Psy-X,Y,Z...

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par Wapi » 17 Mars 2005, 23:10

a écrit :j'ai parle des grandes psychoses


il y en a donc des petites ?

a écrit :la schizophrenie sur laquelle lacan a fondé sa réputation


non... lacan s'est d'abord fait connaïtre par ses travaux sur "la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité"... justement un cas bien difficile à inscrire dans un strict "dysfonctionnement cérébral" (mais c'est peut-être le cas)... mais qui est assurément de l'ordre de la "perte de contact avec la réalité" et donc de la psychose.

Ensuite c'est toujours pareil : ce n'est pas parce qu'il y a de l'endogène dans la maladie mentale qu'il n'y a pas de psychogenèse "sociale" de la personne qui "a" la maladie... et que donc il y a du soin possible par le travail sur "l'ambiance".

Avant de guérir, il faut soigner... et on peut toujours soigner, soulager à un point même qui n'était pas prévisible au départ... le cerveau est tellement plastique que certains circuits peuvent se réorganiser suivant des voies qui n'étaient pas prévues ... pas totalement, mais cela peut aller très très loin.

les observations sur les éveils de coma pour les accidentés de la route et traumatisés crâniens l'ont montré...

Pour les PMD ... tu fais une absolue équivalence avec le "trouble bi-polaire" du dsm ?
Wapi
 
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Message par Cyrano » 18 Mars 2005, 18:40

Sahdoko, tu demandes :
La psychanalyse peut-elle être l'outil curatif dont ont besoin les praticiens de la santé psychique ?
La psychanalyse est-elle partiellement ou totalement à refondre ?
Foutre-dieu, je ne sais pas quoi répondre à ça ! Parce que la réponse est d'évidence : la psychanalyse n'est pas figée, même Freud lui-même avait remanié ses théories.
Je te remets ce qu'écrivait Wapi :
a écrit :Ecrit par : Wapi  le mardi 22 février 2005 à 20:10
La psychiatrie (c'est à dire aussi la psychanalyse depuis Freud) a une histoire, et elle est intimement liée à l’Histoire. Cette histoire est traversée de cahots, de crises, d'apports fondamentaux chimico-physiques(neuroleptiques, électrochocs, packing, chirurigie...), théoriques (Lacan et d'autres), de révolutions (Pinel, Tosquelles) qui sont quelque part le reflet de l’histoire elle-même. Elle ne peut jamais être définitivement « stabilisée » dans sa théorie, ce serait un pur non-sens.
La "pratique théorique issue de Freud" est condamnée à avancer, sinon elle tombe comme un vélo, et toujours en lien avec une pratique thérapeutique, éminemment sociale, de l’être humain souffrant
Peut-être qu’un jour elle disparaîtra ; Lacan lui même l’avait déjà dit : « la psychanalyse est un symptôme social ». Mais pas parce que les neurosciences auront discrédité ses formations théoriques, parce que la société tout entière sera désaliénante, pas seulement la « cure » ou « l’institutionnel psychothérapeutique », qui eux, en plus, ne sont que très partiellement désaliénants aujourd’hui parce qu’ils sont empêtrés dans les contradictions du social et de l’économique.


Excuses ! Pas le temps de répondre plus : j'ai des invités…
Cyrano
 
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Message par satanas » 19 Mars 2005, 11:35

[quote=" "]
Pourquoi continuez vous a discuter comme si le freudisme avait encore une quelconque réalité ? Alors que tout le monde sait depuis des années que tout ceci n'a aucun fondement.
C'est totalement insensé comme attitude[/quote]

Je crois que tu sous-estimes le poids qu'ont pris les freudiens dans toutes les institutions depuis les années 60.....

Même si leur quasi monopole commence à s'effriter depuis quelques années,l'influence de ce courant et de ses réseaux reste encore prépondérante dans les facs de psycho,dans les instituts de formations des travailleurs sociaux,dans les stuctures de type Institut médico éducatif,les CMPP,les centres d'acceuil pour toxicomanes, les services socio-éducatifs etc.....

C'est un lobby considérable ,auquel il reste difficile de se heurter dans de nombreuses situations ....
Ce qui n'empêche pas les freudiens,bien vissés à leurs sièges et installés dans les institutions de continuer à adopter des postures "subsersives" et à neutraliser ,dénigrer,voire censurer les avancées scientifiques qui pourraient ,
à terme ,remettre en question leurs positions dominantes dans le domaine
de la santé mentale,des difficultés psychiques ,neurologiques ou comportementales , des problèmes sociaux ou même scolaires....

Je me les coltine dans mon boulot (travail social-protection de l'enfance ) depuis des années et,malgré les dégâts qu'ils ont faits,les psychanalystes de toutes sortes continuent à dominer ce secteur...
satanas
 
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Message par Wapi » 20 Mars 2005, 01:41

[quote=" "]
Avant ou après avoir tout bidonné ? Pour mémoire un extrait de l'excellent site de l'AFIS (Association Française pour l'Information Scientifique:


[quote=" "]

La psychanalyse a été édifiée par Sigmund Freud à partir de "cas" célèbres, le succès thérapeutique justifiant, à ses yeux, la mise en place d'une théorie généralisante.

"Anna O" constitue le cas princeps qui a été à la base de l'illumination freudienne. En fait, elle était soignée par le Dr Joseph Breuer, lorsque Freud était encore étudiant. Il constate que la guérison est venue lorsque la malade "se remémora, en extériorisant les affects, à quelle occasion ses symptômes s'étaient d'abord produits(2)". Le principe de la cure était trouvé ! Freud ajoute : "le symptôme était balayé et ne reparaissait plus".

La réalité est toute autre ! De son vrai nom Bertha Pappenheim, "Anna O" n'a jamais été guérie de ses manifestations "hystériques"(3). Elle a fait plusieurs rechutes et a été soignée dans une maison de santé, puis au sanatorium de Bellevue à Keuzlingen, où tous les rapports médicaux, ensuite retrouvés, montrent que "le prototype de la guérison cathartique(4) ne fut ni une guérison, ni une catharsis"(5).

Jacques Van Rillaer dans "Les illusions de la psychanalyse"(6), étudie en détail les autres cas
[/quote]
[/quote]

L'AFIS fait certainement un "excellent" travail sur bien des sujets. Ce n'est pas pour autant qu'on ne peut la critiquer.

Sur la psychanalyse, elle puise l'intégralité de ses sources auprès d'une autre association, l'INFC (International Networks of Freud Critics), qui regroupe les plus éminents des anti-freudiens (tous cités par l'AFIS). Mais qui sont ces gens ? On a au moins le droit de prendre quelques renseignements...

Je mets des extraits d'un texte consultable intégralement ici :

[url=http://forumdespsychiatres.org/index.php?option=content&task=blogcategory&id=100&Itemid=86]http://forumdespsychiatres.org/index.php?o...d=100&Itemid=86[/url]

[quote=" "]
On laissera donc de côté [b]Mensonges freudiens[/b] (J. Bénesteau) non sans constater l'enthousiasme vibrant qu'il a pu susciter chez certains : « Son livre, qui s'ouvre sur une belle préface de [b]Jacques Corraze[/b], surpasse la plupart des publications anglo-saxonnes par la quantité de matériel, mais également par une superbe écriture, parfaitement lisible, souvent drôle, toujours captivante » ([b]Van Rillaer[/b]) ou encore : « Ce Livre Noir du Freudisme présente les apports stupéfiants des recherches des historiens qui, depuis plus de trente ans, mettent au jour les mystifications et les preuves des mensonges, occultés dès les origines du freudisme, mais désormais faciles à vérifier. L'expertise révèle une prodigieuse rhétorique de désinformation que le lecteur ne peut plus ignorer… » ([b]P. Gouillou)[/b] voire aussi : « La psychanalyse est la plus vaste supercherie intellectuelle des temps modernes : telle est la conclusion simple et sans appel de l'essai de Jacques Bénesteau… » ([b]P. Van den Reysen[/b])

« Le réseau international des critiques du freudisme »

On retrouvera in fine l'ensemble des protagonistes mentionnés ci-dessus, [b]Benesteau, Wilcocks, Corraze, Van Rillaer, Gouillou, Van den Reysen[/b], ainsi que quelques autres, réunis au sein d'une officine baptisée [b]INFC (International Networks of Freud Critics)[/b], dont la mission s'explicite ainsi :

« La psychanalyse s'est répandue de longue date dans plusieurs pays occidentaux comme l'auxiliaire, sinon comme une partie essentielle, des systèmes de soins. Pourtant, des études critiques, savantes et très rigoureuses —médicales, littéraires, et philosophiques— réalisées depuis plus de trente ans sur les principes et les pratiques de Freud et de ses successeurs, ont montré que l'entreprise freudienne n'était qu'une fraude pseudo-scientifique bâtie sur des interprétations erronées des propos des patients, et que ces interprétations fallacieuses reposaient elles-mêmes sur des théories inexactes —voire impossibles. Cette imposture a abouti au fourvoiement des traitements dus aux malades qui requièrent de l'aide aux pires moments de leur vulnérabilité. La pénétration de l'idéologie freudienne dans nos cultures, grâce à la propagande et la séduction de sa rhétorique, est telle qu'il n'est pas surprenant que ces critiques aient été si fréquemment ignorées par des professionnels de la santé, les médias, ou des autorités politiques.

En conséquence, nous —critiques des dogmes freudiens et de leurs applications— nous sommes accordés dans la création d'une tribune destinée à faire connaître en permanence :

1–les résultats de la recherche moderne sur le freudisme ;

2–l'état des connaissances sur les falsifications et impostures freudiennes. »

On notera en outre que l'INFC est une émanation de la Société Walter-Von-Baeyer Society pour l'éthique en psychiatrie (GEP), créée à Munich, qui « se consacre aux questions d'éthique dans les soins psychologiques et psychiatriques depuis plus de vingt-cinq ans » .

[b]Le bulletin de novembre 2003 de cette association nous apprend que l'impulsion décisive pour la mise en place de l'INFC est attribuée par les rédacteurs aux encouragements que leur aurait prodigué Son Excellence Mgr Paul.J. Cordes, Président du Conseil Pontifical « Cor Unum »[/b].
[/quote]

Leur site est ici :(il y a une section en français)

[url=http://www.psychiatrie-und-ethik.de]http://www.psychiatrie-und-ethik.de[/url]

sur simple recherche, une bibliographie complète des auteurs éminents mentionnés ci-dessus... c'est tout bonnement hallucinant...

P. Gouillou par exemple est l'auteur de l'inénarable : "pourquoi les femmes des riches sont belles"... c'est ici :

[url=http://www.evopsy.org/article83.html]http://www.evopsy.org/article83.html[/url]

Quant aux autres...

Mais passons là dessus, car ce ne sont pas des arguments "scientifiques", juste un "éclaircissement du contexte"... qui peut donner quelques indices sur les méthodes peu glorieuses que ces gens sont prêts à employer pour servir leur cause [b]ad majorem Dei gloriam[/b]... Le Vatican ? Combien de divisions ?

S'il s'agit d'une discussion sérieuse, où on tente de répondre à des gens honnêtes et sans préjugés, nous pouvons revenir sur les cas des patients et sur l'état de la clinique psychiatrique au début du XXème siècle.

S'il s'agit de ferailler contre une officine proche de la curie romaine, je laisse tomber. Ces "savants" et autres "historiens" ne m'inspirent rien.

Et cela me gène que l'AFIS répercute les travaux de cette petite bande sans autre commentaire...

Des faits maintenant :

Voici l'histoire d'Anna O., présentée d'une autre façon, bien plus juste je crois... à suivre..
Wapi
 
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Message par Wapi » 20 Mars 2005, 01:46

I - J. BREUER, médecin de Bertha PAPPENHEIM

Un ami de FREUD, Joseph BREUER, médecin généraliste âgé de 38 ans, déjà très en vogue à Vienne, en 1880, sera appelé dans une famille juive, aisée, respectable et " tolérée ", par Mme PAPPENHEIM. Celle-ci lui demande de soigner " les terribles quintes de toux " de sa fille, Bertha.

Elle explique au médecin, tout en l’accompagnant au chevet de la jeune fille " qu’elle a été très affectée au sujet de son père " qui repose dans la chambre voisine, atteint de tuberculose. Depuis cinq mois Bertha tient à assurer le rôle d’infirmière, et veille son père toutes les nuits.

Bertha a 20 ans. Elle est la troisième d’une fratrie de quatre enfants :
Henrietta, l’aînée, née en 1849 et décédée en 1867 de la tuberculose ;
Flora née en 1853 et décédée en 1855 ;
Bertha née en 1859 ;
Wilhem, né en 1861.

Elle se présente d’emblée à Breuer comme une jeune fille très séduisante :

" Elle est remarquablement cultivée, intelligente, ingénieuse et intuitive et aurait pu et dû assimiler une riche nourriture intellectuelle qu’on ne lui donna pas au sortir de l’école " [7].

En plus de sa langue natale, l’Allemand, elle connaît le Français, l’Anglais, l’Italien et le Yiddish. Elle a une activité mentale débordante (rêveries quasi permanentes), compensant l’existence des plus monotone qu’elle mène dans cette famille puritaine.

La toux n’est que l’un des symptômes d’une maladie que BREUER va tenter d’appréhender.

Bertha a tout d’abord présenté des troubles de l’élocution, s’arrêtant de parler au milieu d’une phrase comme " absente " cependant que l’expression de son regard se modifiait. Cette première phase de la maladie fut lente, et coïncide avec le début de la maladie du père.

Puis, lors d’une deuxième phase de la maladie, que BREUER appellera la " période de psychose manifeste ", et qu’il date du 10 décembre 1880 à avril 1881, il assiste à une aggravation des symptômes.

Il décrit une paraphasie, un strabisme convergent, des troubles graves de la vue, une contracture parésique totale dans le membre supérieur droit et les deux membres inférieurs, et partielle dans le membre supérieur gauche, une parésie des muscles du cou.

Bertha ne peut plus quitter son lit : elle est quasiment paralysée.

Par période, elle est en proie à des hallucinations, à des manifestations de colère et d’agressivité et elle ne reconnaît plus personne.

À d’autres périodes, elle reconnaît son entourage, a un comportement adapté, mais elle est triste et anxieuse.

La mort du père le 5 avril 1881 inaugure la troisième phase de la maladie et une aggravation de son état : après une période d’agitation intense, Bertha reste deux jours dans un état de prostration profonde dont elle sortira très changée.

BREUER est la seule personne qu’elle reconnaisse toujours. Reconnaître les autres lui demande de se livrer à un épuisant travail qu’elle nomme " recognising work ".

Elle ne s’exprime plus qu’en anglais mais lit sans difficulté des livres français et italiens. Par contre, elle ne comprend absolument plus sa langue maternelle et refuse toute nourriture.

En juin 1881, l’affect d’angoisse domine le trouble psychique et " d’intenses compulsions au suicide apparurent " [8]. En décembre, elle va pouvoir de nouveau parler à BREUER. Mais ce n’est qu’à partir de 1888, après huit années de souffrance, qu’elle ira vraiment mieux.

Après avoir longtemps veillé son père la nuit, Bertha reste insomniaque.
Il souffre des poumons, elle a des quintes de toux.
Il est immobile, elle sera paralysée.

L’identification devient totale, elle a incorporé son père en elle. Elle est partagée en deux, dissociée.

Quand son père meurt, la toux de Bertha cesse.
Wapi
 
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Message par Wapi » 20 Mars 2005, 01:47

II - Bertha PAPPENHEIM, pionnière de la psychanalyse, pionnière du travail social

Un médecin venait ponctionner les poumons de son père, pour le soulager. Avec BREUER, Bertha va se soulager, en se " vidant " par la parole. Elle lui a clairement demandé " de la laisser parler librement et sans l’interrompre, de tout ce qui se présentait à son esprit " [9]. Elle lui parle en anglais, dans ce qu’elle a nommé la " talking cure ", mais lorsqu’elle change de personne, elle change de langue.

Ne peut-on considérer que la " talking cure " de Bertha a valeur de transgression, par la rupture avec sa langue natale, par son refus de plier sans rien dire, de se soumettre, comme l’a fait sa mère, comme devrait le faire toute jeune femme juive de bonne famille ? Par ailleurs, le choix de l’anglais n’est pas anodin, puisque cette langue représente à l’époque le courant anglo-saxon féministe. Etre femme, allemande et juive en cette fin de 19ème siècle ne laisse pas beaucoup de place pour vivre, et s’identifier à des féministes ne manque ni de courage ni de détermination.

L’expérience de ce douloureux accompagnement dans la maladie de Bertha se révèle extrêmement enrichissant pour BREUER, qui va revivre avec elle la blessure due à la mort d’une autre Bertha, Bertha SEMLER-BREUER, sa propre mère décédée lors de la naissance de son frère Adolph, lui-même décédé de la tuberculose en 1874.

Tout un pan de son histoire se trouve réanimé. Qui soigne qui dans cette relation duelle ? Qui fait le travail, le " work " comme l’a nommé Bertha ?

Travail de rêve, travail de deuil, travail de la femme qui accouche ...

Bertha a permis à BREUER de renouer sa relation avec sa propre mère. Elle lui fait éprouver ce qu’elle-même a vécu, en place de soignante au chevet de son père. Elle le confronte à l’inversion imaginaire des places [10].

En localisant dans son corps le lieu de passage de la parole, le larynx encrassé qu’elle nomme le " chimney sweeping " (le ramonage de la cheminée), ses " aveux " faits à BREUER ont un effet " nettoyeur " sur le noir de la suie, le noir des deuils des sœurs, du père dont " la toux ramonait les conduits auditifs de Bertha ".

Le travail de mise en mot est un premier travail d’élaboration en ce sens qu’il permet la transformation d’affects en phonèmes. Le mot communique à la fois l’affect et la représentation.

Bertha aurait-elle trop aimé son père pour en être tombée malade ? Mais cet amour pour le père ne la protégeait-il pas d’une relation trop vive, trop dense, trop dangereuse ou trop problématique avec sa mère ? N’avait-il pas une fonction de préservation ? Soigner son père, c’était peut-être se reposer d’une relation trop accaparante avec la mère ?

Durant la phase de la maladie ou Bertha ne s’exprime plus qu’en anglais, cette rupture avec la langue maternelle ne peut-elle être entendue comme une cassure symbolique d’avec la mère ? À cette même période d’ailleurs, elle refuse de se nourrir.

De la parole, Bertha ira vers l’action, en mettant en place les fondations de son futur travail social. Elle va passer successivement de la position de soignante auprès de son père, à celle de soignée, puis va suivre des cours pour devenir aide-soignante, infirmière, assistante sociale.

S’occuper des autres à cette époque, c’est surtout soigner des patients atteints de tuberculose, maladie qu’on appelle alors " la maladie de Vienne ", et dont sont mort sa sœur et son père.

Une nouvelle question peut être soulevée : " ne serait-ce pas la figure du père qui hante la relation d’aide ? [...] Le champ social réactive le personnage paternel dans les jalons qu’il institue " [11].

Bertha va s’orienter vers l’assistance aux enfants, s’attachant à donner aux fillettes une éducation différente de celle qu’elle avait reçue. Lorsqu’elle devint directrice d’orphelinat, les enfants déformaient son nom de PAPENHEIM en PAPAHOME [12]. N’est-ce pas ce qu’elle souhaitait représenter pour eux, une mère et un père, en un tout. Ne se mettait-elle pas ainsi, à l’image de Dieu, en position de toute puissance ?

Après le décès de sa mère, elle va s’occuper des mères abandonnées, de l’assistance et de l’émancipation des femmes, devenant une " mère symbolique ". D’ailleurs, elle appelle les assistantes sociales qu’elle forme, " mes filles ". Son besoin de réparer est tel, que même lorsque les nazis prendront le pouvoir et qu’elle sera physiquement en danger, elle ne parviendra pas à quitter ses institutions pour émigrer.

En 1888, Bertha PAPPENHEIM se met à écrire des nouvelles qu’elle publie à compte d’auteur, sous le pseudonyme de Paul BERTHOLD jusqu’en 1904. Elle travaille alors à l’orphelinat, où elle est elle-même comme une fille abandonnée par son père. Elle écrit pour les enfants, dans un " travail de réparation, visant à l’intérieur de Bertha, la restauration d’une communication des objets disparus avec le sujet survivant " [13].

N’est-ce pas le père incorporé, qui s’exprime au travers de Paul BERTHOLD ? Peut-être ces écrits sont-ils dans le fantasme de Bertha, signés par son propre père ? Elle n’a pas pu l’accompagner au moment de sa mort, et souffre d’une séparation qu’on lui a volée.

" C’est elle la survivante, qui souffre pour deux d’une séparation qui ne se fera jamais plus, sauf à garder le mort vivant en elle, à tout moment disponible " [14].

Elle exprime également peut-être, en signant d’un prénom masculin, sa rancune d’être née fille, dans une société ne reconnaissant pas les femmes.

En 1936, Bertha PAPENHEIM décède.

Wapi
 
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Message par Wapi » 20 Mars 2005, 01:48

III - Le regard de FREUD sur " le cas d’Anna O. "

J. BREUER insistait beaucoup sur l’extrême richesse de la personnalité de Bertha, sur ses grandes capacités, sa persévérance, son opiniâtreté et sur les obstacles auxquels a été confrontée son immense ambition.

Il précise, qu’ « elle ne se laisse détourner de son but que par égard pour autrui ». Il affirme qu’elle aime passionnément son père et repère que l’élément sexuel est chez elle " étonnamment peu marqué ". Elle n’a d’ailleurs jamais eu de relations amoureuses, et, jamais cet élément de sa vie psychique ne se manifeste dans ses multiples hallucinations [15].

BREUER qualifie le symptôme pour lequel il va être appelé au chevet de Bertha, de " toux nerveuse typique ". Or lorsque Bertha va évoquer ses souvenirs, BREUER note qu’ « une querelle dans laquelle elle fut obligée de ne pas répondre provoqua un spasme de la glotte, lequel se répéta à chaque occasion analogue » [16].

Il énonce : " j’étais autorisé à penser que tout scrupule de conscience provoquait chez cette jeune fille un spasme de la glotte " [17].

Cette toux avait fait son apparition, le jour où elle avait entendu, venant d’une maison voisine, les sons d’une musique de danse alors qu’elle veillait son père, et " qu’un désir d’être là-bas éveilla en elle des remords " [18].

Pendant sa maladie, toute musique de danse bien rythmée la fait tousser, provoquant « un spasme de la glotte ».

Plus tard, il constate chez elle " deux états alternants, tout à fait distincts ", l’un où elle est triste, anxieuse, mais normale, et l’autre où elle est en proie à des hallucinations (cheveux, lacets lui semblent être des serpents noirs) et se montre agressive. Bertha dit qu’elle a " deux moi " l’un étant le vrai, l’autre, celui qui la tourmente et la pousse à mal agir. Elle se plaint alors de devenir folle.

BREUER suggère qu’une rêverie diurne habituelle, comme celle que décrivait Bertha en parlant de son " théâtre privé ", pouvait favoriser l’établissement d’une dissociation de la personnalité. Ses rêveries avaient semble-t-il préparé le terrain sur lequel s’établit l’affect d’angoisse et d’attente anxieuse, " une fois que cet affect eût mué la rêvasserie habituelle en absence hallucinatoire " [19].

Pendant la première partie de la maladie de Bertha, elle réussit à lutter. Les contractures ne se produisaient que pendant ses " absences " et non lorsqu’elle canalisait toute son énergie dans les soins portés à son père. Cependant chaque affect pénible faisait resurgir les troubles, et au bout d’un moment, l’épuisement lié à l’angoisse perpétuelle l’emporta. Les phénomènes hystériques devinrent des symptômes permanents.

FREUD avait trouvé " étrange " la résistance de BREUER à se souvenir et à parler du cas d’Anna O. Ernest JONES, le biographe de FREUD résume " les circonstances particulières " de la fin de ce traitement, qualifiant la réaction de Breuer de " contre transfert marqué " :

BREUER était entièrement absorbé par sa relation avec Anna O. Elle occupait en permanence son esprit, il en parlait sans arrêt au point de rendre son épouse triste et jalouse. Il était si préoccupé par ses pensées, qu’il ne put s’en apercevoir. Lorsqu’enfin, au bout d’un temps très long, il en prit conscience, il eut une réaction violente, imputable " à un mélange d’amour et de remords " [20].

Il prit alors la décision brutale de mettre un terme au traitement d’Anna O. (qui allait beaucoup mieux) et le lui annonçât.

Le soir même, il fut appelé au chevet de sa malade et la trouva " plus mal que jamais ". Cette femme qu’il avait toujours considérée comme asexuée était " en proie aux douleurs d’un accouchement hystérique, fin logique d’une grossesse imaginaire passée inaperçue et qui s’était produite en réponse aux soins donnés par BREUER ". Bouleversé, il " la calma en l’hypnotisant, puis, pris de sueurs froides, s’enfuit de cette maison " [21]. BREUER refusant d’admettre la portée des sentiments manifestés par sa patiente, n’a pu concevoir d’autre issue, que de prendre la fuite.

L’accouchement d’Anna O. était le symbole de la mise au monde " d’un enfant imaginaire dont le père n’aurait été autre que son propre médecin ". Dès le lendemain, BREUER " partit pour Venise avec son épouse, qui elle-même accoucha, neuf mois plus tard, d’une fille " [22]. Il était alors quasi simultanément, en position de père imaginaire et de père réel et symbolique. Apparemment, il ne parvenait pas à dissocier et à assumer ces deux places.

BREUER ne parvenait pas à vaincre sa propre résistance, à accepter l’origine sexuelle des troubles hystériques, et encore moins à accepter l’idée d’un fondement érotique du transfert comme le proposait FREUD. Celui-ci définissait alors le transfert comme :

" une relation affective spéciale du patient au médecin, qui s’établit régulièrement au cours du traitement analytique et dépasse largement le niveau rationnel ; cette relation peut aller de l’abandon le plus tendre à l’hostilité la plus tenace et emprunter toutes ses particularités aux attitudes amoureuses antérieures du patient, devenues inconscientes " [23].

Dans cette relation, les courants affectifs inconscients qui s’établissent du médecin au patient constituent le contre-transfert.

Après la première expérience d’écoute de la parole instituée par Anna O., première femme de la psychanalyse, une seconde femme, Elisabeth von R., patiente de FREUD lui demande le 1er mai 1889 :

" ne bougez pas. Ne dites rien ! Ne me touchez pas ! " [24], et marque le début de l’abandon de l’intervention dans la cure, et la naissance de la méthode psychanalytique et de ses règles.

Puis, FREUD découvre l’importance de la résistance, qui envoie à la conscience une " formation substitutive ", le refoulé camouflé, le symptôme. C’est la mise en forme de la " théorie de la répression ". Il constate que les éléments qui provoquent ces réactions sont des impressions à caractère sexuel.

" Vérité sexuelle et vérité inconsciente sont coextensives. Il n’y a d’inconscient qu’articulé au sexe et il n’y a réciproquement, de sexualité humaine qu’articulée avec l’inconscient " [25].

Ces idées sont inconcevables à l’époque, inacceptables pour BREUER, et provoquent la rupture entre les deux hommes.

" Chez BREUER, le rejet n’est pas commandé par une attitude théorique, mais par une répugnance morale et religieuse " [26]. BREUER est le fils d’un rabbin et contrairement à FREUD, il est resté très attaché aux valeurs religieuses de la tradition juive.

Ce qui liait les deux hommes, c’était qu’ils avaient fait leurs études de médecine avec le même " maître ", BRÜCKE. BREUER, plus âgé que FREUD, l’avait aidé financièrement afin qu’il puisse poursuivre ces études [27]. FREUD avait donc contracté une dette envers BREUER.

Ce fut pour Freud l’occasion d’en finir et d’ouvrir une nouvelle page de la psychanalyse, en même temps que le renforcement d’une nouvelle amitié avec Wilhelm FLIESS [28].

N’y aurait-il pas quelque chose de l’ordre d’une transmission dans le fait que FREUD ait nommée sa dernière fille (née sous le signe du renoncement à la sexualité [29]), Anna ? Elle deviendra psychanalyste et, comme Anna O., soignera son père, jusqu’à sa mort. Ne peut-on y voir là, le règlement de la dette de FREUD envers son ami BREUER ? Cette enfant qui s’inscrivait à une place qui lui préexistait dans l’histoire de ses parents était porteuse d’un sens qui, bien que lui échappant, laissa en elle des traces profondes.

Anna O. a passé sa vie à courir après un fantasme d’amour universel. Face à la défaillance du " maître ", BREUER, elle a résolu la question en l’incarnant et en faisant mieux que lui, devenant une " Helfer der Menschenheit " aide de l’humanité, comme l’a nommée l’Office des Postes et Télécommunications allemand.

a écrit :Cet article est extrait de Chantal BERNARD, « L’iNFIRMIERE DANS LA RELATION D’AIDE : Une pratique en quête de sens », Mémoire de Maîtrise des Sciences et Techniques - Hygiène & Santé Mentale, UFR de médecine - DUER de psychopathologie de l’Université Paris XII - Val de Marne.
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