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[center]Une protéine impliquée dans le goût du gras[/center]
Les personnes en surcharge pondérale semblent préférer une alimentation riche en graisse. Face à l'épidémie d'obésité qui touche nos sociétés occidentales, élucider les mécanismes de la détection des lipides est donc un enjeu majeur. « Jusqu'à récemment, on pensait que leur détection orale reposait entièrement sur la texture particulière des corps gras », explique Jean-Pierre Montmayeur, chercheur au Centre européen des sciences du goût (CESG) 1, à Dijon. L'article qu'il cosigne dans le Journal of Clinical Investigation 2 change radicalement la donne.
Les chercheurs de trois équipes du CESG et d'une quatrième du Lerner Research Institute, à Cleveland (États-Unis), ont d'abord établi la localisation d'une protéine, CD36, dans la cavité buccale. Également connue sous le nom de FAT, pour fatty acid transporter, ou transporteur d'acide gras, CD36 présente une grande affinité avec ces molécules. Elle n'est pas la seule, mais elle a la particularité d'être présente sur la langue des rats et des souris, sur les papilles gustatives, et plus précisément dans les bourgeons du goût, des groupes de cellules qui sont le siège de la détection chimique des aliments.
Les scientifiques ont également comparé les préférences alimentaires de souris qui n'expriment pas cette protéine à celles de souris de type « sauvage ». Résultat : si les deux groupes ont une attirance pour les solutions sucrées et une aversion pour les solutions amères, seules celles qui n'expriment pas CD36 ne font apparemment aucune différence entre une solution riche en acides gras et une solution aqueuse. « En l'absence de cette protéine, le système gustatif semble donc fonctionner normalement, sauf pour la détection des acides gras », note Jean-Pierre Montmayeur.
Par ailleurs, l'étude s'est attachée à examiner le rôle de CD36 dans la réponse de l'intestin à la détection d'acide gras sur la langue des rongeurs. Chez les souris de type « sauvage », le dépôt d'une goutte d'acide gras sur la langue entraîne, à distance, une augmentation de la quantité de sucs digestifs dans l'intestin. Mais aucune modification de ce type n'est observée chez les souris sans CD36, ni même chez des rats de type « sauvage », si la goutte de lipides est déposée sur le palais, d'où CD36 est naturellement absente.
Ces résultats démontrent l'implication de la protéine dans la détection des lipides et le déclenchement d'une réaction physiologique dans le tube digestif. « Nous cherchons maintenant quels sont les mécanismes moléculaires précis impliqués », conclut le chercheur. L'enjeu ? Rien de moins que la lutte contre l'obésité. À terme, « on pourrait peut-être envisager de fabriquer un leurre qui viendrait interférer avec CD36 et mimerait ainsi le goût du gras, sans apporter de calorie. »
Marie Lescroart
À lire
« La naissance du goût », Le journal du CNRS, n° 163-164 : www2.cnrs.fr/presse/journal/783.htm
1. CNRS / Inra / Université de Dijon.
2. Nov. 2005, vol. 115, pp. 3177-3184.