Sur le site de Contretemps, un article qui :
1) Fait le point sur l'affaire d'un point de vue historique, en présentant le déroulement des événements
2) Discute les interprétations en présence, en s'efforçant notamment de montrer que le lyssenkisme n'est pas une conséquence du marxisme
3) Parcourt les éventuelles résonances contemporaines des problèmes posés par l'affaire Lyssenko
http://contretemps.eu/interventions/affair...science-pouvoirL'introduction du texte :
a écrit :
L’affaire Lyssenko, ou la pseudo-science au pouvoir.
« Comment peut-on parler de science sans citer une seule fois le nom du plus grand savant de notre temps, du premier savant d’un type nouveau, le nom du grand Staline ? ». Victor Joannès, responsable communiste, en 1948[1]
« On pourra nous mener au bûcher, on pourra nous brûler vifs, mais on ne pourra pas nous faire renoncer à nos convictions. (…) renoncer à un fait simplement parce que quelqu’un de haut placé le désire, non, c’est impossible. ». N. I. Vavilov, éminent généticien soviétique, mars 1939[2].
L’affaire Lyssenko appelle inévitablement sous la plume de ceux qui se penchent sur elle les qualificatifs les plus définitifs et les superlatifs les plus réprobateurs : « l’épisode le plus étrange et le plus navrant de toute l’histoire de la Science », selon le prix Nobel de biologie Jacques Monod[3] ; « un délire à base d’intoxication doctrinale et idéologique » d’après le biologiste et vulgarisateur Jean Rostand[4] ; « une régression, unique dans les annales de la science contemporaine », pour les journalistes Joël et Dan Kotek[5] ; et rien moins que la « plus grande aberration rencontrée dans l’histoire des sciences de tous les temps »[6] ou encore « une histoire hallucinante (…), digne des plus sombres périodes du Moyen Age. Les surpassant même. », si l’on veut bien suivre le biologiste et historien des sciences Denis Buican.[7]
Il est vrai qu’en 2008, à l’occasion du 60e anniversaire de l’éclatement international de la fameuse « affaire » (avec la démolition par Lyssenko de la génétique soviétique lors de la session spéciale de l’Académie Lénine des Sciences agricoles en juillet 1948), celui qui parcourt cette histoire et ces textes est rapidement frappé par le caractère délirant de certains aspects du lyssenkisme, et se demande immanquablement : comment cela-a-t-il été possible ? Comment des gens par ailleurs cultivés et intelligents ont-ils pu se laisser entraîner dans cette galère ? Et surtout : comment un Etat aussi important que l’URSS, qui proclamait par ailleurs sans réserve son adhésion à une vision scientifique du monde, a-t-il pu confier les clés de la maison « agronomie » à un charlatan, tout en le laissant ensuite détruire un pan entier de la recherche soviétique, celui de la génétique, pourtant jusque là plutôt bien portant dans ce pays ?
C’est à ces questions que, avec 60 ans de recul, cette mise au point veut se frotter, en les accompagnant d’une réflexion sur la portée actuelle et les enseignements à tirer de cette affaire désormais bel et bien classée. Pour cela, nous nous intéresserons d’abord aux faits eux-mêmes (aussi bien en URSS qu’au niveau international, en développant l’exemple de la France), puis à leur interprétation (en parcourant et en analysant les productions historiques et philosophiques consacrées au sujet), avant de tenter pour finir de mettre à jour les échos contemporains d’un lyssenkisme pourtant aujourd’hui mort et enterré.