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Message Publié : 26 Jan 2008, 17:08
par canardos
a écrit :

Le 25 janvier 2008

[center]La convection du manteau terrestre, redoutable énigme peut-être résolue[/center]

Par Laurent Sacco, Futura-Sciences

Depuis des décennies, géophysiciens et géochimistes s’affrontent au sujet de la structure convective du manteau terrestre. Y a-t-il une ou deux couches ? Un chercheur français, Francis Albarède, pense avoir tranché la question, s'offrant le luxe de réconcilier les observations des deux communautés.

Pour les géophysiciens, cela ne faisait aucun doute. De la même manière que le bruit que fait un instrument de musique nous renseigne sur la composition et la forme du matériau le composant, les ondes sismiques enregistrées partout sur la planète indiquaient un manteau terrestre complètement brassé par de lents mais vigoureux mouvements de convection à l’échelle géologique des millions d’années.

« Impossible ! » répondaient les géochimistes. Si tout le manteau était une seule couche convective, alors nous n’observerions pas de telles différences entre les rapports de certains isotopes d’éléments, comme l’hélium, selon que l’on étudie les laves provenant du manteau supérieur ou du manteau inférieur.

On sait en effet que notre planète résulte de l’accrétion de météorites et de planétésimaux possédant une certaine composition chimique initiale moyenne rappelant celle de l’atmosphère solaire. Or, au début de l’histoire convective de notre planète, un dégazage s’est produit qui a dû appauvrir le manteau en certains de ses éléments. Si le brassage de la matière affectait la totalité  du manteau, on n’observerait pas cet appauvrissement uniquement dans les laves venant du manteau supérieur mais dans toutes les laves : il doit donc exister deux couches convectives ne communiquant pas.

Tout le monde a raison

Les observations et les arguments dans un sens ou dans l’autre s’accumulaient depuis des années sans que l'un des camps l’emporte vraiment. Mais les choses pourraient bien changer avec la publication dans Science d’un article de Francis Albarède, du Laboratoire des sciences de la Terre (CNRS, ENS-Lyon, Université Lyon 1). Pour lui, les isotopes, qui étaient initialement présents dans un certain rapport, comme ceux d’hélium et de néon, ne résideraient plus dans leur réservoir d’origine depuis bien longtemps. Dissous dans l’ensemble du manteau au tout début de l’histoire de la Terre, ils auraient migré très tôt dans des roches réservoirs réfractaires à la fusion et suffisamment dures pour ne pas être étirées facilement par les mouvements de convection.

L’ensemble du manteau serait bien en convection, qui brasserait donc une seule couche, comme l’indique les données sismologiques. Mais selon les conditions de fusion dans le manteau, les noyaux réfractaires pourraient libérer les isotopes d’hélium et de néon et enrichir le magma produit par la fusion partielle du manteau, conduissant aux différences observées entre les laves des dorsales médio-océaniques et celles des points chauds, comme ceux d’Hawaï et d’Islande.
Ce serait ainsi la solution de l’énigme et le moyen de rendre compatibles toutes les données géochimiques et géophysiques.

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Les deux modèles pour la convection mantellique. Crédit : Rob Butler / Clare Gordon


Message Publié : 31 Jan 2008, 21:40
par canardos
a écrit :

[center]Un manteau géologique unique pour notre planète[/center]

LE MONDE | 31.01.08 |


Un dogme des sciences de la Terre va-t-il s'effondrer ? En proposant, dans Sciencexpress du 17 janvier, l'existence d'un manteau géologique unique pour la Terre, Francis Albarède, professeur de géochimie à l'Ecole normale supérieure de Lyon, remet en cause une vision qui faisait la quasi-unanimité chez les spécialistes depuis trente ans.

Rappelons que la Terre est constituée d'une succession de couches concentriques comme un oignon. D'abord la croûte, épaisse de 40 km sous les continents et de 6 km sous les océans, puis le manteau supérieur jusqu'à 660 km de profondeur et le manteau inférieur jusqu'à 2 900 km, qui fait frontière avec le noyau liquide puis solide.

Jusqu'à présent, cette hypothèse de la séparation du manteau en deux parties était fondée sur l'analyse des ondes sismiques mettant en évidence une discontinuité à 660 km. Mais aussi sur le fait que certains gaz rares, tels l'hélium, le néon et l'argon, semblent piégés dans le manteau inférieur et n'avoir jamais vu la surface.

Ce constat a été établi en étudiant la composition des laves basaltiques vomies des profondeurs du manteau par certains volcans, comme à Hawaï, qui contiennent justement une grande quantité de ces gaz rares.

Par opposition, les basaltes créés à la frontière des plaques tectoniques, quand elles s'écartent l'une de l'autre sous l'effet des mouvements de convection du manteau, ont perdu une grande partie de ces gaz.

"La première fissure dans cette vision est venue des observations effectuées par tomographie sismique pendant les années 1990", observe Francis Albarède. Cette technique, qui permet d'imager en trois dimensions des structures géophysiques, a montré que certaines plaques tectoniques plongeant dans les entrailles de la Terre sous l'effet de la subduction pouvaient atteindre le manteau inférieur près du noyau. Elles étaient donc capables de franchir cette fameuse discontinuité.

"LA FIN D'UN PARADIGME"

Si la frontière entre manteaux supérieur et inférieur est perméable, il faut donc trouver une autre explication à la présence de ces gaz rares originels. Selon la thèse de Francis Albarède, l'hélium et le néon primordiaux ne résideraient plus dans leur réservoir d'origine. Mais, très tôt dans l'histoire de la Terre, explique-t-il, ils auraient migré dans des roches réservoirs réfractaires à la fusion, et qui ne peuvent se déformer car elles ne contiennent pas d'eau. Ces roches réservoirs, plus ou moins poreuses, réalimenteraient en permanence en gaz primitifs les liquides magmatiques qui traversent le manteau. "Pour moi, c'est la fin d'un paradigme", conclut M. Albarède.

"Cette proposition, qui permet une convection mantellique unique, est hardie, car Francis Albarède prend à rebours tous les géochimistes, observe Philippe Cardin, du Laboratoire de géophysique interne et tectonophysique à Grenoble. Elle va peut-être réconcilier les géochimistes et les géophysiciens et apporter une évolution importante dans le modèle du manteau."

Christiane Galus