
dans le Figaro;
a écrit :
[center]Bush se fait le champion des énergies nouvelles [/center]
États-Unis Dans son discours sur l'état de l'Union, le président a prôné l'indépendance énergétique, sans vraiment convaincre.
Philippe Gélie
[02 février 2006]
GEORGE W. BUSH a un certain talent pour se renouveler dans la répétition. Mardi soir, dans son discours annuel sur l'état de l'Union, il a trouvé des accents dynamiques pour défendre l'engagement des Etats-Unis dans le monde, tant politique qu'économique, contre les tentations «isolationnistes et protectionnistes (...) qui mènent au danger et au déclin». Mais, les mains liées par des contraintes budgétaires et électorales, il s'en est tenu à des initiatives modestes, censées doper la compétitivité du pays et réduire sa dépendance énergétique.
Le monde selon Bush reste divisé entre bons et méchants. Cette année, «l'axe» des régimes non démocratiques coiffés du bonnet d'âne comprend la Syrie, la Birmanie, le Zimbabwe, la Corée du Nord et l'Iran. Pas de changement de cap sur l'Irak, où «la route de la victoire ramènera nos troupes à la maison», un processus déjà entamé mais qui doit se poursuivre sans calendrier préétabli. Une seule phrase sur le Hamas, appelé à «reconnaître Israël, désarmer, rejeter le terrorisme et travailler pour la paix». Un couplet sur l'Iran, «nation otage d'une petite élite cléricale» que le président américain ignore pour s'adresser «directement aux citoyens» et leur promettre «une amitié étroite avec un Iran libre et démocratique». En attendant, «le monde ne doit pas permettre au régime iranien d'acquérir l'arme nucléaire». Etrangement, il a passé sous silence la course à l'atome de la Corée du Nord.
«L'Amérique est droguée au pétrole»
Face à cette planète menaçante, ce sont les Etats-Unis que Bush veut stimuler et transformer. Quitte à en passer par une métamorphose personnelle : l'ex-pétrolier texan, qui prônait le forage dans le golfe du Mexique et en Alaska, se fait le champion des énergies nouvelles. «L'Amérique est droguée au pétrole, a-t-il lancé, souvent importé de régions instables. La meilleure façon de rompre cette dépendance est de le faire par le biais de la technologie. Nous sommes au seuil de progrès incroyables.» La Maison-Blanche propose donc une «Initiative sur les énergies de pointe» fixée vers un objectif ambitieux : réduire de 75% les importations américaines de pétrole du Moyen-Orient à l'horizon 2025. Soulignant que 10 milliards de dollars ont déjà été dépensés depuis 2001 pour développer des alternatives au pétrole, Bush promet une augmentation de 22% des fonds consacrés à la recherche (700 millions de dollars pour 2006-2007).
En pratique, le président ouvre plusieurs voies de développement. Pour l'alimentation en énergie des bâtiments, il mise sur le charbon «sans émissions» d'oxyde de carbone (dont les résidus sont rebrûlés), des «technologies solaires et éoliennes révolutionnaires» et l'énergie nucléaire, «propre et sans danger». Aujourd'hui, les Etats-Unis ne tirent du pétrole que 3% de leur consommation d'électricité : 50% viennent de la combustion du charbon et 20% proviennent de 103 réacteurs nucléaires en service, vieillissants car aucune nouvelle centrale n'a été construite depuis les années 70, après l'accident de Three Mile Island. Pour revenir sur cette politique, Bush envisage d'investir 250 millions de dollars dans les technologies de retraitement du combustible nucléaire, afin de réduire les problèmes de stockage des déchets.
«Vendre» ses nouvelles idées au pays
Mais le problème majeur des Etats-Unis, ce sont les 20 millions de barils de pétrole engloutis chaque jour, dont 60% sont importés. Ils servent surtout à la consommation gloutonne de 200 millions de voitures. La solution miracle du président a un nom barbare : éthanol cellulosique, c'est-à-dire produit à partir de déchets agricoles comme la paille ou les tiges de plantes. Alors que l'éthanol standard, tiré du maïs, n'est rentable qu'avec des subventions publiques et ne représente aujourd'hui que 2% de la consommation automobile, l'éthanol cellulosique et les biocarburants tirés d'huiles végétales ou de graisses animales sont vus comme «le Graal» par certains dans l'Administration républicaine : une matière première inépuisable et bon marché. «Notre objectif est de rendre cette nouvelle sorte d'éthanol utilisable et compétitive dans six ans», a promis George Bush.
La proposition, originale, n'a pas convaincu les commentateurs. Hier, la plupart des journaux soulignaient les lacunes et le peu de crédibilité du projet présidentiel : pas de mesures fiscales pour réduire la consommation d'essence, pas d'incitations à l'industrie automobile pour construire des modèles plus économes, pas de mesures pour lutter contre le réchauffement de la planète. En 1971, Richard Nixon avait promis l'autosuffisance énergétique pour 1980 ; en 1979, Jimmy Carter avait garanti une diminution des importations de pétrole (alors de 40%). En 2003, Bush lui-même s'était enthousiasmé pour les voitures alimentées à l'hydrogène. Alors qu'il entame une tournée d'un mois pour «vendre» ses nouvelles idées au pays, son objectif est jugé trop modeste, car seuls 17% des importations américaines proviennent du golfe Persique, et c'est cette portion-là qu'il veut réduire de 75%.
Dans un sondage «à chaud» pour CBS mardi, 77% des Américains ont approuvé les idées de Bush. Mais 68% pensent qu'elles ne seront pas réalisées.