un article du Figaro qui rappelle que nos paysages sont façonnés en permanence par la vie:
a écrit :
[center]Le monde vivant façonne-t-il les paysages ?[/center]
[01 février 2006]
DES FALAISES de craie qui surplombent la rive. Quelques gros blocs en train de se désagréger, envahis par les arbres. De l'autre côté du fleuve, de hautes herbes encore salies par les inondations derrière lesquelles disparaît l'horizon. L'eau glisse et descend sans bruit. Le chemin avance comme un tapis au milieu de toute cette beauté qui baigne dans la lumière et l'odeur de vase. Des paysages comme ceux-là nous sont familiers. Ils font vraiment partie de notre monde.
Géologues, géophysiciens et biologistes s'accordent aujourd'hui à dire qu'ils sont en grande partie façonnés par le monde vivant. Si tous les micro-organismes, tous les végétaux et tous les animaux disparaissaient de notre planète, les paysages seraient méconnaissables, creusés et mis à nu par l'érosion.
Moteur géologique
La vie est désormais considérée comme un moteur géologique à part entière. Elle infuse tous les sols et modèle la surface terrestre. Elle fait des bosses, des creux, adoucit les pentes, freine les cours d'eau et les contraint dans des méandres – la végétation y contribue largement. Même dans les déserts comme le Sahara, la vie est partout dans les sables. Les milliards de bactéries qui les tapissent, limitent l'usure du vent, du soleil et des averses brutales. Leurs immenses biofilms lancés comme des filets sous la surface des dunes, agissent comme de la colle en piégeant les particules, ou comme une grosse éponge en retenant l'eau des rares pluies ou de la rosée.
Si on grattait le sol sur un hectare dans une zone tempérée, on pourrait récolter en moyenne 1 à 7 tonnes de bactéries, près d'une tonne de vers de terre, presque autant d'arthropodes et de champignons, etc. Tous ces organismes ont une activité chimique incessante.
Au milieu des années 1970, James Lovelock et Lynn Margulis ont fait sensation en démontrant que les premières bactéries ont en grande partie produit l'atmosphère de notre planète. L'influence du monde vivant sur la planète continue de s'exercer à grande échelle. A certains moments de l'année où des algues prolifèrent au milieu de l'océan Atlantique par exemple, elles émettent de grandes quantités de sulfure de diméthyle qui active la formation de nombreux nuages.
Quand on regarde les photos du désert d'Atacama au Chili, la région la plus aride du monde – il y a des endroits où il n'a pas plu depuis 20 millions d'années –, on a une idée de ce que serait la Terre si la vie était absente. C'est le «désert absolu», selon les botanistes qui parcourent ce monde lunaire à la recherche d'anciennes traces de vie (pollens, graines, etc.). Il n'y a là-bas que des pierres éparpillées sur un immense champ de poussière.
Ceux qui sont à la recherche d'une signature de la vie dans la géographie planétaire affirment toutefois que la tâche est plus difficile qu'il n'y paraît. Ils font valoir en effet que les nombreux clichés pris par les robots martiens au cours de la période récente révèlent des paysages à peu près semblables à ceux qui existent sur la Terre. Pour eux, la seule différence pourrait n'être en fait que statistique : il y aurait des types de paysages qui seraient plus nombreux sur Terre que sur d'autres planètes sans vie et inversement.
Influence des bactéries
Si on ne tient pas compte des récifs coralliens qui constituent une exception, on ne pourra donc trouver cette signature unique que le jour où l'on connaîtra les paysages martiens. A condition d'abord de s'assurer que là-bas non plus il n'y a pas de bactéries.
En attendant, un phénomène nouveau est entré récemment en action sur notre planète : l'homme. Avec tous ses aménagements et activités, et particulièrement l'agriculture intensive, il ferait disparaître dix fois plus de sédiments que tous les phénomènes naturels d'érosion : cours d'eau, glaciers, pluies et vents réunis.