aux états unis Testard serait un soutien de Bush contre la recherche publique sur le clonage thérapeutique et les cellules souches embryonnaires.
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[center]Débat aux Etats-Unis sur les cellules souches embryonnaires[/center]
LE MONDE | 21.02.06 |
SAINT LOUIS (Etats-Unis) ENVOYÉ SPÉCIAL
Schadenfreude." Pour résumer l'impact de l'affaire Hwang - la fraude sud-coréenne au clonage thérapeutique -, Evan Snyder, du Burnham Institute de la Jolla (Californie), use d'une expression allemande qui désigne la jubilation face au malheur d'autrui. "C'est décevant, nous ne disposons pas de cette technique, mais pour beaucoup d'équipes, cela signifie qu'elles sont encore dans le jeu", a résumé le chercheur lors d'une table ronde sur le sujet organisée lors de la réunion annuelle de l'Association américaine pour l'avancement des sciences (AAAS) qui s'est achevée lundi 20 février à Saint Louis (Missouri).
Il y a tout juste deux ans, lorsque l'équipe de Hwang Woo-suk avait annoncé dans la revue Science avoir réussi à créer des embryons humains par clonage et à en tirer des lignées différenciées de cellules souches, une étape fondamentale paraissait avoir été franchie : la perspective d'obtenir des cellules, voire des organes de remplacement, issus du donneur lui-même en s'affranchissant des phénomènes de rejet, ne semblait plus un rêve inaccessible, tout comme la promesse de soigner un jour les maladies neurodégénératives ou sanguines, les accidents cardiovasculaires, le diabète ou encore les atteintes de la moelle épinière. Las, le professeur Hwang mentait.
"Cette fraude est une tragédie", estime Laurie Zoloth, spécialiste de bioéthique à la Northwestern University. "Comment puis-je savoir ce qui est vrai, que puis-je espérer ?" face aux annonces des scientifiques, s'est-elle interrogée.
OBSTACLE POLITIQUE
Pour autant, Leonard Zon, de l'institut médical Howard Hughes de Boston, pense que, d'ici deux ans, les prétentions de M. Hwang devraient être devenues réalité. Cependant, il subsiste un obstacle de taille à l'avancée de ces recherches aux Etats-Unis, un obstacle politique : George Bush a en effet restreint l'expérimentation sur les cellules souches embryonnaires aux rares lignées obtenues avant 2001 et interdit le financement fédéral de ces travaux.
La réplique la plus spectaculaire à la position présidentielle est revenue aux Californiens qui, fin 2004, ont voté à près de 60 % en faveur de la création d'un institut dédié à l'étude des cellules souches, disposant d'un fonds de 3 milliards de dollars. "Cette réponse, aussi extrême que la position de l'administration Bush, n'est pas défendable sur le plan de la gouvernance", considère cependant Daniel Sarewitz, de l'Arizona State University : 23 des 29 membres du conseil d'administration de cet institut ont un intérêt personnel à soutenir l'étude des cellules souches, rappelle-t-il, fustigeant au passage "la tendance de la science à vouloir se situer hors de l'influence politique".
La question de l'utilisation des cellules souches embryonnaires n'est pas propice aux compromis, nombre d'Américains jugeant inacceptable le "sacrifice" d'embryons à des fins de recherche. "Une solution purement politique laisserait notre pays profondément divisé", estime William Hurlbut, chercheur à Stanford (Californie) mais aussi membre du comité de bioéthique présidentiel. A ce titre, il propose d'altérer le noyau transféré au sein de l'ovocyte receveur afin que cet ensemble n'ait aucune chance d'aboutir à la formation d'un embryon, tout en préservant ses capacités à fournir des cellules souches.
Cette alternative fait partie d'une série de propositions avancées en 2005, pour lesquelles des fonds fédéraux de 70 millions de dollars pourraient être débloqués. "La plupart de ces alternatives ne sont pas techniquement réalisables", tranche John Gearhart, de l'école de médecine Johns Hopkins de Baltimore, pour lequel l'argent proposé risque d'être utilisé en pure perte. D'autant, rappelle la philosophe canadienne Françoise Baylis (université de Dalhousie), que le "meurtre" des embryons n'est que l'une des questions éthiques pendantes, à côté de celles concernant la provenance des ovocytes, la brevetabilité du vivant, le partage des bénéfices financiers et thérapeutiques...
Pour les scientifiques cependant, le recours aux cellules souches embryonnaires s'impose. "Elles n'ont pas les mêmes caractéristiques que les cellules souches adultes, pour lesquelles des processus de sénescence ont été découverts, explique Sean Morrison, de l'université du Michigan. C'est pourquoi il faut pouvoir les utiliser."
John Gearhart, s'il juge que les patients devront attendre des années avant de bénéficier de ces traitements, n'hésite pas à brandir l'argument patriotique, citant Pasteur au passage : "La science ne connaît pas de frontières." Traduction : si les Américains n'y vont pas, d'autres le feront.
Hervé Morin