dossier sur le darwinisme

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par Wapi » 30 Avr 2005, 15:36

Canardos merci pour ce lien.

Aurais-tu à ta disposition l'article de P. Tort :

« La généalogie darwinienne de la morale », Sciences et Avenir, n° hors-série, juin-juillet 2004 ?



Wapi
 
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Message par Wapi » 30 Avr 2005, 15:47

ce qui est surtout inaccessible, c'est ceci : (à la fin du site de P. Tort)

a écrit : 5°) Pour aller plus loin

Nous vous conseillons le Dictionnaire du Darwinisme :

Dictionnaire du darwinisme et de l'évolution

PUF, 1996, 4912 p. en 3 volumes dans un coffret. 250 € (au lieu de 454 €, prix public) à commander ici : Livres à prix réduits


On va attendre de le trouver sur internet .... si tu as des nouvelles...
Wapi
 
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Message par Wapi » 30 Avr 2005, 16:35

sinon j'avais entendu parler de P. Tort, mais je ne connais pas bien ses travaux.

Ce qu'il dit sur son site sur les dérives du darwinisme sous le capitalisme
est très intéressant, et a le mérite d'être clair.

a écrit :
Le libéralisme n’a retenu du darwinisme que le noyau appauvri de la théorie sélective : la survie des plus aptes dans un contexte de lutte pour l’existence et de compétition éliminatoire. Or dans la partie anthropologique de son œuvre, Darwin échappe à cette logique : la sélection conjointe des instincts sociaux (origine de la sympathie et des sentiments moraux) et de la rationalité (institutrice de règles sociales) la renverse en une dynamique du secours aux faibles et aux moins aptes dans l’état social civilisé. La sélection produit ainsi l’émergence de comportements anti-éliminatoires, dont l’avantage ne se mesure plus en termes directement individuels et biologiques, mais en termes sociaux.


Je recommande la lecture de l'article Darwin : une théorie matérialiste de la nature et de la civilisation

http://www.futura-sciences.com/comprendre/d/dossier322-1.php

En tous cas, je suis d'accord avec lui quand il dit (p4) que

a écrit :
Le continuum biologico-social darwinien, dont une bonne métaphore didactique est l’image topologique de la torsion du ruban de Möbius
:-P

On y trouve même parfois des assertions surprenantes...

a écrit :                        Réinstruire et Partager

Texte écrit pour la brochure de présentation du Prix Philip Morris 2000 d’Histoire des Sciences - décerné à Patrick TORT le 12 juillet 2000 au Sénat.

Au sein de ce que l’on nomme communément les Sciences de l’Homme et de la Société, l’annonce d’un programme méthodologique visant à donner efficacité et contenu au premier terme de cet intitulé suscite, aujourd’hui beaucoup plus qu’hier, scepticisme, ironie et méfiance.

Tout se passe comme si l’affichage convenu du terme de sciences à l’enseigne d’un groupe de territoires disciplinaires occupés par les différentes approches analytiques des phénomènes humains n’avait d’autre fonction que celle d’un marquage institutionnel ne valant comme indicatif de ce qu’il recouvre qu’à la condition de ne pas se laisser prendre à ce qu’il paraît suggérer.

À peu d’exceptions près, les acteurs de ces «sciences» sont les premiers à reconnaître dans leur pratique disciplinaire des habitudes d’observation plus lâches, des conclusions moins rigoureuses et une méthode moins stable que celles qui caractérisent les disciplines «majeures» de la connaissance objective, sciences exactes et sciences de la nature, dont on s’accorde couramment à confesser qu’elles sont en vérité les seules à être proprement nommées.

Cela signifie que les approches anthropologiques au sens large n’accèdent à la dignité d’être cultivées et enseignées comme disciplines de la connaissance objective qu’à la condition de revendiquer un titre qui les lie à ce «maximum d’exactitude» très légitimement impliqué par le terme de science – mais qu’en même temps ce geste de ralliement n’est qu’un acte d’allégeance formelle, accompli au sein de cette condition de «moindre exactitude» qui engage la conviction profonde et l’aveu que dans l’obligation de se connaître elle-même il n’y a au fond pour l’humanité, par une sorte d’apparentement fatal au type de connaissance institué par la grande injonction socratique, qu’une simple philosophie.

La représentation triviale – ce terme retrouvant ici quelque chose de son ancienne connotation scolastique – d’une échelle de rigidité subordonnant les sciences humaines aux sciences de la nature (sciences d’observation ou sciences expérimentales), lesquelles se subordonneraient à leur tour, du point de vue de la rectitude des lois et de leur caractère formalisable, aux sciences exactes ou logico-mathématiques, a produit la distinction vulgaire du «dur» et du «mou» dans les sciences, qui sous-tend bien des hiérarchisations sommaires et bien des malentendus contemporains.

On reconnaîtra que si l’on accorde le moindre crédit à ce que Bachelard nommait une «psychanalyse de la connaissance objective», et, en l’occurrence, au langage dans lequel cette organisation hiérarchique des sciences a coutume de s’exprimer, le «dur» et le «mou», pour un sujet occupé à se connaître lui-même dans certaines relations, ce n’est pas exactement la même chose. La vénération de l’échelle de dureté dans l’histoire des sciences humaines et sociales contemporaines, associée à la conscience tragique de la mollesse quasi ontologique desdites sciences et au désir ascensionnel qui ne pouvait en conséquence manquer de les habiter, a produit le court-circuit symptomatique à travers lequel on peut figurer une partie de l’évolution moderne de ces disciplines : les sciences humaines souffrant du syndrome de mollesse sont allées chercher directement à l’étage ultime, à la pointe dure de la pyramide du trivium universel, les prothèses rigides aptes à les durcir, intégrant modélisation et formules à une démarche théorique demeurée désespérément inchangée, et qui paraît signer en cela l’impuissance de l’homme à se penser lui-même dans ses relations, et à élaborer la méthodologie adaptée à cette exigence. La mathématisation des sciences humaines non seulement ne produit par elle-même aucune pensée, mais entérine parfois le triomphe de modélisations fondées sur l’arbitraire. Ce n’est pas ainsi que se construit une science et qu’elle occupe son champ.

Or cet événement-symptôme qu’est l’imposition de prothèses mathématiques sur des corps théoriques sans grande structure est lui-même une réponse réactionnelle au fiasco des grands défis méthodologiques lancés dans les années soixante à partir de divers lieux que la mode de l’époque désignait précisément comme ceux où la mode elle-même semblait pouvoir s’analyser, voire se «déconstruire». En 1967, Roland Barthes commence son Système de la mode par une déclaration liminaire audacieuse, qui à ce moment revendique une charge de provocation : «Ce livre est un livre de méthode». Il ne faudra pas plus de cinq ans pour que, dans un ou deux autres livres, à bien des égards mineurs, l’obsession de la méthode soit caractérisée comme le travers psycho-sexuel symptomatique de ceux qui n’atteignent pas la jouissance, Barthes revendiquant paradoxalement, à travers l’éloge du «plaisir du texte» et cette même démission théorique qu’il avait initialement combattue chez ses ennemis universitaires, l’abandon comme le moyen le plus propre à y parvenir.

Brunetière rendait les armes à Théophile Gautier, et la littérature, inépuisable plasticienne et source indéfiniment ravivée de jouissance sans partage, réinvestissait le champ d’où elle était censée avoir été expulsée aux fins d’être placée à distance d’objet sous l’éclairage sans biais de la méthode. De son côté, Michel Foucault, en 1969, soit trois années après Les Mots et les choses, annonce dans L’Archéologie du savoir l’entreprise remaniée d’une refondation méthodologique de l’histoire des idées. Vers la fin de sa carrière il reconnaîtra, avec probité et honneur, qu’il a échoué dans cette entreprise. Que dire de celles et ceux qui ont cru pouvoir élever la sémiologie au rang de «gnoséologie matérialiste» ? Ou de ceux dont l’écriture savamment cryptée entendait incarner une pensée puissamment analytique ou déconstructrice en s’occupant à mimer, pour y abriter souvent un ombrageux narcissisme, le vertige engendré suivant les plus anciennes recettes par un miroitement du sens destiné à stimuler l’exégèse plutôt qu’à partager l’usage d’une vérité ?

La fuite devant la méthode, comme la peur de la vérité, comme le refus du partage, s’enveloppe toujours des voiles subtils d’une littérature. Pythagore en donna la formule, elle-même cryptée, dans un apophtegme dont me revient la traduction latine, et qui constituait la devise protectrice de son séminaire : Nec in tenebris sine vestitu ambulamur, ce qui signifie que l’on ne doit en aucun cas, s’il s’agit de maintenir ce secret de prestige auquel d’aucuns ont attaché la formule du pouvoir, se promener à découvert, sans voile, dans les régions obscures.

À la transparence héroïque et naïve de la méthode, qui affronte le risque d’être indéfiniment éprouvée, et à l’exposé difficile mais toujours traduisible de la théorie, qui court indéfiniment celui d’être réfutée, la modernité précédente, après échecs et abandons, a préféré revenir à la plasticité opacifiante du style, garante d’une valeur minimale, d’un refuge minimal aussi : la subjectivité – ce qui ne résout pas mais réactive au contraire, on l’aura compris, la question de la mode, en tout domaine, comme emprise et mort du singulier, comme subjectivité étendue dans ses signes et dissoute, et de la méthode à mettre en œuvre, précisément, pour en comprendre le fonctionnement.

Cette méthode existe.Elle se nomme l’Analyse des Complexes Discursifs. On pourrait la définir comme un programme d’analyse des comportements discursifs envisagés comme résultantes de jeux de forces susceptibles de les déterminer comme actions. J’ai défini il y une dizaine d’années son concept central de la façon suivante :

«Un complexe discursif est un dispositif dont l’unité n’est ni celle d’un ‘objet’ ni celle d’un ‘discours’, mais celle d’un enjeu autour duquel s’ordonnent des stratégies énonciatives qui s’affrontent, suivant des règles identifiables, en fonction d’un jeu de forces précis, lequel, se modifiant, modifie du même coup leur comportement et leurs effets, qui rétroagissent à différents niveaux de ce jeu pour en infléchir l’équilibre et le cours. L’ACD intègre une sémiotique des éléments au sein d’une pragmatique des forces. Et, d’une manière tout à fait cohérente, elle se refuse à être simplement une discipline ‘contemplative’, mais se reconnaît par nécessité comme théorie-action. Et ce dans l’exacte mesure où elle construit une connaissance intégratrice de la complexité des relations entre les champs de savoir, et une méthodologie qui n’exclut a priori aucune des grandes matrices ou grilles de l’analyse des phénomènes qu’elle étudie (biologie, anthropologie, économie, sociologie, linguistique, psychologie, épistémologie, histoire, etc.). Et que cette connaissance est fondamentalement explicative, donc appelée à produire des effets d’élucidation et à résoudre des problèmes d’intelligibilité au sein même de la société s’interrogeant sur elle-même, et non pas seulement dans le cadre d’une spécialité historique.»

Réussir, donc, là où Foucault a échoué, mais en étant à même de produire les raisons de cet échec : tel pourrait être l’un des paris, mais non certes le seul, de l’Analyse des Complexes Discursifs. (...)


"Réussir, donc, là où Foucault a échoué ... "

Je ne suis pas allé plus loin ... faute de savoir où avait échoué Foucault ... mais j'ai essayé ...

Si tu as d'autres articles un peu plus clairs, n'hésite pas !
Wapi
 
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Message par Wapi » 30 Avr 2005, 23:14

Ben non justement ... la seule provocation elle est dans l'emploi du mot "idole", vu que tu sais parfaitement ce que je pense des idôles et des idôlatres. Mais cessons.

J'ai trouvé cet article de Tort très bien et très accessible tout en étant complet, c'est à mon sens (de profane) une présentation convaincante d'un problème. J'ai juste rigolé en lisant

a écrit :Le continuum biologico-social darwinien, dont une bonne métaphore didactique est l’image topologique de la torsion du ruban de Möebius


car c'est du Lacan pur jus ... comme tu le sais sûrement ! C'est lui qui a appliqué la métaphore des bandes de moebius au sujet de l'inconscient ...

Maintenant sur ta question :

a écrit :La mathématisation des sciences humaines non seulement ne produit par elle-même aucune pensée, mais entérine parfois le triomphe de modélisations fondées sur l’arbitraire. Ce n’est pas ainsi que se construit une science et qu’elle occupe son champ." ça ne te semble pas une critique de ton idole?


Lacan lui-même s'est opposé dès 1934 à la modélisation des sciences de l'homme, en particulier de la psychologie. Je remets ceci.

a écrit :La psychologie d'école, pour être la dernière venue des sciences positives et être ainsi apparue à l'apogée de la civilisation bourgeoise qui soutient le corps de ces sciences, ne pouvait que vouer une confiance naïve à la pensée mécaniste qui avait fait ses preuves brillantes dans les sciences de la physique. Ceci, du moins, aussi longtemps que l'illusion d'une infaillible investigation de la nature continua de recouvrir la réalité de la fabrication d'une seconde nature, plus conforme aux lois d'équivalence fondamentales de l'esprit, à savoir celle de la machine. Aussi bien le progrès historique d'une telle psychologie, s'il part de la critique expérimentale des hypostase du rationalisme religieux, aboutit dans les plus récentes psychophysique à des abstractions fonctionnelles, dont la réalité se réduit de plus en plus rigoureusement à la seule mesure du rendement physique du travail humain. Rien, en effet, dans les conditions artificielles du laboratoire, ne pouvait contredire à une méconnaissance si systématique de la réalité de l'homme.


L'emploi qu'il fait des mathématiques est d'abord métaphorique, exactement comme le fait Tort dans cette brève allusion, ni plus ni moins. Ce qui n'en fait pas un obscurantiste il me semble...

Sinon que penses-tu de sa présentation de Darwin ? Est-elle correcte ?
Wapi
 
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Message par Wapi » 01 Mai 2005, 17:38

merci pour tes explications. Ce sujet m'intéresse.

Connais-tu ce livre ? Est-ce que cela vaut la peine de le lire à ton avis ?

a écrit :  Darwin et la philosophie - 2004 | 80 p.| 13 €
  TORT Patrick
   

Darwin était-il philosophe ? Sous l'apparence anodine de la question, un piège : celui qui invite à réduire, pour la discréditer, la théorie darwinienne au caprice d'une subjectivité raisonnante, à l'arbitraire incontrôlable d'une vision ,du monde, voire à la tyrannie d'un système. Ce que fit Marx à partir de 1862, après une brève période de vif acquiescement matérialiste, en réduisant Darwin à Malthus et à Hobbes. Ce que firent après lui d'innombrables répétiteurs d'une leçon bien peu documentée qui assimilait la pensée darwinienne à une application des dogmes triomphalistes portés par les classes dominantes de la société victorienne. Ce que font encore bon nombre d'idéologues préoccupés d'établir qu'à l'égal de Spencer, Darwin était un chantre des mérites de la philosophie politique libérale. Or Darwin s'intéressait à la philosophie. Comme à la religion, à la morale et à la politique. Mais non comme s'y intéresse un " philosophe ". En six études précises, ce livre explique pourquoi.
Wapi
 
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