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Message Publié : 04 Fév 2007, 14:01
par canardos
dans le journal du CNRS de février-mars 2007:

a écrit :

[center]En direct de chaque neurone ![/center]

Pierre Vincent, chercheur en neurobiologie, a contribué au développement d'une nouvelle méthode en imagerie cérébrale in vivo. Il nous explique l'intérêt de cette innovation mise au point avec une start-up française.

  Qu'apporte cette technique par rapport aux précédentes ?

Pierre Vincent : Le progrès est considérable : primo, on obtient des images à l'échelle de quelques micromètres1. C'est environ cent fois mieux que la plupart des méthodes d'imagerie cérébrale in vivo. Secundo, le système est si peu invasif qu'il permet d'aller au plus profond du cerveau, là où on n'avait jamais pu aller auparavant, c'est-à-dire dans le thalamus ou l'hippocampe ! Et cela, avec une très bonne résolution. Nous sommes donc les premiers à avoir vu l'activité neuronale, in vivo, à l'échelle de cellules individuelles, dans ces régions-là. Là où les autres techniques (imagerie par résonance magnétique, etc.) ne donnent que le signal d'un ensemble de neurones.

Comment fonctionne cette technologie ?

P.V. : Nous utilisons un Cellvizio, développé par Mauna Kea Technologies (MKT, lire encadré ci-dessous). Son principe repose sur une fibre optique de seulement 300 micromètres de diamètre et de deux mètres de long. Elle sert de « guide d'image ». L'idée est simple : au lieu d'approcher un volumineux système d'acquisition d'images – objectif d'un microscope, caméra dans une sonde, etc. – au plus près de l'organe à filmer, voire carrément dedans, nous guidons l'image de l'organe jusqu'à l'appareil d'acquisition. La lumière conduite par la fibre optique excite d'abord les cellules qui émettent alors de la fluorescence. C'est ce signal qui est ensuite capté par la même fibre optique. Au début de notre collaboration, MKT savait se servir de l'appareil pour obtenir de l'imagerie dans les poumons, dans l'œil, en gastro-entérologie, etc. Mais ils cherchaient à l'utiliser aussi dans le cerveau, et, de mon côté, je cherchais un nouvel outil pour travailler in vivo.

Comment l'avez-vous adapté à la neuro-imagerie ?

P.V. : Je travaille sur la forme de l'extrémité de la fibre optique, pour obtenir une image optimale tout en abîmant le cerveau le moins possible. Et surtout, en collaboration avec une équipe de l'Institut Pasteur2 et une équipe de l'université de Genève3, nous avons apporté notre expérience de la neuro-imagerie cellulaire pour faire de cet instrument un véritable appareil de mesure capable d'acquérir des données chiffrées, et pas seulement des images. Car, au départ, le Cellvizio produisait de très belles images mais difficilement exploitables.

Que peut-on en attendre ?

P.V. : Tout d'abord, ce dispositif est extrêmement utile pour la recherche fondamentale sur le cerveau. Par ailleurs, notre laboratoire est un des premiers à employer des sondes fluorescentes codées génétiquement4, qui permettent d'étudier le traitement des signaux à l'intérieur des neurones. Nous souhaitons réaliser ce type de mesures in vivo et suivre en temps réel les effets de la dopamine, de la sérotonine et de quantités d'autres neuromodulateurs impliqués dans le contrôle de nos facultés cognitives et émotionnelles. Cela permettrait sans doute la mise au point beaucoup plus fine et fiable de toutes sortes de produits médicamenteux, comme les antidépresseurs. On ne se contentera plus d'observer les effets globaux de ces molécules. On les verra en direct de chaque neurone : une petite révolution !
Propos recueillis par Charline Zeitoun


Pour en savoir plus

> http://npa.snv.jussieu.fr/

> P. Vincent, U. Maskos, I. Charvet, L. Bourgeais, L. Stoppini, N. Leresche, J.-P. Changeux, R. Lambert, P. Meda, D. Paupardin-Tritsch, « Live imaging of neural structure and function by fibred fluorescence microscopy », EMBO Rep., 2006



MKT : Des étoiles aux cellules

La start-up française Mauna Kea Technologies porte le nom d'un des plus grands observatoires du monde, à Hawaï, car ses fondateurs sont des… astrophysiciens ! La très haute résolution des fibres optiques alliée à leur très faible épaisseur ont donné à ces spécialistes de l'optique l'idée de les utiliser pour l'imagerie biologique, notamment dans le but d'observer et de diagnostiquer in vivo des pathologies cellulaires comme le cancer. La fibre – de 4,2 millimètres jusqu'à 300 micromètresnde diamètre selon les modèles – est en fait constituée de milliers de fibrilles collées, comme un paquetnde spaghettis. Chacune d'elles transporte un petit bout de l'image. Et toutes sont arrangées de manière régulière sur les 2 mètres de leur longueur. Ainsi, les « pixels » ne sont pas mélangés à l'arrivée, à l'autre bout du « tuyau ».

C.Z.


1. Un micromètre = 10-6 mètre.
2. « Récepteurs et cognition » (CNRS / Institut Pasteur).
3. Department of Cell Physiology and Metabolism, université de Genève, Suisse.
4. Protéines artificielles fluorescentes conçues pour produire un signal lumineux en fonction d'un signal biologique précis que l'on cherche à mesurer dans une cellule vivante.