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[center]La grande glaciation aurait favorisé l'émergence des mammifères[/center]
Frédéric Garlan
Agence France-Presse Le mercredi 07 février 2007
Paris
La grande glaciation intervenue il y a 33,5 millions d'années pourrait avoir eu un impact plus marqué que l'on imaginait sur le climat des terres émergées, au grand profit des mammifères, mieux armés pour affronter les basses températures que les animaux à sang froid.
Une étude américaine à paraître jeudi dans la revue scientifique Nature estime que la chute des températures moyennes pourrait avoir atteint 8,2 degrés (avec une marge d'erreur de 3,1 °C) sur une période de 400 000 ans.
«Le changement important des températures moyennes, largement supérieur à celui des températures de surface des mers aux mêmes latitudes, (...) explique les bouleversements de la faune, chez les gastéropodes, amphibiens et reptiles, alors que la plupart des mammifères de la région n'étaient pas touchés», explique l'équipe d'Alessandro Zanazzi (Université de Caroline du Sud).
M. Zanazzi et ses confères sont arrivés à cette conclusion en étudiant la répartition des isotopes d'oxygènes 16 et 18 de l'émail dentaire et des ossements d'anciens mammifères retrouvés dans les grandes plaines américaines. Ils ont pu établir la proportion entre les deux isotopes existant dans l'eau bue par ces animaux et, par déduction, la température de surface de l'époque.
La grande transition entre le monde chaud de l'Eocène et le monde froid de l'Oligocène est l'une des grandes énigmes qui s'offrent aux paléoclimatologues: sur une période relativement courte, les glaces ont colonisé une grande partie de la Terre, notamment l'Antarctique qu'elles n'ont plus quitté depuis.
Les études scientifiques se sont surtout concentrées jusqu'ici sur l'impact de cette glaciation sur les océans. Les travaux de M. Zanazzi, ainsi que ceux d'une équipe néerlando-chinoise consacrés à l'aridification du plateau tibétain à la même époque et publiés dans le même numéro de Nature, confortent la théorie que ce refroidissement était d'ampleur planétaire.
«Cela implique qu'une diminution du niveau de dioxyde de carbone atmosphérique serait le moteur des changements dans les deux hémisphères», souligne Gabriel Bowen (Purdue University) dans un commentaire.
Certains scientifiques expliquaient jusqu'ici l'apparition des glaces sur une Antarctique alors verdoyante par l'effet de la dérive des continents.
L'éloignement de l'Amérique du Sud et de l'Australie du continent Antarctique aurait, selon eux, permis l'émergence du courant circumpolaire qui aurait isolé climatiquement le pôle sud. Mais cette thèse posait déjà problème car les modèles informatiques ont montré qu'un tel phénomène aurait entraîné un réchauffement de l'ensemble de l'hémisphère Nord, note le professeur Bowen.
Les deux études publiées dans Nature, qui concernent précisément l'hémisphère Nord, montrent bien que le début de l'Oligocène a été une époque charnière non seulement pour l'Antarctique, mais pour l'ensemble de la Terre.
«Elles remettent fortement en cause l'hypothèse de la circulation océanique (pour expliquer le refroidissement de la planète) et impliquent qu'une contrainte globale, comme la diminution dans l'atmosphère des concentrations en gaz à effet de serre, ont joué un rôle dans le déclenchement de l'accumulation de glace dans l'Antarctique», conclut le professeur Bowen.