Matérialisme dialectique et sciences

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par Barnabé » 15 Août 2008, 17:42

a écrit : Voilà. Cela fait pas très longtemps que je réfléchis à ces questions, j'en suis là, j'attends les réponses cinglantes de Canardos et Barnabé...

Cinglantes, je sais pas... Ca risuqe d'être un peu long tout en restant assez schématique...

Bon on peut repartir de ça:
a écrit : Or, il me semble que tintin pas du tout : qu'un scientifique se revendique en principe du matérilaisme dialectique ou pas, en gros : qu'il soit communiste ou pas, ça change que dalle à sa pratique.
Par contre, on a vu, parmi les partisans du matérialisme dialectique, certains faire de la science (avec les même méthodes que leurs collègues "bourgeois"), et d'autres escrocs faire de la pseudo science (Lyssenko, Lepechinskaia...). Il se trouve que, stalinisme oblige, c'est même les seconds qui brailliaient le plus fort leur adhésion au diamat.


Il y a quand même eu une autre catégorie, de scientifiques faisant de la vraie science, se réclamant du marxisme, et cherchant à voir comment ça pouvait les aider.
Evidemment pas des masses... C'est surtout quand même en URSS, avant que la terreur s'abatte sur les scientifiques (et pas mal de scientifique marxistes ont été purgés à partir du milieu des années 30). Un peu aussi ailleurs jusque dans les années 30-40, même si là aussi les exigences du stalinisme (notamment du lyssenkisme chez les biologistes), ont fini par en décourager un certain nombre.
Et il y en a même quelques uns qui ont bel et bien dit "merci le matérialisme dialectique, c'est grâce à ton inspiration que j'ai pu...". J'ai un exemple précis en tête, Haldane, biologiste anglais, un des fondateurs de la génétique des populations (entre autre), politiquement stal, mais qui a cherché à voir ce qu'il pouvait faire avec le matérialisme dialectique en science, et qui affirmait que cela l'avait largement aidé (il a ensuite quitté le PC au moment de Lyssenko, mais a continué à se réclammer du marxisme).
On pourrait aussi citer le petit courant qui se réclame aujourd'hui du marxisme en biologie et que j'ai évoqué dans un autre fil: Lewontin (biologie des population), Rose (neurobiologie) etc. On peut penser ce qu'on veut de leur polémique avec Dawkins ( :-P ), ils prétendent que le marxisme leur est utile, et du point de vue scientifiques, ils ont quand même fait 2 ou 3 trucs.
Evidemment ce sont toujours des exemples marginaux, mais les idées marxistes ne sont pas spécialement dominantes, et pendant longtemps, le stalinisme étouffait presque toute possibilité d'essayer d'utiliser le marxisme à autre chose que justifier et glorifier le régime de Moscou.

Sur le fond, le truc c'est de savoir à quoi une conception générale du monde peut servir en science. Le matérialisme dialectique ne donnera jamais en soi une réponse à une question scientifique. Parce que ce n'est pas, en tant que telle, une science. Et cela ne fournira pas non plus une nouvelle méthodologie en science. La plupart des scientifiques se réclamant du marxisme ne nient pas l'utilité de la méthodologie expérimentale classique, qui est au fond une méthodologie réductionniste, qui considère des paramètres isolés. Mais justement cette méthodologie induit un biais dans le sens d'une vision mécaniste du monde. Et quand on arrive à des problèmes d'une certaine complexité, ça peut poser problème.

Pour prendre un exemple, celui du réductionnisme de la biologie moléculaire.
Personne ne niera que la biologie moléculaire a permis de grandes avancées en génétique, depuis la découverte de l'ADN jusqu'au séquençage du génome (et y compris des applications dont les OGM). Cependant, elle introduit un biais réductionniste qui laisserait croire qu'une fois qu'on aura décrypté entièrement le génome, on aura obtenu une compréhension complète des organismes. Or il se trouve que ce n'est pas si simple. Si le génome joue indiscutablement un rôle important dans l'organisme, on ne peut pas réduire les phénomènes biologiques aux interactions moléculaires. Un bon exemple donné par Sonigo et Kupiec dans "Ni Dieu ni Gène", c'est celui du virus du SIDA. ON a décrypté le génome du virus du SIDA (et Sonigo en a d'ailleurs été un artisan de premier plan) en pensant qu'une fois qu'on l'aurait, on aurait un moyen de le battre. Résultat, cette connaissance ne nous a pas avancé à grand chose. Car l'infection, l'évolution, le mode de propagation etc. du virus n'est pas simplement le produit de son génome et des molécules qu'il produit. Sonigo propose un autre modèle, une sorte de darwinisme cellulaire qui considère une population de virus dans un milieu (l'organisme qu'il infecte) qui évoluerait suivant une forme de sélection naturelle. Je ne rentre pas plus dans le détails mais j'invite vraiement à lire ce bouquin.
Le marxisme là dedans? Sonigo et Kupiec ne se disent certes pas explicitement marxistes. Par contre ils soulignent que leur démarche à été de partir d'un côté des problèmes et des données scientifiques, et de l'autre de la recherche d'une conception qui soit à la fois matérialiste et non réductionniste (justement parce que c'est le réductionnisme qui coinçait). Depuis leur bouquin et le début de leur lutte contre "la dictature de la biologie moléculaire", l'idée qu'il faut dépasser le réductionnisme est maintenant largement acceptée chez les biologistes (on peut lire là dessus les bouquins de Morange, qui font bien le point sur le passage de la génomique à la "post-génomique"). Ca n'enlève rien à l'utilité des recherches menées sur le mode réductionniste, mais pour pouvoir en faire quelque chose, une conception mécaniste du vivant est trompeuse et devient à un moment insuffisante.
Tout un pan des sciences est constitué de ce type de problème. Tout ce qui a trait en fait à des interactions entre différents niveaux d'organisation de la matière, surtout dès que ça devient un peu plus complexe que des molécules (par exemple les rapports individus/populations ou les rapports neurone/conscience, mais c'est déjà un peu vrai pour les rapports molécule/gaz par exemple en thermodynamique). Et il y a tout un pan de la philosophie des sciences contemporaine qui cherche une solution théorique, avec les théories "de l'émergence", tous les trucs sur la complexité. Il y a à boire et à manger là dedans. Moi il me semble que la formulation la plus claire et la plus utilisable d'une conception matérialiste antiréductionniste c'est bien la dialectique marxiste. Ca ne veut pas dire qu'on ne peut pas faire sans, mais pourquoi s'en priver, ou tenter de la réinventer partiellement, avec souvent des concepts plus flous?
Pour revenir à ce que je disais plus haut, quand la question s'est d'abord posée dans les années 30 avec les débuts de la biochimie, un certain nombre de scientifiques se sont tourné vers le marxisme, avec quand même certains succès (Haldane que j'ai déjà cité, ou bien l'embryologiste et biochimiste Needham), et ces idées ont irrigué un milieu scientifique plus large. Il est sûr qu'aujourd'hui le marxisme est moins à la mode... Mais dans un certain nombre de domaine, il y a un vrai besoin (plus ou moins ressenti consciemment par les scientifiques). Et le risque symétriquement, c'est que sans une conceptions matérialiste non-réductionniste qui tienne la route, les limites du réductionnisme n'encourage aussi à jeter le matérialisme avec l'eau sale du bain du mécanisme, et ne donne de l'eau (toujours aussi sale) au moulin de l'irrationalisme, de l'anti-science, de variantes néo-vitalistes etc.

Encore une fois cela n'empêche pas de faire des découvertes scientifiques sans le marxisme... Et le problème n'est pas de dire que les scientifiques font de la dialectique sans le savoir. Le but n'est pas de donner une caution scientifique à la dialectique, mais de se dire que le matérialisme dialectique peut être utile.

Sur un autre aspect (il en resterait encore bien d'autres à balayer), sur le matérialisme dialectique en générale et la manière dont il peut s'appliquer aux sciences, j'ai retrouvé un extrait d'un texte de Loren R. Graham, philosophe et historien des sciences, spécialisé dans l'histoire des sciences en URSS, dans un bouquin de 73 "Science and Philosophy in the Soviet Union" tentant de décrire formellement ce que, pour les scientifiques soviétiques marxistes de la période pré-lyssenko, une conception marxiste de la nature pourrait recouvrir (la traduction est de moi):
a écrit :
Quand on regarde en arrière le système du matérialisme dialectique soviétique, on voit qu'il représente, au niveau le plus général, une philosophie de la nature basée sur les principes et opinions assez raisonnables suivants:
   - Le monde est matériel et est constitué de ce que la science actuelle décrit comme matière-énergie
   - Le monde matériel forme un tout interconnecté
   - Le savoir humain dérive de la matière objectivement existante
   - Le monde change constamment, et, du coup, il n'y a pas d'entité véritablement statique dans le monde
   - Les changements dans la matière se produise suivant certaines régularités générales ou lois
   - Les lois de développement de la matière existent à différents niveaux correspondant aux différents domaines des sciences, et par conséquent on ne doit pas s'attendre dans tous les cas à pouvoir expliquer des entités aussi complexes que des organismes biologiques en terme des lois physico-chimiques les plus élémentaires
   - La matière est infinie dans ses propriétés, et dès lors le savoir humain ne sera jamais complet
   - Le mouvement présent dans le monde s'explique par des facteurs internes, et dès lors, aucun moteur extérieur n'est nécessaire
   - Le savoir humain grandit avec le temps, comme l'illustrent les succès croissants dans ses applications pratiques, mais cette croissance se produit par l'accumulation de vérités relatives et non absolues

L'histoire de la pensée montre clairement qu'aucun des principes ci-dessus n'est propre au matérialisme dialectique, mais les tenir tous ensemble l'est.

Comme toute définition formelle de la dialectique, c'est partiel, mais j'espère que ça précise un peut les choses...
Barnabé
 
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Message par luc marchauciel » 15 Août 2008, 18:29

Le bouquin de Graham fait partie de mon programme de lectures... L'ensemble des principes cités me semble être acceptable par tous les scientifiques, dialecticiens ou pas (à partir du moment où ils ont conscience que la démarche scientifique est un matérialisme intégral, ce qui est le cas de la plupart de ceux qui réfléchissent à la question).
Outre le fait qu'il faut parfois défendre le réductionnisme (face aux pseudos-sciences se revendiquant d'une démarche "holistique" qui leur éviter de coltiner à la démonstration expérimentale - qui nécessite le réductionnisme, pour isoler le facteur qu'on veut étudier), je ne crois pas que le fait de dire : "il faut sortir du réductionnisme strict et penser des systèmes complexes avec les intercations en leur sein" te plonge dans la matérialisme dialectique (avec son bagage d'interpénétration des contraires, de négation de la négation et tutti quanti).
Enfin, pas de bol, je crois que l'exemple principal que tu cites, celui de Haldane, est justement un contre exemple. J'ai pas encore lu ses écrits, mais son originalité, justement, par rapport à son camarade français Marcel Prenant, était d'assumer que le matérialisme dialectique ne l'intéressait pas beaucoup dans sa pratique de biologiste !
cf Regis Ladous, "Darwin, Marx, Engels, Lyssenko et les autres" (1984)
a écrit :
Haldane adhère alors à la conception marxiste de l’histoire, mais en la dissociant totalement de la dialectique de la nature. Il qualifie l’Anti-Düring d’"espèce de puzzle" et rappelle – pour l’en féliciter – qu’Engels n’a pas publié La Dialectique de la Nature : "Dans l’état des connaissances biologiques de son temps, il n’y avait pas moyen d’atteindre ce que je crois être le point de vue exact." (…). Haldane nie l’hérédité de l’acquis et condamne ce qu’il appelle le "lamarckisme partiel" de Darwin et d’Engels, "presque entièrement réfuté par l’évidence".

Soit Ladous fait un contresens total sur Haldane (je te le dirai quand je l'aurai lu), soit ton exemple est un bien un contre-exemple....
Par contre, Prenant a lui tenté de théoriser le truc dans "marxisme et biologie", dès les années 30 (soit avant que le PC n'intime en 1949 l'ordre à ses savants de chanter les louanges de l'apport essentiel du diamat dans leur pratique), mais il paraît (là aussi, pas encore lu... on devrait reprendre la discussion dans quelques mois) que c'est en fait un collage dans lequel Prenant fait surtout un exposé des connaissances en biologie de son époque (avec une optique franchement darwiniste et non lamarckiste, ce qui était loin d'être inutile dans la France de l'époque), et qu'il décore ça d'un peu de marxisme à la fin...
luc marchauciel
 
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Message par Barnabé » 15 Août 2008, 18:32

(luc marchauciel @ vendredi 15 août 2008 à 19:29 a écrit : Le bouquin de Graham fait partie de mon programme de lectures... L'ensemble des principes cités me semble être acceptable par tous les scientifiques, dialecticiens ou pas (à partir du moment où ils ont conscience que la démarche scientifique est un matérialisme intégral, ce qui est le cas de la plupart de ceux qui réfléchissent à la question).
Outre le fait qu'il faut parfois défendre le réductionnisme (face aux pseudos-sciences se revendiquant d'une démarche "holistique" qui leur éviter de coltiner à la démonstration expérimentale - qui nécessite le réductionnisme, pour isoler le facteur qu'on veut étudier), je ne crois pas que le fait de dire : "il faut sortir du réductionnisme strict et penser des systèmes complexes avec les intercations en leur sein" te plonge dans la matérialisme dialectique (avec son bagage d'interpénétration des contraires, de négation de la négation et tutti quanti).
Enfin, pas de bol, je crois que l'exemple principal que tu cites, celui de Haldane, est justement un contre exemple. J'ai pas encore lu ses écrits, mais son originalité, justement, par rapport à son camarade français Marcel Prenant, était d'assumer que le matérialisme dialectique ne l'intéressait pas beaucoup dans sa pratique de biologiste !
cf Regis Ladous, "Darwin, Marx, Engels, Lyssenko et les autres" (1984)
a écrit :
Haldane adhère alors à la conception marxiste de l’histoire, mais en la dissociant totalement de la dialectique de la nature. Il qualifie l’Anti-Düring d’"espèce de puzzle" et rappelle – pour l’en féliciter – qu’Engels n’a pas publié La Dialectique de la Nature : "Dans l’état des connaissances biologiques de son temps, il n’y avait pas moyen d’atteindre ce que je crois être le point de vue exact." (…). Haldane nie l’hérédité de l’acquis et condamne ce qu’il appelle le "lamarckisme partiel" de Darwin et d’Engels, "presque entièrement réfuté par l’évidence".

Soit Ladous fait un contresens total sur Haldane (je te le dirai quand je l'aurai lu), soit ton exemple est un bien un contre-exemple....
Par contre, Prenant a lui tenté de théoriser le truc dans "marxisme et biologie", dès les années 30 (soit avant que le PC n'intime en 1949 l'ordre à ses savants de chanter les louanges de l'apport essentiel du diamat dans leur pratique), mais il paraît (là aussi, pas encore lu... on devrait reprendre la discussion dans quelques mois) que c'est en fait un collage dans lequel Prenant fait surtout un exposé des connaissances en biologie de son époque (avec une optique franchement darwiniste et non lamarckiste, ce qui était loin d'être inutile dans la France de l'époque), et qu'il décore ça d'un peu de marxisme à la fin...



Ladous fait bien un contre sens total sur Haldane. Haldane a entre autre écrit un bouquin intitulé "la philosophie marxiste et les sciences" (que je trouve meilleur que le bouquin de Prenant) dans lequel il dit (je cite de tête) "la dialectique est aussi utile au scientifique que le microscope ou les équations différentielles". Une (petite) partie de ses textes est dans la section science de marxists.org, en anglais.
Le problème pour lui comme pour Prenant et les autres, c'est que les textes de ce type présentent un exposé marxiste des sciences, en affirment l'utilité, ils ne répondent en général pas à la question de l'usage concret qu'ils en font dans leur pratique scientifique. Pour cela, il faut se frotter aux textes scientifiques eux-mêmes, voire aux archives, correspondances etc.

Je rajoute que Regis Ladous, spécialiste catho d'histoire du christianisme, n'est pas vraiment celui chez qui j'irais voir les rapports marxisme/science. Son bouquin que tu cites a surtout pour but de montrer que Lyssenko était en germe chez Marx et surtout Engels (comme sans doute Staline)...

Sur le reste... plus tard...
Barnabé
 
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Message par canardos » 18 Août 2008, 10:37

je me lance sur le sujet...

ce que je retiens du materialisme dialectique, c'est essentiellement la comprehension que l'univers materiel evolue aussi non de façon linéaire mais par à coups, avec des accumulations quantitatives qui provoquent des ruptures brusques d'équilibre et des transformations qualitatives.

je prefere laisser à Barnabé ou à d'autres le soin d'illustrer cela dans le domaine de la physique mais en biologie les specialistes de l'évolution et ceux des ecosystemes (les vrais "écologistes") savent bien que à un moment donné les modifications des ecosystemes se traduisent par des collapses, , qui provoquent l'apparition de nouveaux ecosystemes et une réorientation de l'évolution.

Le débat entre darwiniens gradualistes et tenant des équilibres ponctués comme Gould (periodes de stase evolutive suivi d'extinctions de masse, d'évolution rapide et d'apparition de nouveaux ecosystemes) a pris longtemps une mauvaise route, parce que Gould expliquait ces crises par des facteurs exterieurs dus principalement au hasard (cela existe aussi mais c'est loin d'etre la majorité des cas) qu'il minimisait completement le role des évolutions lentes des especes par micromutations (doit-on rappeler que l'ere secondaire présentée comme Gould comme une période de quasi-stase evolutive a vu au contraire progressivement sur 160 millions d'années se developper le groupe des oiseaux et des mammiferes modernes) et qu'il exagerait aussi beaucoup le caractere aléatoire des changements d'orientation de l'évolution.

Or la plupart du temps, c'est l'évolution lente d'une espece ou d'un groupe sur des dizaines de millions d'années qui provoquent à un certain niveau un avantage qualitatif enorme à cette espece ou à ce groupe dont le succes evolutif provoque alors une crise majeure de l'écosysteme.

Et meme lorsque la crise de l'écosysteme est due à un facteur exterieur, asteroide ou volcanisme par exemple, sans rapport avec l'évolution des especes, Gould exagere le role de la contingence dans les nouvelles directions que peut prendre l'évolution.

Certes celle ci dépend des potentialités des especes survivantes, mais Gould néglige l'importance des adaptations convergentes, qui font souvent comme le fait remarquer Dawkins redémarrer les processus évolutifs dans des directions proches de celles que suivaient les anciens ecosystemes.

quel rapport entre cette digression sur l'évolution et le materialisme dialectique?

et bien simplement que les darwiniens gradualistes minimisaient le role des crises et des extinctions de masse dans l'évolution en mettant l'accent sur le caractere lent et graduel de l'évolution des especes et qu'au contraire Gould et les tenants des équilibres ponctués minimisaient le role des micromutations et des evolutions lentes dans les extinctions de masse et dans l'évolution faute les uns et les autres d'avoir une vision dialectique de ces processus.

la question est maintenant reglée, les exagerations de Gould sont tombées aux oubliettes et les tenants de la théories synthetique ont bien integré les causes et le role des crises des ecosystemes dans une evolution qui continue à s'expliquer par l'accumulation de micromutations au niveau des especes meme dans le cadre des crises des ecostemes que ces evolutions lentes conformes aux schemas de darwin provoquent.

on pourrait dire que les biologistes font du materialisme dialectique sans le savoir comme monsieur jourdain fait de la prose.

simplement ils n'éprouvent pas le besoin de le nommer d'autant que dans 99,99% de leur activité, ils sont obligés de pratiquer un réductionnisme experimental bien loin de cette approche globale!

C'est pourquoi contrairement à Barnabé, je ne pense pas que les scientifiques aient besoin de définir une approche dialectique de l'évolution de la matiere.

quand c'est vraiment nécessaire, ils finissent par acquerir cette approche dialectique mais en avec une methodologie adaptée en fonction du probleme rencontré! Et ils n'éprouvent nullement le besoin alors de presenter cette approche comme materialiste dialectique.

en revanche, pour un materialiste non scientifique cette vision synthetique de l'évolution du monde materiel dans le cadre de processus ayant un caractere dialectique est tres utile pour avoir une vision globale et c'est à mon avis tout ce qu'on peut attendre du materialisme dialectique tel que présenté par Engels.

Car il y a une difference fondamentale entre materialisme dialectique et materialisme historique.

Marx et Engels n'ont jamais prétendu en faire un outil scientifique d'analyse du materialisme dialectique, seulement donner une approche materialiste globale des processus materiels aux militants alors que avec le materialisme historique ils ont voulu donner un outil d'analyse suffisamment précis et efficace pour agir sur la société et la transformer.

mettre l'un sur le meme plan que l'autre ce n'est rendre justice ni à l'un ni à l'autre!

Ps: luc, sur Engels peux tu illustrer ce que tu reproches à Engels non à partir des critiques qui ont été portées sur lui mais à partir de ses textes eux-meme?
canardos
 
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Message par luc marchauciel » 18 Août 2008, 12:07

(canardos @ lundi 18 août 2008 à 11:37 a écrit :
Ps: luc, sur Engels peux tu illustrer ce que tu reproches à Engels non à partir des critiques qui ont été portées sur lui mais à partir de ses textes eux-meme?

Non, pas cap....
Plus tard, j'espère....
luc marchauciel
 
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Message par regivanx » 18 Août 2008, 19:49

Dans SOCIALIME UTOPIQUE ET SOCIALISME SCIENTIFIQUE, au deuxième chapitre, Engels établie les choses suivantes :

1 Il reconnaitre la fluidité de la matière, que tout est mouvement : on ne met jamais deux fois le pied dans la même rivière. Pour Engels, il s'agit du primat essentiel à toute science, et il attribue sa première formulation à Héraclite, philosophe de la Grèce antique.

2 Puis Engels explique qu'avant d'étudier la nature dans sa totalité, il faut rassembler et séparer les matériaux qui seront les objets de la recherche. Les rassembler pour en avoir une masse suffisante, les séparer pour les traiter les uns après les autres. Engels nous dit que ce travail ne fut accompli qu'à partir de la période Alexandrine de la Grèce, et au moyen-âge par les arabes ; encore nous dit-il que ce travail ne fut véritablement achevé que dans le seconde moitié du XVème siècle, « date depuis laquelle [la science] a progressé à une vitesse sans cesse croissante. »

3 Engels critique ensuite Bacon et Locke, premiers théoriciens de cette méthode scientifique : il nous dit que l'étude de la nature dans l'isolement des parties nous empêche de voir leur connexion ainsi que leur mouvement d'ensemble. Il l'appelle donc : science des objets au repos ou « métaphysique ». Engels fait alors suivre une longue liste de phénomènes ou l'exclusion des contraires, l'isolement dans l'expérience, la permanence de l'objet – concepts métaphysiques – ne peuvent rendre compte de la réalité : la définition des espèces, la personnalité juridique d'un embryon au cours de son développement, le lent processus somatique de la mort, l'unicité du corps dont les cellules se renouvellent sans cesse...

Engels cite le darwinisme comme un modèle de la science car il est une théorie qui démontre de façon éclatante la nécessité d'étudier un objet en interaction avec tout son environnement et au cours de toute son histoire. Engels cite encore l'astronomie qui a découvert que le système solaire devait naître et périr, et non que ce dernier avait toujours existé, et ne devait jamais disparaître.

Engels considère que c'est Hegel qui a systématisé la philosophie de l'évolution, en commençant par décrire l'esprit comme un processus évolutif et non comme donné une fois pour toute. Il considère aussi qu'il est peu important que Hegel n'ait pu résoudre le problème de façon matérialiste ; l'essentiel est qu'il ait posé la dialectique comme unité des différentes branches que la science avait commencés d'explorer.

Certains refuseront à Hegel la place de précurseur des sciences de l'évolution parce qu'on l'étudie moins aujourd'hui. Mais c'est tout simplement ignorer qu'avant Hegel, la science restait cloisonnée à des systèmes immuables ; que c'est Hegel qui, après Kant et après d'autres, a donné le coups de grâce à toutes ces conceptions sclérosées. Ainsi, la science moderne n'est pas uniquement le produit du matérialisme des lumières mais aussi celui de la théorie de l'évolution et des contradictions, c'est à dire de la dialectique.

Aussi demander ce que la dialectique a bien pu apporter à la science, c'est faire preuve d'aveuglement : pendant le moyen age, le concept d'évolution n'existait absolument pas ! Ce n'est qu'avec le développement de la bourgeoisie que le matérialisme a pu progresser, ce n'est qu'avec l'approche de la Révolution qu'on a envisagé sérieusement les contradictions comme fondement de l'évolution de la société, de l'esprit, de la physique, de la biologie, de la justice, de la guerre civile, etc. Réciproquement, c'est l'éloignement de la Révolution qui fait que certaines personnes ne croient pas à l'évolution, et la propagation de cette croyance se traduit par l'ignorance de ce qu'est la dialectique.

Ça n'a d'ailleurs rien de répréhensible en soi mais il faut admettre que les staliniens ont énormément obscurci le problème. Alors que Marx et Engels considérait la dialectique comme un outil pour développer la science moderne, Staline et ses larbins considéraient qu'il y avait deux sciences : la science bourgeoise qui n'utilisait pas la dialectique, et la science prolétarienne qui l'utilisait. Ils développèrent des conceptions absurdes, en particulier en biologie, selon lesquelles le darwinisme était faux parce qu'il n'était pas dialectique, parce qu'il n'était pas prolétarien.

En réalité, Staline ne s'intéressait ni à la biologie, ni à la dialectique ni même à la simple logique. La dialectique n'était pour lui qu'un instrument pour soumettre les universitaires au parti et déporter les opposants. C'est ainsi que Staline a rendu incompréhensible la dialectique, sans pouvoir pourtant effacer sa place dans l'histoire et dans la pratique des sciences.

À notre époque, on peut citer de nombreux raisonnements scientifiques qui héritent, sans la reproduire bien entendu, de la conception dialectique de Hegel. Quant à la dialectique matérialiste, elle imprègne tout le spectre de la science.

Je donnerai peut-être des exemples plus tard.
regivanx
 
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Message par canardos » 18 Août 2008, 22:08

hmm, il me semble regivanx que tu confond deux choses, la decouverte que que l'univers et la vie evoluent en interagissant d'ou la necessité d'une approche globale et le fait que cette interaction soit un processus dialectique avec des accumulations de changements quantitatifs se traduisant par des ruptures d'équilibre et des sauts qualitatifs.

Mais justement, mettre en evidence le caractere dialectique d'un processus dans lequel differents éléments interagissent, cela necessite d'etre capable de décrire plus précisement dans chaque domaine quelles sont les forces en jeux, quels équilibres s'établissent entre ces differentes forces ou composantes, et comment ces équilibres peuvent etre rompus.

Dans le domaine des sciences sociales, marx et engels ont decrit justement assez précisement les mecanismes en cause, contradictions entre le degré de developpement des forces productives et les rapports de production, role de la lutte de classe pour definr avec le materialisme historique une approche assez précise et exacte pour servir d'instrument pour l'action.

Mais dans chaque domaine des sciences, il est evident que les mecanismes dialectiques sont differents et s'appliquent de façon differente à des composantes differentes.

C'est pourquoi le materialisme dialectique posé de façon générale par Marx et engels permet certes d'avoir une vision pertinente de la nature générale des processus evolutifs dans l'univers mais ne peut etre utilisé tel quel dans le cadre de la recherche scientifique.

dans chaque domaine les scientifiques doivent definir un outil adapté à leur propre besoins prenant en compte la nature dialectique des processus qu'ils observent (attention tous les processus ne sont pas dialectiques non plus). C'est d'ailleurs ce qu'ils font comme monsieur jourdain faisait de la prose sans le savoir. Mais en général ils n'éprouvent pas le besoin ni meme l'idée de se referer au materialisme dialectique en général qu'ils ne connaissent pas ou qu'ils perçoivent comme un machin théorique qui ne leur apporte rien de directement operationnel ou transposable.

j'ai evoqué le cas des sciences des sciences de l'évolution ou il a fallu beaucoup de temps pour concilier l'approche gradualiste de l'évolution des especes avec la constatation que les ecosystemes dont ces especes faisaient partie evoluaient eux avec des crises repetées entrainant de nouvelles diversifications evolutives.


Mais je pense que Marx et Engels n'ont jamais eu pour but quand ils ont defini le materialisme dialectique d'en faire un outil pour les scientifiques mais qu'ils ont eu au contraire l'idée d'exploiter les connaissances scientifiques de leur époque pour faire comprendre aux militants ouvriers la nature dialectique et materialiste de l'évolution du monde, non seulement de la société mais aussi de l'univers physique.

Ce n'est que plus tard avec le stalinisme que le materialisme dialectique a été présenté comme un instrument que les vrais scientifiques prolétariens devaient utiliser directement par opposition aux scientifique bourgeois dont l'approche réductionniste était forcement limitée, fausse et reflétait des préjugés contre revolutionnaires.

le lyssenkisme en a été la triste illustration la plus marquante.




canardos
 
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Message par sylvestre » 19 Août 2008, 15:13

A un certain niveau "le matérialisme dialectique" est simplement l'énoncé de quelques vérités de base :

- le monde existe. Il existe en dehors de la conscience humaine, avant et après elle.
- le monde change tout le temps : il est constitué de matière en mouvement, en transformation continuelle, il ne peut pas d'ailleurs y avoir de matière sans mouvement (sans énergie)
- tous les éléments du monde agissent les uns sur les autres, et c'est leur interaction elle-même qui les détermine.

Par conséquent, dire comme Canardos que le matérialisme dialectique n'est pas un instrument pour les scientifiques équivaut à dire que ces vérités de base ne valent rien. Marx et Engels n'ont jamais fait que résumer ce qui était le point le plus avancé de la philosophie des sciences à leur époque, et du reste ils considéraient que d'autres (Morgan ou Dietzgen) étaient arrivés indépendamment aux mêmes conclusions.

Un texte en anglais que j'ai trouvé fort utile pour contrer les légendes qu'on raconte pour dénigrer l'apport d'Engels : Engels and natural science.
sylvestre
 
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Message par luc marchauciel » 19 Août 2008, 17:07

(sylvestre @ mardi 19 août 2008 à 16:13 a écrit : A un certain niveau "le matérialisme dialectique" est simplement l'énoncé de quelques vérités de base :

- le monde existe. Il existe en dehors de la conscience humaine, avant et après elle.
- le monde change tout le temps : il est constitué de matière en mouvement, en transformation continuelle, il ne peut pas d'ailleurs y avoir de matière sans mouvement (sans énergie)
- tous les éléments du monde agissent les uns sur les autres, et c'est leur interaction elle-même qui les détermine.

Par conséquent, dire comme Canardos que le matérialisme dialectique n'est pas un instrument pour les scientifiques équivaut à dire que ces vérités de base ne valent rien. Marx et Engels n'ont jamais fait que résumer ce qui était le point le plus avancé de la philosophie des sciences à leur époque, et du reste ils considéraient que d'autres (Morgan ou Dietzgen) étaient arrivés indépendamment aux mêmes conclusions.

Un texte en anglais que j'ai trouvé fort utile pour contrer les légendes qu'on raconte pour dénigrer l'apport d'Engels : Engels and natural science.

Oui mais, présenter le matérialisme dialectique comme tu le fais, cela nous ramène à une tel degré de généralité que, hormis quelque cinglés radicalement constructivistes,tout le monde est matérialiste dialecticien !
Si dire ça (le monde existe et les éléments interagissente son sein) est le résumé du point le plus avancé de la philosophie des sciences de l'époque, c'est que c'était pas grand chose, la philo des sciences à l'époque, et on avait alors pas besoin de l'Idéologie Allemande et de l'Anti Dühring pour comprendre que l'eau, ça mouille ! Ce que je veux dire, c'estque j'en reste à l'impression que le matérialisme dialectique c'est très très vague, que les scientifiques qui s'en revendiquent n'ont pas été plus efficaces que les autres (je précise, notamment par rapport à ce que dit Reginvanx, que pour moi Hegel n'est pas un scientifique, que je considère la science comme l'étude de la nature selon un certain nombre de règles méthodologiques rigoureuses et dans une optique intégralement matérialiste, et qu'un concept philosophique n'est pas pour moi une découverte concrète), qu'on peut appliquer A POSTERIORI cette grille de lecture à la compréhension croissante des mécanismes de la nature (ce que fait Canardos avec brio), mais que je ne vois pas, dans l'histoire concrète des découvertes scientifiques concrètes, en quoi cette grille de lecture a spécifiquement produit une compréhension de mécanismes précis de la nature incompris auparavant.
C'est ce que disait Banabé : certains scientifiques y voient une source d'inspiration a posteriori, mais pour trouver un exemple de découverte précise ou de travail concret qui a été permis de pès ou de loin par la lecture et la compréhension de l'"Anti-Durhing" ou de "Dialectique de la Nature"....


luc marchauciel
 
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Message par luc marchauciel » 19 Août 2008, 18:06

Il y a un passage marrant dans l'article dont Sylvestre a donné le lien : c'est Engels qui écrit à Marx en se plaignant un peu de la division du travail entre eux, du genre Marx fait le travail motivant et gratifiant, alors que le pauvre Engels doit se taper le sale boulot comme la réfutation de Dühring....
luc marchauciel
 
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