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Actualité Valenciennes
REPÈRES
jeudi 04.06.2009, 04:49 - La Voix du Nord
Derrière la douceur du regard, un homme qui nourrit «une certaine révolte ». Celle de la classe ouvrière face aux injustices. Derrière la douceur du regard, un homme qui nourrit «une certaine révolte ». Celle de la classe ouvrière face aux injustices.
Dans les sondages, les listes Lutte Ouvrière pour les élections européennes de dimanche plafonnent à un maigre 1,5 %. Sauf celle emmenée pour la région Nord-Ouest par Éric Pecqueur, que notre journal créditait hier de 5 % des intentions de vote ! Portrait d'un pèlerin de la cause ouvrière, délégué syndical chez Toyota.
PAR LAURENT BREYE
Il dit qu'il commence à se sentir usé. « Les postes... Je connais des types qui font les trois-huit, ils sont cassés à trente ans. » Éric Pecqueur en aura quarante-trois au plus fort de l'été. Quand les usines ferment et laissent leurs ouvriers plonger dans les congés payés - cette grande victoire sociale. Reposer leurs corps malmenés. Parce que pour ce qui est de piquer une tête dans la grande bleue, pas sûr qu'ils en aient tous les moyens.
Debout depuis quatre heures du matin. Cheveux ras et gris. Derrière de petites lunettes rectangulaires, le regard est malicieux. Doux et malicieux. Même douceur dans la voix, la malice en moins. Poil à gratter ouvrier, élu représentant CGT, au royaume de Toyota Onnaing, Éric Pecqueur est ce qu'on appelle une gueule.
Une vraie gueule. Doublée d'une conscience aiguë : combattant « d'un système injuste et illogique pour construire une société qui mettra le progrès technique pour satisfaire le besoin de gens ». Cette conscience, rouge sang, elle coule dans ses veines depuis son adolescence. Tombé dans la marmite de LO au lycée. « " Satisfaire les besoins des gens" : c'est simple, ça s'appelle le communisme. » Veste de team members sur le dos, Éric Pecqueur et quelques autres ont provoqué, en avril, le premier tremblement de terre chez le constructeur de la petite Yaris. Grève. Le mot qui n'était pas inscrit sur les tablettes de TMMF. Un gros mot. Aussi raide que du bambou, la direction du site finira par plier. Mais plus que les 95 % du net en cas de chômage partiel au bout du compte négociés, Éric Pecqueur veut donner une autre dimension à cette brève mais intense escarmouche sociale. « C'était une grève pour la dignité. » Derrière la douceur, il y a une rage. Rentrée. « Pour être franc, ce qu'il y a de scandaleux dans cette affaire, c'est que Toyota ne déboursera pas grand-chose. C'est l'État qui versera, à fonds perdus, le paiement des indemnités. » C'est-à-dire le contribuable ... Au fond, ce type est en lutte perpétuelle. En Lutte Ouvrière perpétuelle. Quand il n'est pas sentinelle syndicale chez Toyota, il part en croisade politique. Après les législatives de 2007 (candidat dans la 19e), après les municipales à Orchies en 2008 (où il a été élu conseiller municipal), il a décidé de partir à l'assaut des injustices sociales à l'échelle d'un continent. La tête de liste de LO de la région Nord-Ouest pour les élections de dimanche, c'est lui.
« Tout est politique »
Même en le titillant un peu sur le mélange des genres, vous n'arriverez à le faire hausser la voix. « Entre syndicalisme et politique, le mélange se fait tout seul. Tout est politique. Tout le monde connaît mon engagement, ça n'est un secret pour personne. » Déjà dit : un engagement né sur les bancs du lycée Châtelet, à Douai. Et ce n'est pas son paternel et ses deux grands-paternels qui auraient tenté de l'en dissuader. Chez les Pecqueur, on cultive le militantisme communiste comme d'autres regardent pousser les bonsaïs. Chez les deux aïeux, on s'éventait déjà avec une carte de la CGT pour descendre dans les fosses de Roost-Warendin et d'Anhiers. Du côté de papa, on maniait autant la truelle que, encore, l'activisme cégétiste. « Tous les week-ends, ils racontaient les grèves de 36, la guerre, celles de 48... » Ce combat-là, il l'a toujours eu dans les tripes : « Même tout gamin, j'avais déjà une certaine révolte. » Ce sont des choses qui ne se commandent pas. « Je me sentais communiste. » En pleine loi Devaquet, il laisse tomber au bout d'un an un improbable cursus universitaire pour cette vie de militant. Total, treize années d'une galère résumée en un sigle : CDD. Ad nauseam. C'est un pudique, aussi, cet homme-là. Quand il glisse de cette période : « J'ai accepté beaucoup de choses sans riposter. » L'embauche chez Toyota ? « Un soulagement. » Bêtement humain.
Pèlerin en campagne pour une classe grugée. « La classe ouvrière, c'est elle qui fait tout dans la société, elle qui produit tout. Alors je me bats pour que cette classe ait un rôle dans l'histoire. » Son Europe ? « Aujourd'hui, on a l'Europe des banquiers, des capitalistes et des gouvernements qui défendent les intérêts du patronat. Une Europe à vingt millions de chômeurs à laquelle on est opposés. Par contre, si l'Europe de la classe ouvrière, 210 millions de personnes se donnait les moyens d'unir ses forces, ça pourrait peser. Ça serait un progrès. » Ça serait la veille du grand soir. •
1966.- Naissance le 3 août à Douai. Grandit dans les rues de Waziers, dans une famille où, de père en fils, on milite à la CGT.
1985.-Adhère à Lutte Ouvrière. Parti auquel il est fidèle depuis... 1986.- Le projet de loi réformant les universités du ministre Alain Devaquet jette les étudiants et Éric Pecqueur dans les rues.
1995.- Année de construction de sa Laguna !
2000.- Embauche chez Toyota, à Onnaing.