
L'industrie pharmaceutique aime a se présenter sous les abords d'une discipline "scientifique" présentant toutes les garanties de sérieux et de sécurité. Rien n'est moins sur, comme le montre l'essai documenté de Sarah shah qui montre toutes les désinformations, les manipulations, voir meme les crimes dont cette industrie est capable
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Médicaments testés sous les tropiques
LE MONDE | 17.10.07 | 15h17 • Mis à jour le 17.10.07 | 15h17
Fille de médecins indiens, née aux Etats-Unis, Sonia Shah a mené une enquête très documentée et pugnace sur les pratiques de l'industrie pharmaceutique et des chercheurs lors d'essais cliniques de médicaments. Elle dénonce avec virulence les manquements manifestes aux règles d'éthique, en particulier à l'égard des patients des pays en développement.
Deux grandes tendances ont dominé ces dernières années : la sous-traitance à des prestataires privés et la délocalisation. Les "organismes de recherche sous contrat", plus connus sous le sigle anglais de "CRO", ont pris le relais des centres hospitaliers pour l'organisation des essais. Ces entreprises ont recruté des cohortes de cobayes qu'elles tiennent à la disposition des firmes pharmaceutiques. Une activité hautement rentable. "En 2003, les CRO amassaient près de 70 milliards de dollars par an (...) et certains d'entre eux pèsent aujourd'hui encore plus lourd, en termes de chiffre d'affaires, que les sociétés pharmaceutiques pour lesquelles ils travaillent", décrit Sonia Shah.
Compte tenu des coûts de plus en plus élevés des essais cliniques dans les pays développés et encouragés par des règles plus souples sur le plan éthique, laboratoires et CRO se sont tournés vers les patients des pays en développement. "Comme le savaient très bien l'ensemble des CRO, impliquer des pays en développement permet de conduire les essais plus rapidement, non seulement parce que les sujets sont plus faciles à recruter, mais aussi parce que les patients sont plus fréquemment et abondamment affectés par les événements cliniques", écrit Sonia Shah.
Le livre relate de nombreux exemples où laboratoires ou CRO ont pour le moins pris des libertés avec les règles éthiques, de plus en plus strictes, en vigueur dans les pays riches. En particulier avec celle du consentement éclairé que chaque personne participant à de telles recherches est censée donner. On retiendra le cas des conditions dans lesquelles Pfizer a testé en 1996 l'un de ses antibiotiques lors d'une épidémie de méningite au Nigéria.
Sonia Shah donne quelques pistes pour "combler le fossé qui sépare les investigateurs occidentaux des patients des pays en développement", quitte à renoncer à l'essai si le consentement éclairé ne peut être recueilli. Elle critique l'essai clinique contre placebo. Autrement dit, l'étude dans laquelle une moitié des participants reçoit de manière aléatoire le médicament à tester, et l'autre un produit à l'apparence identique mais dénué de toute activité. Comme bon nombre de médecins, Sonia Shah juge inacceptable ce type d'essai lorsqu'il existe un traitement efficace contre la maladie.
Un certain nombre de prises de position de Sonia Shah prêteront à discussion : faut-il déplorer la floraison de nouveaux médicaments à la fin des années 1980 ? Traitait-on mieux les malades auparavant ? Souligner l'intérêt d'essais auxquels participent des "patients naïfs" jamais exposés à un traitement pour la maladie étudiée (p. 179) est-il nécessairement une preuve de cynisme ? Mais nul doute que son livre contribuera à lever le voile sur des agissements que l'on ne saurait excuser du fait que les essais cliniques "c'est toujours mieux que rien pour les patients du tiers-monde".
COBAYES HUMAINS, LE GRAND SECRET DES ESSAIS PHARMACEUTIQUES de Sonia Shah. Préface de John Le Carré. Demopolis, 384 p., 24 €.[/quote]
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Médicaments testés sous les tropiques
LE MONDE | 17.10.07 | 15h17 • Mis à jour le 17.10.07 | 15h17
Fille de médecins indiens, née aux Etats-Unis, Sonia Shah a mené une enquête très documentée et pugnace sur les pratiques de l'industrie pharmaceutique et des chercheurs lors d'essais cliniques de médicaments. Elle dénonce avec virulence les manquements manifestes aux règles d'éthique, en particulier à l'égard des patients des pays en développement.
Deux grandes tendances ont dominé ces dernières années : la sous-traitance à des prestataires privés et la délocalisation. Les "organismes de recherche sous contrat", plus connus sous le sigle anglais de "CRO", ont pris le relais des centres hospitaliers pour l'organisation des essais. Ces entreprises ont recruté des cohortes de cobayes qu'elles tiennent à la disposition des firmes pharmaceutiques. Une activité hautement rentable. "En 2003, les CRO amassaient près de 70 milliards de dollars par an (...) et certains d'entre eux pèsent aujourd'hui encore plus lourd, en termes de chiffre d'affaires, que les sociétés pharmaceutiques pour lesquelles ils travaillent", décrit Sonia Shah.
Compte tenu des coûts de plus en plus élevés des essais cliniques dans les pays développés et encouragés par des règles plus souples sur le plan éthique, laboratoires et CRO se sont tournés vers les patients des pays en développement. "Comme le savaient très bien l'ensemble des CRO, impliquer des pays en développement permet de conduire les essais plus rapidement, non seulement parce que les sujets sont plus faciles à recruter, mais aussi parce que les patients sont plus fréquemment et abondamment affectés par les événements cliniques", écrit Sonia Shah.
Le livre relate de nombreux exemples où laboratoires ou CRO ont pour le moins pris des libertés avec les règles éthiques, de plus en plus strictes, en vigueur dans les pays riches. En particulier avec celle du consentement éclairé que chaque personne participant à de telles recherches est censée donner. On retiendra le cas des conditions dans lesquelles Pfizer a testé en 1996 l'un de ses antibiotiques lors d'une épidémie de méningite au Nigéria.
Sonia Shah donne quelques pistes pour "combler le fossé qui sépare les investigateurs occidentaux des patients des pays en développement", quitte à renoncer à l'essai si le consentement éclairé ne peut être recueilli. Elle critique l'essai clinique contre placebo. Autrement dit, l'étude dans laquelle une moitié des participants reçoit de manière aléatoire le médicament à tester, et l'autre un produit à l'apparence identique mais dénué de toute activité. Comme bon nombre de médecins, Sonia Shah juge inacceptable ce type d'essai lorsqu'il existe un traitement efficace contre la maladie.
Un certain nombre de prises de position de Sonia Shah prêteront à discussion : faut-il déplorer la floraison de nouveaux médicaments à la fin des années 1980 ? Traitait-on mieux les malades auparavant ? Souligner l'intérêt d'essais auxquels participent des "patients naïfs" jamais exposés à un traitement pour la maladie étudiée (p. 179) est-il nécessairement une preuve de cynisme ? Mais nul doute que son livre contribuera à lever le voile sur des agissements que l'on ne saurait excuser du fait que les essais cliniques "c'est toujours mieux que rien pour les patients du tiers-monde".
COBAYES HUMAINS, LE GRAND SECRET DES ESSAIS PHARMACEUTIQUES de Sonia Shah. Préface de John Le Carré. Demopolis, 384 p., 24 €.[/quote]