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L'homosexualité enseignée à l'école : une pilule qui passe mal
L'introduction, dans les manuels scolaires de la rentrée, d'un chapitre sur l'orientation sexuelle heurte plusieurs associations familiales.
Par QUENTIN GIRARD
Ce ne sont que quelques paragraphes dans des manuels de SVT de deux-cents pages mais ils font polémique depuis maintenant plus d'un mois, et cela risque de durer jusqu'à la rentrée scolaire. Début septembre, les élèves de Première ES et L auront le plaisir de découvrir un nouveau point de programme: la question du genre et de l'orientation sexuelle, dans un chapitre intitulé «Devenir homme ou femme». Une partie imposée par la Direction générale de l'enseignement scolaire et annoncée au Bulletin officiel du 30 septembre 2010.
Il y est expliqué, en résumé, que si l'on naît homme ou femme, l'orientation sexuelle des individus peut varier au cours de la vie, et que si la majorité des personnes sont héterosexuelles, une partie de la population est homosexuelle ou bi. La question de l'orientation sexuelle appartenant à la «sphère privée». Jusque-là rien d'extraordinaire, sauf que cette pilule (comme d'autres) ne passe pas pour une partie de la droite catholique.
L'enseignement catholique, des associations familiales ou encore des politiques multiplient les communiqués, les emails, les pétitions et les menaces de boycott des livres pour que cette partie du programme soit retirée. Tout dernièrement, le 28 juillet, l'Association Familles de France a pondu un nouveau texte adressé au Président de la République, expliquant : «Vous connaissez parfaitement la théorie du genre. Cette idée philosophique, contestable s'il en est, nous revient des milieux féministes d'outre Atlantique», et ajoutant : «Les familles ont parfaitement compris les objectifs des concepteurs : orienter les jeunes vers des expériences sexuelles diverses, considérant que le sexe social est plus important que le sexe biologique». Les quatre cavaliers de l'Apocalypse se seraient-ils abattus sur les manuels scolaires ?
A l'opposé, la semaine dernière, la fédération Sud Etudiant s'est «réjoui de l'avancée dans la lutte contre les discriminations», et a dénoncé «les réactions de certains courants religieux et réactionnaires qui tentent de faire pression sur le gouvernement afin de supprimer ce chapitre».
Mais que peut-on y lire vraiment? Dans celui édité par Bordas, il est ainsi écrit que «l'identité sexuelle est le fait de se sentir totalement homme ou femme. Et ce n'est pas si simple que cela peut en avoir l'air! Cette identité dépend d'une part du genre conféré à la naissance, d'autre part du “conditionnement social”. En effet, chacun apprend à devenir homme ou femme selon son environnement, car on ne s'occupe pas d'un petit garçon comme d'une petite fille, on ne les habille pas de la même façon, on ne leur donne pas les mêmes jouets».
Un peu plus loin, il est ajouté que «l'orientation sexuelle c'est à dire le fait d'être hétérosexuel, homosexuel ou bisexuel, relève totalement de l'intimité des personnes».
«100% viril et être attiré par les hommes»
Dans le manuel par édité par Belin – il y a cinq éditeurs différents – il est précisé que «chacun apprend à devenir homme ou femme selon son environnement et l'éducation reçue. Il existe un autre aspect encore plus personnel de la sexualité: c'est l'orientation sexuelle. Je peux être un homme et être attiré par les femmes. Mais je peux aussi me sentir 100% viril et être attiré par les hommes.»
On y trouve aussi des exemples concrets, comme dans le manuel de Bordas, où est expliqué «qu'une étude récente montre bien l'influence du contexte culturel et social: à Hambourg, en 1970, dans les années de la révolution sexuelle, 18% des adolescents avaient des activités homosexuelles alors qu'en 1990 avec le Sida et les changements culturels, ils n'étaient plus que 2%».
Ainsi, pour Catherine Allais, directrice éditoriale scientifique chez Belin, «les livres ne sont que le reflet des programmes. On se contente de dire que l'orientation sexuelle peut être variée». Depuis une dizaine d'années, elle n'indique n'avoir pas de souvenirs d'une telle «polémique» sur un point de programme. Elle s'étonne d'ailleurs que personne n'ait réagi du coup sur les manuels de S où il y a également un passage qui parle de plaisir sexuel et d'homosexualité. Précedemment les manuels scolaires se contentaient d'aborder les questions «techniques» de la reproduction sexuelle (qui occupent toujours la plus grande partie du chapitre).
La neurobiologiste et féministe Catherine Vidal abonde dans le même sens: «Nous parlons de la sexualité des humains, pas de celle des animaux. L'homosexualité n'est plus, heureusement, considérée comme une maladie mentale. On peut en parler, et c'est ça que certains cathos ne supportent pas!»
Suite sur :
http://www.liberation.fr/societe/010123532...e-qui-passe-mal
J'ai une petite réticence sur un truc, quand même (je crois, pas sûr à 100%) :
Evidemment, il faut envoyer promener les assocs cathos, dont l'avis n'a aucune importance pour la constitution de programmes scolaires. Qu'ils racontent ce qu'ils veulent dans leurs Eglises ou leurs familles, mais l'école est un espace public dans lequel on doit enseigner des savoirs validés sans tenir compte du fait que ça peut moralement heurter truc ou machin (c'est la même chose en histoire, où on prend beaucoup trop de gants dans l'enseignement de l'histoire des religions pour ménager des susceptibilités).
Mais justement, je ne crois pas qu'il faille en sens inverse vouloir diffuser via le savoir scolaire une idéologie progressite ou un message émancipateur, même si on y adhère par ailleurs. Globalement, on doit enseigner des savoirs, pas des valeurs (c'est pour ça que je suis globalement opposé à l'éducation civique et à tous les trucs "citoyens" en général).
Or, là, avec la théorie du genre, on est très limite. Ce que propose le manuel Bordas par exemple, dans cet extrait, est un glissement de la biologie vers la sociologie, qui n'est pas signalé comme tel, et qui placerait du coup la théorie du genre sur le même plan épistémologique que celle de l'évolution. Je comprendrais des réactions de profs de SVT disant : "ce n'est pas à moi d'enseigner ça, ce n'est pas ma discipline, cela ne fait pas partie du champ du savoir constitué que je dois transmettre"
Il me semble qu'en biologie, il vaut mieux s'en tenir à la reproduction et à la différenciation sexuelle, en plaçant l'humain dans le règne animal, dans une perspective évolutionniste. L'information sur la sexualité, qui est un domaine déterminé par la biologie, mais aussi très largement par des considérations sociales et psychologiques, devrait être fait dans un autre cadre, qui soit celui d'une information spécifique sur la sexualité, avec toutes ses dimensions (le plaisir, la contraception, les orientations sexuelles, etc.)
IL existe des formations dans l'EN accessibles à tous les profs, pas seulement de bio, et je crois que ce que font l'infirmière et le prof d'Art Pla dans mon collège est très bien, en partant des interrogations des élèves dans un cadre qui n'est pas celui de la classe.