a écrit :
Ah ben merde, pour une fois que j'avais l'impression d'avoir compris (en partie) un texte de maths, et qu'en plus, j'étais assez d'accord...
Je sais que tu dis ça pour m'énerver, alors je ne me ferai pas piéger. :hinhin:
Cela dit, il y a quelques trucs juste dans le texte, mais pas beaucoup, à mon avis. D'abord, il raconte essentiellement n'importe quoi sur ce qui est enseigné à l'université. Je vois qu'en page 28, après avoir dit tout le bien qu'il pense du théorème de classification des surfaces (bien que je pense également), il dit:
a écrit :
Le théorème de classification
des surfaces devrait être introduit (sans démonstration) dans le cours
de mathématique dès le lycée, mais étrangement il n’est même pas encore enseigné à l’Université (où d’ailleurs, en France, on a pratiquement
ôté ces dernières années toute la géométrie).
C'est parfaitement faux. Il se trouve que je l'ai moi-même enseigné l'année dernière, et je ne suis certainement pas le seul, et ça n'est pas nouveau. Mais il y a beaucoup d'autres parties des mathématiques qui sont très belles et très importantes, et le temps est limité, alors on choisit, parfois ceci, parfois cela.
Et ses piques permanentes contre Bourbaki et l'abstraction gratuite sont juste ridicules, tout simplement parce que l'abstraction qu'il y a dans Bourbaki est tout sauf gratuite, et que c'est grâce à ce genre d'abstraction qu'on pose des couches supplémentaires sur les mathématiques d'hier, qu'on unifie, qu'on relie ce qui paraissait sans lien, etc. C'est pratiquement comme si on disait "Bon, ben là, y'a trois pommes, et bien puisqu'on ne compte jamais que des pommes ou des carottes, surtout, ne parlons pas du chiffre 3 (horrible abstraction, un chiffre), et associons-le toujours a un objet compté. Trois, je ne sais pas ce que c'est. Trois pommes, oui." Etc. Ça va bien cinq minutes. Il ne se rend même pas compte que l'endroit où il place la séparation entre le concret et l'abstrait est simplement l'endroit où il a lui-même décidé d'arrêter d'abstraire. Mais il manipule des concepts eux-même extrêmement abstraits. Ils ont simplement été systématisés avant son époque. Qu'il aille se plaindre à Euclide d'avoir écrit les Eléments.
Un exemple tiré du texte d'Arnold. Après avoir expliqué au lecteur la définition d'une sous-variété différentiable de R^n (peu importe ce que c'est pour comprendre ce que je vais dire), d'une manière qu'il considère comme "concrète", il s'insurge contre une autre manière plus "abstraite" de présenter les choses. Puis, il dit:
a écrit :
Il n’y a pas dans la nature de variétés différentiables de dimension finie plus « abstraites » (C’est le théorème de Whitney).
Déjà, ce théorème de Whitney n'existerait même pas si des gens n'avaient pas donné l'autre définition "plus abstraite" des variétés différentiables, pour se rendre compte que c'est pareil, et n'avaient pas essayé de comprendre à quoi ressemblent ces variétés "plus abstraites". De plus, cette définition "plus abstraite" des variétés différentiables peut servir, en en changeant quelques virgules, à définir plusieurs autres des objets majeurs des mathématiques modernes, par exemple les variétés ou les schémas de la géométrie algébrique. Sans cette "abstraction", un quart de siècle d'algèbre moderne à la poubelle. Mais sans doute Arnold en est-il resté aux années 50...
Enfin, ce qu'il considère comme indispensable à savoir, c'est ce qui l'intéresse lui, le plus. Mais malheureusement, il passe à côté de nombreux pans des mathématiques du 20ème siècle, dont la liste des applications est gigantesque. C'est son problème, et c'est au fond sans importance, parce que ni les mathématiques, ni la grande majorité des mathématiciens ne s'y trompent, et il n'arrêtera pas l'histoire avec ce genre d'esbroufe.