à force de lire certains forumeurs dire l'osteopathie a guéri ma grand mere ou il n'y a que l'homeopathie qui soigne les migraines de mon papa, il m'a semblé opportun de mettre en post ici cet article du site "charlatans et charlatisme"
a écrit :
[center]Pourquoi la pseudo-médecine semble-t-elle marcher ? [/center]
"Quand on a la santé, c'est pas grave d'être malade". Francis Blanche
Au moins 10 sortes d'erreurs peuvent convaincre n'importe qui d'intelligent ou d'honnête qu'une guérison a bien eu lieu quand ce n'est pas le cas.
Ceux qui font profession de vendre des thérapies de quelque sorte que ce soit, ont l'obligation de prouver, avant tout, que leur traitement est sans danger et, secondement, qu'il est efficace. Cette dernière obligation est souvent la tâche la plus difficile à réaliser parce qu'il existe de nombreux chemins relativement subtils pouvant conduire tout être intelligent et honnête (aussi bien chez les patients que les chez thérapeutes) à considérer qu'un traitement ait guéri quelqu'un quand il n'en est rien. C'est tout aussi vrai lorsqu'on essaye des nouveaux traitements de médecine scientifique, ou des remèdes de charlatans issus de la médecine populaire, mais encore ceux des médecines dites "alternatives" ou bien des thérapies franchement magiques comme celles des guérisseurs par la prière, ou autres invocateurs d'esprits.
Pour pouvoir distinguer une amélioration causale d'une amélioration fortuite, pouvant suivre toute intervention, toute une batterie de procédures objectives se sont développées dans le but de tester les remèdes putatifs. On est donc en droit de se poser des questions sur une technique, un rituel, un médicament ou une procédure chirurgicale qui ne serait pas passé par cette procédure de validation objective, surtout s'il est en plus monnayable. La plupart des thérapies "alternatives" (i.e. celles qui ne sont pas reconnues par la biomédecine scientifique) tombent dans cette catégorie, on se demande d'ailleurs pourquoi ces mêmes consommateurs qui n'achèteraient pas un grille-pain sans avoir auparavant pris le soin de bien lire la notice et les comptes-rendus d'associations de consommateurs, vont dans le même temps, sans doute par simple naïveté trop confiante, payer pour des remèdes ou des thérapies non prouvées, voire même dangereuses.
Pendant de nombreuses années, des critiques se sont élevées qui doutaient de ces pratiques médicales marginales, mais la popularité de ces panacées charlatanesques ne semble pas avoir diminué. On peut s'étonner et se demander pourquoi les prétentions de ses promoteurs demeurent si réfractaires aux données contraires. Si une thérapie "alternative" ou "complémentaire" :
est improbable pour des raisons a priori (parce qu' elle implique des mécanismes ou des effets putatifs en totale contradiction avec des lois, des principes ou des découvertes empiriques en physique, chimie ou biologie bien connus et établis),
manque de motifs scientifiques,
a des preuves insuffisantes provenant de recherches suffisamment contrôlées (i.e. en double-aveugle, randomisées, essais cliniques contre placebo),
a échoué lors d'études cliniques contrôlées réalisées par des évaluateurs impartiaux et a été incapable d'expliquer pourquoi cela semblait marcher sans ces contrôles rigoureux,
semble être improbable, même pour le profane, rien que pour des raisons de "sens commun",
pourquoi dans ces conditions, des gens suffisamment instruits continueraient-ils à vendre et à acheter de tels traitements ?
La réponse se trouve dans une combinaison faite des multiples et vigoureuses déclarations non prouvées des "guérisseurs" de la médecine alternative, du pauvre niveau de connaissance scientifique du public en général et de ce "besoin de croire" dominant chez ceux attirés par le mouvement new-age.
L'appel de la médecine non scientifique est la continuité des sentiments de "contre-culture" populaire des années 1960 & 1970. Les scories de la tendance rebelle du "retour à la nature" de cette époque survivent en tant que militantisme nostalgique pour un retour aux soins du style 19° siècle (cachés sous la bannière des droits du patient) et une aversion des traitements spécialisés, bureaucratiques et technologiques de la maladie. D'une manière analogue, l'attirance des dogmes holistiques de la médecine alternative n'est qu'un descendant de cette fascination du mysticisme oriental qui a émergé des années 60 et 70. Bien que la philosophie et la science, qui sont à la base de ces enseignements holistiques, ont été sévèrement critiquées, elles restent attirantes pour ceux entièrement dévoués à la croyance de la guérison grâce à "l'esprit sur la matière", à ceux adeptes du point de vue de la pathologie systémique plutôt que localisée, et à ceux disciples de la santé uniquement due à la puissance de la nutrition (conçu comme l'"équilibre" du corps dans sa totalité).
Beaucoup de produits de santé pour le moins douteux, certains de véritables attrape-nigauds, demeurent en vente libre principalement parce que des clients satisfaits proposent leur témoignage digne de foi. Ce qu'ils disent est pratiquement toujours la même chose : " Je l'ai essayé et je vais mieux, donc c'est que cela doit être efficace." Mais même quand les symptômes rendent compte d'une amélioration suite à un traitement, cela ne prouve pas que la thérapie en soit la cause.
La distinction maladie-affection
Bien que les termes d'affection et de maladie soient souvent utilisés de façon interchangeable, pour les besoins de l'explication nous distinguerons les deux. Nous utiliserons maladie pour désigner un état pathologique de l'organisme dû à une infection, une dégénérescence tissulaire, un traumatisme, une exposition toxique, une cancérogenèse, etc. Par affection nous comprendrons les sentiments de malaise, de douleur, de confusion, de dysfonctionnement ou autres sujets de plaintes pouvant accompagner une maladie. Notre réaction subjective aux sensations douloureuses que nous appelons symptômes est façonnée par des facteurs culturels et psychologiques tels que les croyances, les suggestions, l'espérance, les demandes de signes, les erreurs et la tromperie qu'on alimente soi-même. L'expérience de l'affection est aussi touchée (souvent inconsciemment) par toute une armée de règlements sociaux et psychologiques qui s'accumulent chez ceux considérés comme ayant le "rôle du malade" par les gardiens de la société (i.e. les professionnels de la santé). Chez certains individus, le statut privilégié et les avantages de l'état du malade suffisent à perpétuer l'expérience de la maladie après qu'elle ait disparu, ou même à créer les sensations de l'affection en l'absence de maladie.
A moins de considérer à part les multiples facteurs contribuant à la sensation d'être malade, les témoignages personnels ne sont pas des bases solides sur lesquelles juger si une thérapie putative a guéri une maladie. C'est pourquoi les essais cliniques contrôlés, avec des mesures physiques objectives, sont essentiels pour évaluer une thérapie quelle qu'elle soit.
Corrélation ne signifie pas causalité
Faire l'erreur de mélanger corrélation et causalité est à la base même de la plupart des superstitions et croyances, dont beaucoup dans le domaine de la médecine alternative. Nous avons une tendance naturelle à considérer que quand des choses surviennent ensemble, elles doivent être reliées par un phénomène de causalité obligé, bien que manifestement elles ne le sont pas. Par exemple, il y a une forte corrélation entre la consommation de boissons allégées ("light", sans sucre) et l'obésité. Cela veut-il dire que les édulcorants artificiels sont la cause du surpoids ? Lorsque nous nous référons à l'expérience personnelle pour évaluer la validité de traitements médicaux, plusieurs facteurs varient simultanément, rendant extrêmement difficile le fait de déterminer ce qui est la cause et l'effet. Les confirmations personnelles fournissent l'essentiel du soutien aux produits de santé peu orthodoxes, mais ils ne sont que de faible valeur à cause du fait qu'ils ne sont comparés à rien. Sans comparaison à un groupe de personnes souffrant des mêmes maux, traité d'une manière identique, excepté l'élément prétendument curatif, on ne sera jamais en mesure d'établir s'ils auraient tout autant été guéris sans cela.
Dix erreurs et biais courants
La question est donc : pourquoi les thérapeutes et leurs clients comptant sur des preuves anecdotiques et des observations erronées non contrôlées, concluent-ils que les thérapies inertes marchent ? Il y a à cela dix bonnes raisons.
La maladie peut avoir suivi son cours normal
Beaucoup de maladies s'amenuisent d'elles-mêmes, à condition que l'état ne soit pas chronique ou fatal, le processus de récupération du corps rétablit habituellement de lui-même la santé. Ainsi, avant qu'une thérapie soit reconnue comme curative, ses partisans doivent montrer que le nombre de patients ayant recouvré la santé est supérieur à la proportion attendue de rétablissements sans traitement du tout (ou bien s'ils se sont rétablis significativement plus vite que d'autres sans traitement). A moins qu'un thérapeute non conventionnel apporte des enregistrements détaillés et précis de guérisons réussies ou ratées sur un panel suffisamment important de patients atteints d'une même affection, il ou elle n'est pas en mesure de prétendre avoir dépassé les normes habituelles de rétablissement sans aide aucune.
Beaucoup d'affections sont cycliques
L'arthrite, les scléroses multiples, les allergies et les désordres gastro-intestinaux sont des exemples d'affections qui normalement "ont des hauts et des bas". Naturellement, ceux qui en souffrent tendent à rechercher une thérapie pendant la dépression du cycle. De cette manière, un traitement artificiel aura des opportunités répétées de coïncider avec une amélioration qui de toute façon aurait sans doute eu lieu. Encore une fois, en l'absence de groupes de contrôle appropriés, les consommateurs et les promoteurs de ces pratiques ou produits seront enclins, d'une même voix, à mal interpréter une amélioration due au cycle normal de progression et de rémission de la maladie, et valider cette thérapeutique en lui octroyant un effet qu'elle n'a pas.
La rémission spontanée
Les cas de guérisons rapportés anecdotiquement peuvent être dus à une rare mais possible "rémission spontanée". Même pour le cas de cancers, qui sont quasiment toujours létaux, des tumeurs disparaissent occasionnellement sans traitement avancé. Un oncologue expérimenté rapporte avoir vu douze cas semblables sur environ 6000 cas traités (Silverman 1987). Les thérapies alternatives peuvent donc bénéficier de vertus imméritées suite à des rémissions de cette sorte parce que de nombreux patients désespérés se sont tournés vers elles sachant qu'ils n'avaient plus rien à perdre. Quand des thérapeutes "alternatifs" affirment avoir tiré de la mort des individus sans espoir, ils ne révèlent que trop rarement le pourcentage de clients concernés par ces exceptions. Ce dont nous avons besoin, c'est de preuves statistiques démontrant que leur "taux de guérison" dépasse le taux de rémission généralement connu et le taux de réponse placebo à conditions identiques.
Les mécanismes exacts responsables de la rémission spontanée ne sont pas encore très bien compris, mais des recherches sont en cours pour révéler et peut-être rattacher ce processus au système immunitaire ou à autre chose responsable de cette volte-face inattendue. Le domaine relativement nouveau de la psycho-neuro-immunologie étudie comment des variables psychologiques peuvent affecter les systèmes nerveux, glandulaire et immunitaire de manière à toucher la susceptibilité de guérir de la maladie (Ader & Cohen 1993, Mestel 1994). Si les pensées, les émotions, les désirs, les croyances, etc. sont des états physiques du cerveau, il n'y a rien en soi de mystique dans la notion selon laquelle ces processus neuraux peuvent affecter les processus glandulaire, immunitaire ou cellulaire dans le corps. Via le système limbique du cerveau, l'axe pituitaire de l'hypothalamus et le système nerveux autonome, des variables psychologiques peuvent avoir des effets psychologiques étendus qui peuvent avoir des impacts positifs ou négatifs sur la santé. Bien que la recherche ait confirmé que de tels effets existent, il faut bien savoir et se rappeler qu'ils sont peu importants, rendant compte d'un très faible pourcentage de la variation dans les statistiques de la maladie.
L'effet placebo
Une des raisons majeures de la pseudo crédibilité des remèdes en toc vient des améliorations de l'état de santé dont l'omniprésent effet placebo est la cause. L'histoire de la médecine se répand d'exemples qui, après coup, se sont révélés n'être que des procédures inefficaces après avoir été acceptées avec enthousiasme tout autant par les médecins que par les patients. De telles erreurs viennent de l'hypothèse fausse selon laquelle un changement dans les symptômes, après un traitement, doit avoir une conséquence spécifique. Au moyen d'une combinaison de suggestion, de croyance, d'attente, de réinterprétation cognitive et de diversion de l'attention, les patients à qui ont été donnés des traitements inutiles peuvent parfois expérimenter un soulagement mesurable. Certaines réponses placebo produisent de véritables changements dans la condition physique, d'autres ne sont que des changements subjectifs aidant les patients à se sentir mieux bien qu'il n'y ait pas de changement objectif de leur pathologie sous-jacente.
Grâce aux contacts répétés avec des thérapeutiques valides et vérifiées, nous développons tous, plus encore que le chien de Pavlov, des réponses conditionnées dans des systèmes physiologiques variés. Plus tard, ces réponses peuvent se voir stimulées par la mise en scène de pratiques, rituels et signes verbaux qui font allusion à l'acte d'"être soigné". Entre autres choses, les placebos peuvent aider à la libération de la "morphine" du corps, les endorphines, qui soulagent de la douleur. C'est parce que ces réponses peuvent être palliatives, même si un traitement est physiologiquement sans rapport avec la source des maux, que les présumées thérapies doivent être testées contre placebo dans le cadre de tests en double (voire triple) aveugle où un groupe contrôle ne recevra que de fausses substances tandis que l'autre groupe recevra les substances prétendument curatives et actives.
Il est essentiel que les patients, lors de tels tests, soient répartis totalement au hasard dans les groupes respectifs afin de respecter le caractère complètement aveugle des essais. La puissance de ce que les psychologues appellent les effets d'attente et d'acquiescement est telle, que les thérapeutes doivent travailler tout autant en aveugle que le groupe de patients. D'où le terme de "double aveugle", standard en or de la recherche. De telles précautions sont nécessaires parce qu'une simple allusion, un simple signe, même involontaire, de la part des agents fournissant le traitement, suffirait à rendre caduques les résultats des tests. De la même manière, ceux qui estiment les effets du traitement doivent aussi travailler en aveugle, ainsi, il existe toute une littérature sur ces biais expérimentaux relatant que même d'honnêtes professionnels bien entraînés peuvent inconsciemment "trouver" les résultats auxquels il s'attendent lorsqu'ils essayent d'évaluer un phénomène complexe.
Lorsque les essais cliniques sont terminés, le voile est enfin levé ce qui permet une comparaison statistique des groupes ayant reçu le principe actif, du groupe placebo et du groupe n'ayant reçu aucun traitement. C'est seulement quand des améliorations statistiquement significatives ont été observées chez le groupe ayant reçu le traitement actif, par rapport au deux autres groupes contrôles, que ce traitement peut légitimement revendiquer une quelconque efficacité.
Certains symptômes prétendument guéris sont surtout psychosomatiques
Une des difficultés constantes, dans la mesure de l'efficacité thérapeutique, est rendue plus forte encore par le fait que beaucoup de sujets de plaintes physiques peuvent provenir d'une angoisse psychosociale, et se voir soulagés par un peu d'aide, de soutien et de réconfort. Au premier coup d'oeil, ces symptômes (parfois nommés "psychosomatiques", "hystériques" ou "neurasthéniques") sont semblables à ceux de syndromes médicaux reconnus. Bien qu'il y ait plusieurs "bénéfices secondaires" (psychologiques, sociaux et économiques) s'accumulant chez ceux qui glissent vers le "rôle du malade" de cette manière, nous n'avons pas besoin de les accuser de simuler la maladie pour remarquer que leurs symptômes ne sont pas autrement soutenus que par des processus psychosociaux assez subtiles.
Les guérisseurs "alternatifs" satisfont à la volonté de ces membres "soucieux" ou "inquiets" qui restent de manière erronée convaincus d'être malades. Leurs plaintes sont des exemples de somatisation, cette tendance à exprimer une angoisse psychologique dans le langage des symptômes comme ceux des maladies organiques. Les praticiens "alternatifs" proposent évidemment un réconfort à ces individus qui, pour des raisons psychologiques, ont besoin que les autres croient qu'il existe de véritables causes organiques à leurs symptômes. Souvent à l'aide d'appareils pseudo-scientifiques de diagnostic, ces praticiens renforcent la conviction de celui qui somatise que le corps médical, avec "son coeur de pierre et son étroitesse d'esprit", incapable de trouver ce qui ne va pas physiquement, est à la fois incompétent et injuste en refusant de reconnaître une réelle condition pathologique organique. Une grande part de ceux diagnostiqués de "fatigue chronique", "du syndrome de sensibilité environnementale" et de désordres variés dus au stress (pour ne pas mentionner les procès d'intention faits au nom de prétendus effets nocifs des implants mammaires au silicone) semblent beaucoup plus être du ressort de la somatisation classique. Lorsque, via les rituels maîtrisés de la "remise du traitement", un thérapeute "parallèle" fournit le réconfort, ce sentiment d'appartenance et le soutien existentiel que recherchent ses clients, cela est évidemment profitable au patient, mais tout ceci n'est pas étranger aux praticiens scientifiques qui ont quelque-chose de plus à offrir. L'autre face de tout ceci est que satisfaire aux désirs de diagnostics médicaux pour des personnes se plaignant essentiellement de douleurs psychologiques promeut la pensée pseudoscientifique et magique tout en favorisant injustement l'inflation de ces cas "traités" avec succès par les charlatans. Le plus malheureux est qu'en plus cela perpétue le sentiment anachronique qu'il y a quelque-chose de honteux ou d'illégitime à accepter ses problèmes psychologiques.
Le soulagement symptomatique contre la guérison
Une guérison rapide et directe, un soulagement de la douleur et du malaise représente ce que les gens malades désirent le plus. Un grand nombre de traitements prétendument curatifs donnés par les pseudo-médecins, bien que n'affectant pas le processus de la maladie elle-même, la rend parfois plus supportable, mais pour des raisons psychologiques. La douleur en est un exemple. Les recherches établissent que la douleur est en partie une sensation comme celle de voir ou entendre et est partiellement une émotion (Melzack 1973). Il a été montré à plusieurs reprises que réduire avec succès le composant émotionnel de la douleur rend la partie sensorielle étonnamment tolérable. Ainsi, la souffrance peut souvent être réduite par des moyens psychologiques, même si la pathologie sous-jacente reste intacte. Tout ce qui peut apaiser l'anxiété, rediriger l'attention, réduire l'excitation, développer un sentiment de contrôle ou mener à une réinterprétation cognitive des symptômes, peut soulager le composant de souffrance de la douleur. Les services palliatifs modernes utilisent ces stratégies tous les jours. Tant que les patients souffrent moins, c'est toujours ça de gagné, mais il faut bien faire attention au fait qu'un soulagement purement symptomatique ne doit pas détourner les malades des remèdes réellement éprouvés, jusqu'au moment où ces derniers deviennent effectivement inefficaces.
Beaucoup de praticiens de médecines alternatives délimitent leurs champs de compétence
Dans leur tentative pour toucher une plus large clientèle possible, les guérisseurs parallèles se considèrent d'abord comme "complémentaires" plutôt que "alternatifs". Au lieu de s'occuper principalement des "engagés" purs et durs ou de ceux à qui on a dit que la médecine conventionnelle ne pouvait plus rien, les pseudo thérapeutes ont commencé à annoncer qu'ils pouvaient améliorer les traitements biomédicaux conventionnels. Ils acceptent le fait que les médecins puissent soulager des symptômes spécifiques, mais affirment que la médecine alternative soigne les causes réelles de la maladie, dues selon eux soit à une diététique rompant "l'équilibre" ou à des sensibilités dues à l'environnement, à des champs énergétiques rompus ou bloqués voire même à des conflits, issus d'incarnations antérieures, non résolus. Si l'amélioration vient de la délivrance combinée de traitements "complémentaires" et scientifiquement prouvés, le charlatan praticien fera la part belle à ses pratiques fumeuses plutôt qu'aux autres.
L'erreur de diagnostic (par soi-même ou par un médecin)
Dans cette ère d'obsession médiatique pour la santé, beaucoup de gens peuvent être conduits à croire qu'ils sont touchés par une maladie qu'ils n'ont pas. Et quand ces personnes en bonne santé se voient répondre par leur médecin qu'ils n'ont aucun signe organique de maladie, ils tendent à se tourner vers les praticiens alternatifs qui peuvent toujours leurs trouver quelque "déséquilibre" à traiter. Si une "guérison" s'en suit, un nouvel adepte convaincu est né.
Bien entendu, les médecins scientifiquement formés ne sont pas infaillibles, et une erreur de diagnostic, suivie d'un petit voyage dans un lieu de pèlerinage ou chez un pseudo thérapeute, suffisent à faire un témoin brillant de guérison d'une maladie grave qui n'a jamais existé. D'autres fois, le diagnostic peut être correct mais le temps restant à vivre, qui reste en soi très difficile à évaluer, peut s'avérer imprécis et faux. Si un patient en phase terminale passant par des traitements alternatifs décède finalement plus tard que ce qu'avaient prédit les médecins, la procédure alternative peut se voir auréolée d'un crédit qu'elle ne mérite pas, étant donné que la cause ne vient que d'un pronostic trop pessimiste de la situation, ou bien que le patient ait anormalement survécu à la maladie, comme c'est parfois le cas, par rapport aux normes statistiques connues.
Les avantages dérivés
Les pseudo thérapeutes sont parfois des personnages énergiques et charismatiques. Dans la mesure où des patients sont attirés par le côté plutôt messianique de la médecine alternative, une amélioration psychologique devrait s'ensuivre. Si un guérisseur enthousiaste et optimiste parvient à faire changer l'humeur et l'espérance du patient, cette optimisme vaudra tous les traitements scientifiques qu'il ou elle pourrait recevoir. Cette attitude expectative peut motiver les gens à manger et à dormir mieux, à faire plus d'exercice et à plus de sociabilité. Ces derniers, d'eux-mêmes, peuvent accélérer une guérison naturelle.
Des ressorts psychologiques de cette sorte peuvent aussi réduire le stress, dont il a été prouvé être un cause d'effets délétères sur le système immunitaire. Enlever ce fardeau peut donc accélérer la guérison, même s'il ne s'agit pas de l'effet spécifique attendu de la thérapie. Tout comme le soulagement purement symptomatique, ce n'est pas en soi une mauvaise chose, à moins de détourner le patient de traitements plus efficaces ou bien si le coût est exorbitant.
L'altération psychologique de la réalité [SIZE=7]
L'altération de la réalité au service d'une croyance solide est un fait que l'on retrouve souvent. Même s'ils n'en tirent aucune amélioration objective, les fervents défenseurs de la médecine alternative, qui sont lourdement investis psychologiquement dans cette voie, peuvent se convaincre eux-mêmes d'avoir été aidés. Selon la théorie de la dissonance cognitive (Festinger 1957), lorsqu'une expérience contredit une attitude, un engagement, des sentiments ou une connaissance existants et durables, une détresse mentale s'ensuit. Nous tendons à alléger cette source de discorde en réinterprétant (en déformant) l'information gênante. Ne pas se voir guéri, soulagé, après avoir consacré beaucoup de temps, d'argent et sa réputation à un traitement alternatif (et peut-être même à la vision du monde sous-jacente) créera un tel état de dissonance. Parce que cela sera psychologiquement trop déconcertant d'admettre, à soi-même ou à d'autres, que tout ceci n'était que gaspillage, une forte pression psychologique fera en sorte de trouver une contrepartie valable dans le traitement.
Bien d'autres biais auto-alimentés aideront à maintenir son amour-propre et à lisser le fonctionnement social. Parce que les croyances profondes tendent à être vigoureusement défendues en déformant toute perception et mémoire, les pseudo thérapeutes et leurs clients sont enclins à mal interpréter chaque signe et à ne se souvenir que des choses qu'ils voulaient voir se réaliser. Pareillement, ils pourront être sélectifs dans leurs souvenirs, surestimant les succès apparents tout en ignorant les échecs. La méthode scientifique se développe de manière à réduire l'impact de ce penchant bien humain à ne voir que les conclusions agréables.
Le sentiment illusoire que les symptômes de quelqu'un se sont améliorés peut aussi être dû aux caractéristiques demandées soi-disant trouvées lors du diagnostic. Dans toutes les sociétés, il existe la "norme de réciprocité", une règle implicite qui oblige les gens à répondre aimablement quand quelqu'un leur fait bonne impression. Les thérapeutes, pour la plupart, croient sincèrement qu'ils aident leurs patients et c'est tout naturellement que les patients veulent leur faire plaisir en retour. Sans que les patients ne le réalisent nécessairement, de telles obligations suffisent à gonfler leur perception du bénéfice reçu. Ainsi, une surveillance de ces effets de soumission doit être réalisée lors d'essais cliniques appropriés.
En fait, distinguer les relations causales des fausses relations ne nécessite pas seulement des observations contrôlées, mais aussi des abstractions systématiques d'un corps de données important. Les psychologues qui se sont intéressés aux biais de jugement, ont identifié plusieurs sources d'erreur tourmentant les gens qui comptent sur les processus informatifs dans le but d'analyser des évènements complexes. Dean et ses confrères (1992) ont montré, en utilisant des exemples d'une autre pseudoscience populaire, l'analyse de l'écriture, que sans aide statistique sophistiquée, les capacités cognitives humaines ne sont pas capables de séparer ou de filtrer les relations valides de la masse de données interagissant. Les mêmes difficultés auront fait face aux pionniers de la médecine pré-scientifique et leurs disciples, c'est pour cette raison que nous ne pouvons pas accepter leurs comptes-rendus anecdotiques comme support de leurs assertions.
Pour toutes les raisons présentées ci-dessus, les témoignages individuels ne peuvent pas compter pour autre chose que ce qu'il sont : des anecdotes, des histoires, et ne peuvent représenter qu'une part infime dans l'évaluation des thérapies. Parce que trop d'erreurs peuvent conduire quelqu'un d'honnête et d'intelligent à être convaincu qu'une guérison a bien eu lieu quand ce n'est pas le cas, il est essentiel, pour les traitements présumés, d'être testés sous conditions faisant la part des réponses placebo, des effets de complaisance et des erreurs de jugement.
Avant que qui que ce soit accepte toute sorte de traitement, il ou elle devrait s'assurer que celui-ci a bien été validé dans des conditions appropriées lors d'essais cliniques. Afin de réduire la probabilité que les preuves n'aient été contaminées par les biais et erreurs ci-dessus mentionnées, le consommateur devrait vérifier que ces preuves ont bien été publiées dans des revues scientifiques avec comité de lecture. Tout praticien qui n'est pas en mesure de présenter ces faits reste évidemment suspect. Le patient se doit de rester prudent si au lieu de cela, le praticien charlatan ne possède, comme preuve de l'efficacité de sa thérapie, que des témoignages, des brochures ou des livres publiés par lui-même voire des articles de la presse populaire. Certaines revues prennent l'apparence de magazines scientifiques pour mieux tromper le public, derrière lesquelles se cachent des partisans des pseudosciences qui, avec cette façade, tentent de faire bonne figure, la question est donc : qui publie cette revue ? A-t-elle des intérêts personnels dans l'affaire ? On trouve aussi parfois des revues qui, pour remplir leurs colonnes, laissent l'auteur responsable de son article sans en vérifier véritablement au préalable le contenu, le tout étant de vendre du papier. Et enfin, parce que n'importe quel simple résultat positif peut n'être qu'un coup du hasard, même fruit d'une expérience réalisée prudemment et publiée dans un journal réputé, celle-ci doit pouvoir être reproduite n'importe où et par n'importe quelle équipe de recherche.
Si le praticien crie à la persécution, est un parfait ignare ouvertement hostile à la science, est incapable de donner une raison scientifique raisonnable pour sa ou ses méthodes tout en promettant des résultats supérieurs à ceux de la médecine conventionnelle, il y a de fortes chances pour que vous soyez face à un charlatan. Si en plus celui-ci fait appel à d'autres chemins de la connaissance, à d'autres "degrés", à de mystérieux "plans", "énergies", "forces" ou "vibrations", vous êtes fait ! Enfin, si ce dernier vous déclare qu'il faut traiter d'abord la personne dans son ensemble et non pas la maladie en tant que telle, rangez votre portefeuille et sauvez-vous !
Pour ceux qui sont malades et qui lisent ces lignes, sachez que toute promesse de guérison de ces charlatans n'est que tromperie. Le faux espoir supplante facilement le sens commun, dans cet état de vulnérabilité, avoir du "nez" est beaucoup plus difficile, et plus facile à dire qu'à faire, tant sont nombreux ceux qui succombent aux sirènes de la pseudo-médecine laissant de côté leur scepticisme. Autrefois, des patients assommés par la maladie, portaient aux nues les déclarations des guérisseurs adeptes de la médecine parallèle, avec moins de preuves qu'ils en auraient exigé de la part d'un vendeur de véhicules d'occasion.
Prenez garde et portez-vous bien...