Oui l'article de la LDC est vraiment bien, il fait le point sur tous les principaux aspects, insiste sur l'intérêt de la vaccination (majeur) mais aussi sur les pratiques des labos et des pouvoirs publics dont le résultat est d'alimenter le doute et d'amener de l'eau au moulin des anti-vaccination.
(Dr. House complète utilement l'argumentation de la LDC

)
Tous les vaccins ne présentent pas pour autant le même intérêt : cela dépend de la population ciblée et bien sûr de l'efficacité du vaccin (il y a des vaccins très efficaces, d'autres moyennement, et certains peu efficaces, comme le Pneumo 23 qui a fini par être retiré du marché, remplacé par un autre plus efficace contre le
pneumocoque, le Prevenar). Cela explique d'ailleurs que, malgré l'allongement de la liste des vaccins recommandés en France, tous n'y figurent pas pour autant...
Pour le vaccin contre les
papillomavirus, la vaccination repose sur une hypothèse, qui paraît vraisemblable mais on n'a pas encore suffisamment de recul pour la valider, celle que lutter contre le virus se traduira effectivement par moins de cancers du col de l'utérus. (Ce qui me choque là-dedans c'est qu'on ne propose pas le vaccin aussi aux hommes, qui ne peuvent certes pas avoir ce cancer-là mais n'en sont pas moins disséminateurs du virus ; à moins qu'il y ait une raison scientifique autre, si par exemple la vaccination n'empêche pas le virus de se répandre... car c'est possible aussi).
Il existe par ailleurs de nombreuses contradictions internes au monde des vaccins, qui ont souvent à voir avec les
contradictions économiques du système...Le vaccin contre la
grippe saisonnière a une particularité : il est élaboré sur la base des souches de virus qui ont infecté l'autre hémisphère lors de la saison précédente (donc, ici, lors de l'hiver austral). On fait le pari que ce seront à peu près les mêmes souches qui toucheront l'autre hémisphère 6 mois plus tard, mais cela peut varier. Selon les années et selon qu'on a vu plus ou moins juste, l'efficacité du vaccin lui-même peut donc varier, et des gens vaccinés peuvent quand même faire une grippe. Mais cela n'enlève rien à la nécessité de se vacciner pour les personnes âgées ou fragiles tant que l'on n'a pas mis au point un "vaccin grippe universel" (qui marcherait quel que soit le type de virus). Un tel vaccin est possible, certains labos commencent doucement à travailler dessus, mais il est loin de bénéficier de l'effort de recherche qu'il mériterait... (donc ce n'est pas pour demain).
La plupart des vaccins contre la grippe (humaine ou aviaire) sont cultivés sur des oeufs de poule, une solution efficace et bon marché, mais qui présente en elle-même un risque en cas de pandémie de grippe aviaire ou d'un virus mixte aviaire/humain qui s'attaquerait à la fois aux hommes et aux poules indispensables pour faire le vaccin ! Quelques vaccins cultivés sur cellules ont commencé à voir le jour, mais pour l'instant leur coût de revient est tel qu'ils ne sont fabriqués qu'à condition d'être largement subventionnés par les pouvoirs publics, ce qui n'est le cas que dans certains pays pour de toutes petites quantités (ex. Etats-Unis). Donc, l'humanité est toujours exposée au risque d'un effondrement de la production de vaccins antigrippaux en cas de grippe aviaire pandémique !
Certains vaccins contiennent un germe tué ou inactivé, d'autres un germe vivant atténué (vaccins vivants atténués). Ce dernier type de vaccination peut avoir des inconvénients chez les personnes immunodéprimées (ou pas) qui peuvent voir l'agent infectieux se réveiller et redevenir pathogène. Dans la
polio par exemple, le vaccin oral Sabin (vivant atténué) est encore utilisé dans certains pays, tandis que d'autres (comme la France) ont opté pour le vaccin injectable à base de souche inactivée, qui est préférable mais beaucoup plus cher. L'utilisation du Sabin a dans une certaine mesure entretenu un réservoir de virus (dans l'environnement et chez certains malades) et en 2016, l'OMS a enfin recommandé de l'abandonner pour passer à l'injectable. Mais tous les pays en auront-ils les moyens ?
Il existe un nouveau vaccin contre une maladie tropicale, la
dengue. Mis au point par Sanofi Pasteur, il n'est efficace (selon les essais cliniques) qu'à 50 % environ, avec de grandes disparités selon les variantes du virus ; mais c'est mieux que rien, puisqu'il n'y a pour l'instant rien d'autre, d'autant que le vaccin semble diminuer la fréquence des formes les plus graves, hémorragiques. Cela aurait dû être une formidable réussite. C'est un échec, le labo vend son vaccin relativement cher et les pays les plus concernés (d'Amérique latine notamment), qui étaient très pressés d'avoir ce vaccin, le sont nettement moins... d'autant que certains d'entre eux comme le Brésil et le Venezuela ont vu, du fait de la crise, fondre les budgets qu'ils auraient pu y consacrer. Tant pis pour le labo, mais c'est grave pour les patients. Et c'est à se demander si le labo a lui-même vraiment confiance dans son vaccin, car il n'est même pas proposé en France d'outre-mer, alors que la dengue a fait 11 morts en Nouvelle-Calédonie entre janvier et août 2017.
En interne chez Sanofi Pasteur, la stratégie de recherche adoptée après l'échec de la dengue est désormais de laisser tomber les vaccins contre les maladies des pays pauvres pour se concentrer sur celles des pays riches. Le même Sanofi a pourtant commencé à travailler sur un vaccin contre le virus
Zika qui a fait récemment parler de lui au Brésil : les travaux étaient financés en grande partie par l'armée américaine. Mais, le nombre de cas de Zika chutant, les budgets américains ont été réduits... et Sanofi a donc stoppé ses recherches !
Enfin, dernier exemple, les restructurations internes à l'industrie peuvent exposer à un grave risque de rupture dans l'approvisionnement en vaccins. Le cas du B.C.G. contre la
tuberculose en est un bon exemple. Type même du vaccin très bon marché et peu rentable pour les labos, il a vu sa production s'arrêter dans plusieurs pays (dont la France) au cours des années 1990-2000 (ex. : fin de la "bague" Monovax). Aujourd'hui, il ne reste pas suffisamment de producteurs pour permettre une vaccination générale de la population comme auparavant. Certes, c'est un vaccin de type vivant atténué qui présente certains risques, mais on n'en a pas d'autre, et la tuberculose tend à réémerger. En France par exemple, le B.C.G. peut provenir de deux endroits : un site de Sanofi Pasteur situé à Toronto (Canada) et un site d'un Institut situé à Copenhague (Danemark). Le manque d'investissements - on ne consacre pas d'argent à un vieux produit qui ne rapporte rien - a conduit le site canadien dans une impasse, et suite à une inspection des autorités sanitaires, la production de B.C.G. considérée comme non conforme a été interrompue. Finalement le labo a dû débourser quelques millions, mais les résultats ne sont pas très concluants car aujourd'hui les critères de qualité nécessiteraient de revoir tout le procédé. Sanofi Pasteur envisage donc tout simplement de stopper sa production canadienne, ce qui met les patients en grand danger de rupture. Déjà, en France, le B.C.G. a cessé d'être recommandé pour tous les enfants et est en pratique réservé à certains centres, principalement en région parisienne chez les populations en situation de précarité. L'argument du manque de sûreté du vaccin a bon dos, quand on sait que, derrière, l'industriel ne suit pas. Et il y a un vrai besoin pour de nouveaux vaccins contre la tuberculose, mais la recherche n'avance pas assez vite. Le jour où il y en aura, gageons qu'ils seront chers...
Effet collatéral du manque de vaccins B.C.G. : il existe une indication du vaccin en instillation dans la vessie, contre le cancer de la vessie, et les patients ont souffert eux aussi de sa pénurie et des restrictions de son utilisation !