a écrit :
Le Vélot d’or à Daniel Cohn-Bendit
Même Bové n’en revient pas, c’est dire !
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Un tandem Daniel Cohn-Bendit - José Bové pour les européennes, avec ce que ça comporte comme promiscuité aux tribunes des meetings électoraux, créait incontestablement un terrain propice à une épidémie de déclarations stupides. Mais à notre grande surprise, c’est Dany le Vert qui décroche le pompon et le Vélot d’Or pour ses déclarations sur l’épidémie de grippe porcine (due au virus H1N1) (1).
Bien entendu sans le moindre élément pour étayer son hypothèse, il affirme que l’épidémie de grippe porcine "est une crise de notre mode de vie", "une crise de la dégradation écologique", dont l’agriculture industrielle serait responsable.
Si les historiens semblent d’accord sur le fait que les maladies contagieuses, en particulier d’origine virale, se sont développées à la naissance de la domestication des animaux, et de la formation des villes, alors ce qu’il appelle « notre mode de vie en crise » doit déjà dater de plusieurs milliers d’années, environ en 10 000 avant Cohn-Bendit.
Ce monsieur n’a peut-être jamais entendu parler du virus de la variole, déjà identifié sur des momies égyptiennes, du virus de la rougeole, qui aurait existé 3000 ans avant notre ère en Mésopotamie, des grandes épidémies du moyen âge , de la peste qui emporta le tiers de la population chinoise ou la moitié de celle du Languedoc au 14ème siècle, les virus importés par les colons espagnols qui décimèrent les populations amérindiennes, la tuberculose dont les symptômes étaient déjà décrits par Hippocrate et qui fut la maladie sociale du 18ème et 19ème siècle etc… jusqu’à la grippe espagnole, qui fit plusieurs dizaines de millions de morts à la fin de la première guerre mondiale (2).
Comment donc situer cette épidémie de grippe porcine, pour laquelle quelques dizaines de morts au plus sont à déplorer pour le moment, dans l’échelle des crises sanitaires de l’histoire ? Si crise contemporaine il y a, c’est en premier lieu celle du développement des idées irrationnelles et des réactions totalement disproportionnées par rapport aux périls réellement existants. Car à côté des quelques cas de contamination du virus H1N1 dont on nous rebat les oreilles en France, la grippe commune cause encore près de 2000 morts annuelles en France, alors qu’il existe un vaccin permettant de la contrer et auquel s’opposent certains écologistes. Ne parlons pas du paludisme qui tuerait plus de 2 millions de personnes dans le monde ou du SIDA. Autant de maux infiniment plus graves pour lesquels on fait trop peu et pour lesquels le modèle de l’agriculture industrielle n’est évidemment pour rien.
Même dans le cas de l’actuel virus H1N1 , selon Pascal Vannier : « D'après les dernières affirmations de l'OMS, aucune personne porteuse du virus H1N1 n'a été contaminée par des porcs. Les élevages de porcs ne sont donc pas mis en cause dans la diffusion de cette nouvelle grippe. (..)Par ailleurs, on sait que ce virus contient un mélange de séquences génétiques provenant du porc, du poulet et de l'homme. L'hypothèse la plus probable est donc qu'il s'est produit un mélange à partir du contact entre ces trois espèces. Où, et quand ? On n'en sait rien.»(3)
Même dans le cas des épizooties, le modèle d’élevage industriel décrié par Cohn-Bendit est selon Pascal Vannier plus sûr pour peu que les règles de sécurité soient appliquées : « dans les grands élevages où les conditions de biosécurité sont strictement appliquées et où il existe un système de filtration absolu de l'air empêchant les virus d'être introduits par voie respiratoire, le risque est moins grand que dans certains élevages de type extensif, en contact avec la faune sauvage, pour lesquels il est beaucoup plus difficile de gérer l'introduction de maladies exotiques ou épizootiques. En dehors de ces installations "modèles", les mesures de biosécurité sont mises en place dans les élevages de type industriel. Epidémiologiquement, ceux-ci présentent donc les meilleures conditions pour limiter les risques d'introduction du nouveau virus. En revanche, s'il se trouve dans une même région un grand nombre d'élevages abritant un nombre élevé de porcs et qu'un virus exotique y est introduit du fait d'une défaillance des mesures de biosécurité, alors oui, la situation peut contribuer à amplifier la multiplication de l'agent pathogène. »
Qu’est-ce qui autorise donc l’épidémiologiste distingué qu’est Cohn-Bendit à incriminer l’élevage industriel ? Rien d’autres que des clichés même pas dignes du café du commerce :
« "Toute cette agriculture industrielle aujourd'hui produit de plus en plus de folie", dit-il, rappelant qu'"on avait eu la vache folle" » .
Mais bien sûr, la « vache folle » produit d’une « agriculture folle »…Et en quoi consiste donc ce « de plus en plus de folie » ?
« Ce qu'on mange, c'est ce qu'on donne aussi aux animaux, alors si on leur donne beaucoup d'antibiotiques et tout ça, nous devenons résistants aux antibiotiques, donc c'est une chaîne infernale qui se développe", a-t-il dit. Selon lui, "en général, ce genre de maladies, ce genre de grippes sont les conséquences de nos modes de vie et donc à long terme, il faut changer nos modes de vie, à court terme il faut un principe de précaution très strict" ».
Ouf, il a réussi à placer son principe de précaution, on aurait été déçus sinon… Mais le nigaud n’a même pas compris que les antibiotiques n’agissent pas sur les virus, donc que ce « genre de grippe » ou toute autre ne doit strictement rien aux antibiotiques qu’ils soient ingérés par les animaux ou par nous-mêmes. Pas compris non plus que c’est plutôt une bonne nouvelle que nous soyons nous-mêmes résistants aux antibiotiques, leur fonction n’étant pas de nous tuer mais de tuer les bactéries qui nous infectent. C’est plutôt lorsque celles-ci développent des résistances qu’il y a lieu de s’inquiéter, mais pour empêcher que ces résistances débordent nos moyens de lutte, on se passera sans peine des conseils de Daniel Cohn-Bendit.
Monsieur Cohn-Bendit , pour la peine, vous nous copierez cent fois : les antibiotiques, c’est pas automatique !
Anton Suwalki
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Notes :
(1) Cohn Bendit dans Le Monde du 28 /04
(2) Pour mieux connaître l’histoire des épidémies, lire notamment : Jean-françois Saluzzo, Des hommes et des germes, PUF
(3) Philippe Vannier-AFSSA- Le Monde du 05 Mai
Sur le même sujet, il y a sur le ste de Contretemps un article (assez populaire dans les milieux d'extrême gauche ces temps ci) de Mike Davis, qui essaie de montrer en gros que la grippe c'ets la faute au capitalisme, et que je ne trouve pas très convaincant :
http://contretemps.eu/interventions/mike-d...-grippe-porcine