jamais parler du système capitaliste pour la simple et bonne raison qu’il s'agit, pour eux, de la seule économie possible.
N’avez-vous pas d’idées communes avec Jean-Luc Mélenchon?
Jean-Luc Mélenchon n’est pas communiste! Il blâme seulement les excès du système capitaliste.
C'est pourtant lui qui portera la candidature du PCF…
Cela fait un moment que ce parti n'est plus ni communiste ni révolutionnaire. Ses voix sont siphonnées. Cela a commencé avec Mitterrand. Mélenchon, c'est le dernier épisode de ce film. Le Parti communiste s'efface derrière lui. Nous n'avons jamais fait partie de cette gauche gouvernementale.
Vous attendez toujours le "grand soir"?
Je pense qu'il y aura des grandes luttes sociales à venir et j'espère que les travailleurs pourront aller le plus loin possible.
Pourquoi se présenter à une élection présidentielle quand on est révolutionnaire?
Il n'y a aucune raison qu'on se taise et qu'on regarde les trains passer. Nous voulons défendre notre programme haut et fort.
Cela a-t-il encore un sens d'être trotskiste en 2012?
Plus que jamais! Si on peut se revendiquer aujourd'hui du communisme révolutionnaire, c'est parce qu'il y a eu Trotski. Faut-il se résigner aujourd'hui à cette économie capitaliste stupide?
Si vous êtes au pouvoir, mettrez-vous en place la dictature du prolétariat?
Oui, il faut que les travailleurs prennent le pouvoir. Au lieu de cette dictature des capitalistes, il faut la dictature des travailleurs et de toute la population. Ce serait la voix la plus démocratique.
Vous incarnez la "Lutte ouvrière". Pourtant, vous n'arrivez pas à capter l'électorat ouvrier. Comment l'expliquez-vous?
Le premier parti des ouvriers, c'est l’abstention. C’est vrai que nous sommes minoritaires mais cela peut changer. Je dis aux travailleurs qu’il ne suffira pas de mettre un bulletin dans l’urne pour que les choses changent. Il faudra rendre les coups. Et pour beaucoup, cela ne semble pas facile, voire même utopique.
Voter Marine Le Pen est donc selon vous une solution de facilité?
Evidemment. Elle surfe sur tous les préjugés racistes et nationalistes. Elle est exactement comme les autres. Avec elle ou un autre, la rapacité du patronat sera toujours là. Les classes populaires tentées par ce vote se trompent lourdement.
«Nous ne pèserons pas plus avec 5 ou 1% des voix»
Des alliances entre vous et l’ancienne Ligue communiste révolutionnaire (LCR) ont déjà été conclues auparavant. N’est-ce plus envisageable avec le Nouveau parti anticapitaliste (NPA)?
Si, localement, sur certaines élections. Mais sur une présidentielle, il n’y aucune raison que les uns et les autres se censurent. Pour avoir 4% de voix au lieu d’1% ou 2% chacun? Aucun intérêt.
Comment vivez-vous le manque de notoriété par rapport à votre prédécesseur, Arlette Laguiller?
Bien! Arlette Laguiller continue à incarner Lutte ouvrière, après 40 ans de vie politique. Il s’agit de ma première campagne, c’est normal que je ne sois pas très connue.
Pour sa première présidentielle en 1974, Arlette Laguiller avait obtenu 2,3% des voix. Est-ce un objectif pour vous?
Nous n’avons pas d’objectif chiffré. Notre volonté est de peser dans les luttes et au-delà du nombre d’électeurs que j’aurai, c’est donc de faire entendre nos idées le plus possible. Nous ne pèserons pas plus avec 5% ou 1% des voix.
Ferez-vous autant de campagnes électorales qu’elle?
J’espère que la société aura changé d’ici là!
Quel rôle a-t-elle auprès de vous?
Elle m’épaule. Elle me dit par exemple ce qu’elle pense des émissions auxquelles je participe. Elle me passe le témoin.
Vous semblez ne jamais être inquiète par la collecte des parrainages. Pourquoi?
Parce que nous avons commencé dès le mois de juin et que nous avons de l’expérience. En succédant à Arlette Laguiller, nous nous sommes demandé si on allait recevoir moins de parrainages. Mais non. Nous sommes déjà bien avancés, comparé aux promesses reçues en 2007.
Si vous avez suffisamment de parrainages, pourriez-vous en accorder quelques uns à Philippe Poutou? Vous a-t-il sollicité?
Je tiens à redire que je souhaite que Philippe Poutou puisse se présenter. Maintenant, je vais d’abord tout faire pour être moi-même candidate et puis, je ne suis pas maîtresse des promesses de parrainage que des maires m’ont faites.
Vous êtes candidate depuis décembre 2010. Comment vivez-vous cette campagne?
Il y a beaucoup de pression. Il faut être concentrée. Mais je la vis avec enthousiasme. C’est une bonne occasion de défendre ses idées à une plus grande échelle. Car avant de me sentir "candidate", je me sens militante.
Comment vous est venu cet "engagement"?
Ce n’est pas du tout une affaire de famille. J’ai d'abord été révoltée par la faim dans le monde, notamment par la famine en Ethiopie en 1986. Cette révolte a évolué en rencontrant des militants communistes, qui m’ont convaincu que nous pouvions changer les choses.
je ne pense pas que l'interview va figurer sur la version Papier mais franchement elle est vraiment bien cette interview,très politique, c'est pas si souvent que l'on a l'occasion de se prononcer pour la dictature du prolétariat et là on est vraiment certain qu'on laisse tous les autres candidats loin loin à droite ...