La théorie du genre dans les cours de SVT

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par luc marchauciel » 09 Août 2011, 14:17

Dans Libération :

a écrit :
L'homosexualité enseignée à l'école : une pilule qui passe mal

L'introduction, dans les manuels scolaires de la rentrée, d'un chapitre sur l'orientation sexuelle heurte plusieurs associations familiales.

Par QUENTIN GIRARD


Ce ne sont que quelques paragraphes dans des manuels de SVT de deux-cents pages mais ils font polémique depuis maintenant plus d'un mois, et cela risque de durer jusqu'à la rentrée scolaire. Début septembre, les élèves de Première ES et L auront le plaisir de découvrir un nouveau point de programme: la question du genre et de l'orientation sexuelle, dans un chapitre intitulé «Devenir homme ou femme». Une partie imposée par la Direction générale de l'enseignement scolaire et annoncée au Bulletin officiel du 30 septembre 2010.

Il y est expliqué, en résumé, que si l'on naît homme ou femme, l'orientation sexuelle des individus peut varier au cours de la vie, et que si la majorité des personnes sont héterosexuelles, une partie de la population est homosexuelle ou bi. La question de l'orientation sexuelle appartenant à la «sphère privée». Jusque-là rien d'extraordinaire, sauf que cette pilule (comme d'autres) ne passe pas pour une partie de la droite catholique.

L'enseignement catholique, des associations familiales ou encore des politiques multiplient les communiqués, les emails, les pétitions et les menaces de boycott des livres pour que cette partie du programme soit retirée. Tout dernièrement, le 28 juillet, l'Association Familles de France a pondu un nouveau texte adressé au Président de la République, expliquant : «Vous connaissez parfaitement la théorie du genre. Cette idée philosophique, contestable s'il en est, nous revient des milieux féministes d'outre Atlantique», et ajoutant  : «Les familles ont parfaitement compris les objectifs des concepteurs : orienter les jeunes vers des expériences sexuelles diverses, considérant que le sexe social est plus important que le sexe biologique». Les quatre cavaliers de l'Apocalypse se seraient-ils abattus sur les manuels scolaires ?

A l'opposé, la semaine dernière, la fédération Sud Etudiant s'est «réjoui de l'avancée dans la lutte contre les discriminations», et a dénoncé «les réactions de certains courants religieux et réactionnaires qui tentent de faire pression sur le gouvernement afin de supprimer ce chapitre».

Mais que peut-on y lire vraiment? Dans celui édité par Bordas, il est ainsi écrit que «l'identité sexuelle est le fait de se sentir totalement homme ou femme. Et ce n'est pas si simple que cela peut en avoir l'air! Cette identité dépend d'une part du genre conféré à la naissance, d'autre part du “conditionnement social”. En effet, chacun apprend à devenir homme ou femme selon son environnement, car on ne s'occupe pas d'un petit garçon comme d'une petite fille, on ne les habille pas de la même façon, on ne leur donne pas les mêmes jouets».

Un peu plus loin, il est ajouté que «l'orientation sexuelle c'est à dire le fait d'être hétérosexuel, homosexuel ou bisexuel, relève totalement de l'intimité des personnes».

«100% viril et être attiré par les hommes»
Dans le manuel par édité par Belin – il y a cinq éditeurs différents – il est précisé que «chacun apprend à devenir homme ou femme selon son environnement et l'éducation reçue. Il existe un autre aspect encore plus personnel de la sexualité: c'est l'orientation sexuelle. Je peux être un homme et être attiré par les femmes. Mais je peux aussi me sentir 100% viril et être attiré par les hommes.»

On y trouve aussi des exemples concrets, comme dans le manuel de Bordas, où est expliqué «qu'une étude récente montre bien l'influence du contexte culturel et social: à Hambourg, en 1970, dans les années de la révolution sexuelle, 18% des adolescents avaient des activités homosexuelles alors qu'en 1990 avec le Sida et les changements culturels, ils n'étaient plus que 2%».

Ainsi, pour Catherine Allais, directrice éditoriale scientifique chez Belin, «les livres ne sont que le reflet des programmes. On se contente de dire que l'orientation sexuelle peut être variée». Depuis une dizaine d'années, elle n'indique n'avoir pas de souvenirs d'une telle «polémique» sur un point de programme. Elle s'étonne d'ailleurs que personne n'ait réagi du coup sur les manuels de S où il y a également un passage qui parle de plaisir sexuel et d'homosexualité. Précedemment les manuels scolaires se contentaient d'aborder les questions «techniques» de la reproduction sexuelle (qui occupent toujours la plus grande partie du chapitre).

La neurobiologiste et féministe Catherine Vidal abonde dans le même sens: «Nous parlons de la sexualité des humains, pas de celle des animaux. L'homosexualité n'est plus, heureusement, considérée comme une maladie mentale. On peut en parler, et c'est ça que certains cathos ne supportent pas!»



Suite sur :
http://www.liberation.fr/societe/010123532...e-qui-passe-mal

J'ai une petite réticence sur un truc, quand même (je crois, pas sûr à 100%) :
Evidemment, il faut envoyer promener les assocs cathos, dont l'avis n'a aucune importance pour la constitution de programmes scolaires. Qu'ils racontent ce qu'ils veulent dans leurs Eglises ou leurs familles, mais l'école est un espace public dans lequel on doit enseigner des savoirs validés sans tenir compte du fait que ça peut moralement heurter truc ou machin (c'est la même chose en histoire, où on prend beaucoup trop de gants dans l'enseignement de l'histoire des religions pour ménager des susceptibilités).
Mais justement, je ne crois pas qu'il faille en sens inverse vouloir diffuser via le savoir scolaire une idéologie progressite ou un message émancipateur, même si on y adhère par ailleurs. Globalement, on doit enseigner des savoirs, pas des valeurs (c'est pour ça que je suis globalement opposé à l'éducation civique et à tous les trucs "citoyens" en général).
Or, là, avec la théorie du genre, on est très limite. Ce que propose le manuel Bordas par exemple, dans cet extrait, est un glissement de la biologie vers la sociologie, qui n'est pas signalé comme tel, et qui placerait du coup la théorie du genre sur le même plan épistémologique que celle de l'évolution. Je comprendrais des réactions de profs de SVT disant : "ce n'est pas à moi d'enseigner ça, ce n'est pas ma discipline, cela ne fait pas partie du champ du savoir constitué que je dois transmettre"
Il me semble qu'en biologie, il vaut mieux s'en tenir à la reproduction et à la différenciation sexuelle, en plaçant l'humain dans le règne animal, dans une perspective évolutionniste. L'information sur la sexualité, qui est un domaine déterminé par la biologie, mais aussi très largement par des considérations sociales et psychologiques, devrait être fait dans un autre cadre, qui soit celui d'une information spécifique sur la sexualité, avec toutes ses dimensions (le plaisir, la contraception, les orientations sexuelles, etc.)
IL existe des formations dans l'EN accessibles à tous les profs, pas seulement de bio, et je crois que ce que font l'infirmière et le prof d'Art Pla dans mon collège est très bien, en partant des interrogations des élèves dans un cadre qui n'est pas celui de la classe.
luc marchauciel
 
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Message par luc marchauciel » 16 Août 2011, 14:05

L'écoute de cette émissions sur France Culture avec Dider Eribon et Elsa Dorlin :

http://www.franceculture.com/emission-cont...e-2011-08-12.ht

me confirme ce que je supputais, à savoir qu'il y a autour de l'introduction de la notion de "genre" dans les programmes de SVT (au moins telle que ces deux intervenants la défendent) une sorte de cheval de Troie constructiviste et relativiste qui n'a pas grand chose à y faire.
A un moment donné, Elsa Dorlin parle d'une "approche féministe des sciences" [sans qu'on sache trop ce que ça recouvre et ce que ça a de pertinent en sciences], ça m'a rappelé le coup de la "science prolétarienne".
luc marchauciel
 
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Message par shadoko » 16 Août 2011, 17:44

Je n'ai pas d'opinion très précise, mais il me semble que tout dépend un peu de ce qu'on dit. Dire que dans l'espèce humaine, comme dans d'autres, il y a des rapports hétérosexuels et homosexuels, ça relève assez clairement de la biologie, je pense, et ça n'a rien de choquant dans un cours de SVT, n'en déplaise aux divers bigots. C'est une donnée scientifique, en quelque sorte, il n'y a aucune raison de l'occulter.

Maintenant, les phrases citées plus haut dans les manuels sont nettement plus critiquables, dans le sens qu'elles manipulent des concepts peu clairs, probablement assez éloignés de la biologie du reste des cours de biologie de lycée, et ça produit des résultats moyens. Ex:
a écrit :
l'identité sexuelle est le fait de se sentir totalement homme ou femme.
[...]
En effet, chacun apprend à devenir homme ou femme selon son environnement

On ne sait plus ce qui est désigné par "homme" et "femme" dans cet extrait. Est-ce le caractère biologique? Est-ce une sorte de groupe social qui se considère comme tel?

Le fait d'avoir des rapports sexuels entre individus d'un sexe (biologique) ou d'un autre, c'est déterminé, c'est facile, on peut en parler, il n'y a pas de problème. Le reste, il faut vraiment être prudent et précis sur ce qui est dit, sinon, ça devient vite n'importe quoi.
shadoko
 
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Message par Ottokar » 18 Août 2011, 05:26

il est difficile de séparer les genres si je peux m'exprimer ainsi, je veux dire faire la part de la bio et de la socio. Sur le plan scientifique, Shadoko a raison. Sur le plan pédagogique,, les élèves posent ou se posent des questions, les cours de SVT sont aussi le lieu de couirs d'éducation sexuelle (même si tous les profs ne les font pas) dès le collège, et seuls les élèves faisant la voie ES en lycée ont des cours de socio. Ou alors, ces questions sont abordées en philo en terminale.
Donc il me paraît délicat de dire que les profs de SVT doivent se restreindre à leur domaine scientifique et ne pas en déborder.
Ottokar
 
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Message par artza » 18 Août 2011, 06:14

Le plus juste scientifiquement et historiquement serait d'intégrer les cours d'histoire des religions dans les cours d'éducation sexuelle en utilisant comme manuel "la vie de Jésus" par Lorulot :rofl: :bleh:
artza
 
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Message par shadoko » 18 Août 2011, 09:22

Tu veux faire l'éducation sexuelle en cours d'histoire, en quelque sorte, à travers l'histoire de l'éducation sexuelle. C'est intéressant comme concept, mais je ne suis pas sûr que ça va prendre. :hinhin:

Sinon, je ne disais pas qu'il faut absolument se cantonner à la biologie au sens très strict, mais plutôt qu'il faut être clair avec les concepts qu'on manipule et qu'ils aient un sens, sinon c'est rapidement une pente glissante.

shadoko
 
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Message par clavez » 18 Août 2011, 17:50

j'avais cru comprendre que le but de la sexualité et de la science était de ne pas se reproduire!
clavez
 
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Message par llaima » 18 Août 2011, 22:01

Je suis déja sceptique sur le fait d'intégrer des théories venant de psycho ou de sociologie en sciences... En plus dans le cas de la théorie du genre je ne vois même pas en quoi elle est progressiste... Au lieu de se contenter de dire que les différences entre les deux sexes ne sont qu'une question de gènes, de chromosomes et d'hormones (avec toutes les aventures qui peuvent se passer avec tous ça) et que l'orientation sexuelle et tout ce qui va avec c'est du domaine intime et privé on construit des théories foireuses... Les deux larons de france culture qui se livrent à une masturbation intelectuelle vont même rejeter le fait que la société et l'environnement viennent se surajouter au biologique. Je suis bien d'accord que la société impose des normes ridicules (l'exemple des jouets est criant de vérité) qui sont issus d'une société barbare et peu évoluée mais justement on doit en science se contenter de parler du biologique pas de ces aspects psychologiques acquis. Or avec eux le biologique disparaitrait et tout deviendrait un pure acquis : la fille prend l'exemple de la musculature dont la différence entre hommes et femmes provient du système hormonal différent et qui proviendrait selon elle du fait "qu'on fait faire moins de sport aux filles". Mademoiselle veut tout expliquer par la sociologie alors que non en rayant les différences sociales il restera toujours des différences biologiques!!! Mais ce que je ne comprend pas c'est où est le problème????? Il y a des individus différents et c'est tout! La vraie idéologie de progrès c'est de dire qu'on est différent mais qu'on vit ensemble et de manière solidaire (même si biensur unepart des différences existentes entre individus proviennet des ségrégations de classe, de sexe, d'origine etc) et non le fait de dire qu'il n'y a aucune différence et que ça autorise dans ce cas à pouvoir vivre ensemble. C'est une idéologie regressive en fait car biensur tout le monde voit bien qu'il y a des différences naturelles entre les personnes...
Je ne sais pas comment j'aborderai le sujet mais franchement je crois que je vais passer rapidement là-dessus et me concentrer sur ce qui est scientifique et non sur les délires de certains féministes qui viennent essayer de pénétrer le monde scientifique avec leurs pseudo-sciences sociologiques et psychologiques à deux sous. Je ferai en sorte que mon cours reste sérieux et fondé sur du concret et non sur du vent...
llaima
 
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Message par llaima » 18 Août 2011, 22:09

En plus ce qui est incroyablement risible là-dedans c'est qu'à la fin on nous demande de se sentir homme ou femme pleinement pour pouvoir être bien dans sa peau... pour quelque chose qui se dit progressiste je trouve bien ça restrictif voir dictatorial comme affirmation...
On mélange vraiment les genres là-dedans mais pas dans le bon sens! Alors qu'en laissant le biologique là où il est on laisse une entière liberté psychologique de se sentir se qu'on veut voilà qu'au final on nous impose des normes psychologiques parées de vertus scientifiques car apparaissant en SVT alors que tout cela ne viens que de sociologie et de psycho c'est à dire quand même d'un domaine où la méthode scientifique ne s'apllique et où tout le monde dit tout et surtout n'importe quoi!
llaima
 
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Message par Gaby » 18 Août 2011, 23:57

(llaima @ jeudi 18 août 2011 à 23:01 a écrit : C'est une idéologie regressive en fait car biensur tout le monde voit bien qu'il y a des différences naturelles entre les personnes...

Tu ne sais pas de quoi tu parles et tu te laisses emporter par l'émotion avant d'étudier le sujet. Les théories du genre ne nient pas les données biologiques. Les plus radicales vont jusqu'à nier la pertinence de leur mention sur les papiers d'identité par exemple, mais pas la donnée factuelle du chromosome X ou Y par exemple... Le genre désigne l'identité sexuelle dans tout ce qu'elle a de culturel, tout simplement. C'est un objet déterminé historiquement, et il est très utile de rappeler que ce qu'est une femme et ce qu'est une homme ne se définit pas par la physiologie, mais par les rapports entre personnes, donc les préjugés de genre changent constamment. Ce n'est pas une théorie visant à nier les différences, mais dont le propos politique peut être de dire qu'une personne peut choisir ce qu'elle est dans son rapport aux autres. Les cours de biologie pourraient bien servir à faire réfléchir les jeunes sur la place du genre dans les sociétés, en expliquant par exemple ce qu'est l'intersexuation et les traitements hormonaux que l'on donne à des personnes dans leur enfance... On ne parle même pas de transsexualité là... Si la biologie ne peut dire que des choses biologiques, alors elle ne doit dire que certaines choses sur l'anatomie, sur les hormones, sur la génétique, mais elle doit reconnaitre que l'ensemble de ces caractéristiques prises ensemble comme étant constitutives d'une identité, pour définir le critère mâle ou femelle, c'est à ce moment-là de l'ordre de l'interprétation... Une interprétation utile ou pas, mais une interprétation quand même... Il est important qu'en cours de SVT, on dise que l'identité peut aussi être un espace de liberté, que si quelqu'un a envie de vivre comme "femme" ou "homme" ou s'en foutre, alors, elle devrait le pouvoir, parce que les données biologiques ne devraient avoir que l'importance qu'on leur donne.

Sinon, je ne peux pas m'empêcher de dire que c'est révélateur que l'on insiste bien sur le fait qu'il s'agit d'une théorie, c'est un peu comme les réacs aux Etats-Unis qui s'attaquent à l'évolution en faisant de la sémantique de bas-niveau, en disant que c'est juste une "théorie" comme une autre... Ici, ce sera surtout l'occasion de voir le mépris contre les sciences sociales qui est bien présent dans certains milieux professionnels ou de droite... Avant d'être une théorie, le genre, c'est un phénomène observable. Le gros problème, c'est que je crois que les profs de sciences nat' ne sont pas forcément prêts à remettre en cause un certain nombre de préjugés essentiallstes...
Gaby
 
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