La théorie du genre dans les cours de SVT

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par canardos » 03 Sep 2011, 17:23

je te conseille par ailleurs, Gaby, la lecture d'un excellent ouvrage d'Alan Sokal, Pseudosciences & postmodernisme.

[url=http://fr.wikipedia.org/wiki/Pseudosciences_et_postmodernisme]http://fr.wikipedia.org/wiki/Pseudoscience..._postmodernisme[/url]

Alan Sokal c'est l'auteur d'"Impostures intellectuelles" qui tu devrais si ce n'est déjà fait lire aussi avec profit.

personnellement j'ai lu les deux, et beaucoup apprécié!
canardos
 
Message(s) : 18
Inscription : 23 Déc 2005, 16:16

Message par canardos » 03 Sep 2011, 18:23

Un article du paleoanthropologue Pascal Pick sur ce sujet:


[quote=" "]


Le sexe n'est pas que construction

LEMONDE | 03.09.11 |
par Pascal Picq


Décidément, les sciences de la vie et de la Terre déplaisent aux conservateurs, de droite comme de gauche. Par leurs disciplines et leurs contenus, elles se trouvent en prise avec les grandes questions touchant à la modernité de nos sociétés, à la laïcité et à la sexualité, sans oublier l'avenir de l'espèce humaine, avec les problématiques de la biodiversité et du réchauffement climatique.

Au nom de mes collègues chercheurs, je salue la pertinence et le courage - en un mot le dévouement citoyen - de nos collègues de l'éducation nationale chargés des programmes, et toutes celles et tous ceux qui oeuvrent pour un enseignement de qualité en phase avec les avancées des connaissances et des questions de société.

Il y a deux ans, je m'étonnais que, dans la perspective des nouveaux programmes, les sciences de l'observation et de l'expérimentation disparaissaient des classes de 2de, alors que se profilait le sommet de Copenhague. Ce dernier n'a pas été une réussite, et on s'en est sorti un peu mieux pour les programmes.

La polémique autour des théories de l'évolution s'est considérablement apaisée depuis 2009 (année Darwin). Remarquons néanmoins que, si les prétentions scientifiques des créationnistes ne présentaient pas un réel danger en France, sa forme plus léchée - le "dessein intelligent" - continue de faire son chemin, trop de journaux et de magazines se complaisant dans l'exercice puéril du dénigrement des sciences. C'est encore plus affligeant à propos de l'évolution dite de l'homme, toujours conçue comme un schème finalisé, téléologique. Il serait temps de lire et de comprendre Claude Lévi-Strauss, Jacques Monod et Stephen Gould.

Dans l'évolution, c'est toujours l'homme qui pose problème, et les sciences humaines. La controverse est loin d'être simple, et je vais essayer d'être méthodique. D'un point de vue biologique et évolutif, les espèces les plus sexuées sont les mammifères et les oiseaux ; les espèces les plus complexes physiologiquement, éthologiquement, cognitivement et, bien sûr, dans la diversité des sexualités. (Le sexe de la plupart des reptiles se fixe en fonction de la température d'incubation et 10 % des espèces de poissons changent naturellement de sexe au cours de leur vie.)

Le sexe biologique est fortement déterminé par les chromosomes, sachant que les femelles sont XX (homogamiques) chez les mammifères et XY chez les mâles (hétérogamiques), tandis que c'est l'inverse chez les oiseaux, avec des femelles ZW et des mâles ZZ. Un très faible pourcentage d'individus naît avec différentes formes d'indéterminations sexuelles.

C'est là qu'une partie des sciences humaines pose problème. En raison d'un antibiologisme radical, elles refusent cette réalité biologique qui fait que nous sommes dans le groupe des espèces les plus déterminées biologiquement pour le sexe. C'est inepte d'un point de vue scientifique, stupide d'un point de vue philosophique et ouvert à toutes les idéologies. Par-delà le sexe (biologique), il y a la sexualité, c'est-à-dire la diversité et la plasticité des comportements qui amènent des individus à avoir des relations sexuelles. Heureusement, une partie des sciences humaines travaille avec l'anthropologie évolutionniste, notamment autour de la sexualité et de la construction sociale de l'identité sexuelle des individus.

Notre espèce se caractérise par une réceptivité sexuelle des femelles quasi permanente et un découplage entre l'acte sexuel et la reproduction, ce qu'on retrouve aussi chez les grands singes les plus proches de nous. La sexualité intervient dans les relations affectives, mais aussi dans les résolutions de conflits et dans des actes d'humiliation et de soumission. L'évolution nous a légué cette plasticité étho-cognitive et, par conséquent, l'éducation et les représentations sociales interviennent dans la construction de la sexualité, ce qu'on appelle le "genre" qui, contrairement au sexe biologique, n'est ni strictement féminin ni masculin.

L'hétérosexualité comme l'homosexualité ne sont ni des normes ni des anomalies. Cela fait partie du jeu des possibles de nos sexualités au cours de nos vies. Ce qui change, c'est le pourcentage de personnes qui choisissent ces diverses formes de sexualité, parfois pratiquées alternativement par des individus, ou changeant au cours de leur vie, le plus souvent en étant épanouis et dans l'affection partagée.

L'éthologie, l'anthropologie et la sociologie nous confirment qu'il n'y a là aucune dérive, et encore moins de dégénérescence. Combien de grands personnages de l'histoire - pour ne parler que de la société occidentale - sont connus par la diversité de leurs préférences sexuelles ? Et puis il y a la grande diversité des pratiques sexuelles, plus ou moins contrôlées, ritualisées, participant aux initiations parmi les centaines de cultures étudiées par les ethnologues. L'anthropologie culturelle a bien établi l'importance de la construction du genre, et il s'agit bien d'une théorie scientifique, comme celle de l'évolution, avec des concepts et des paradigmes confrontés aux observations, autrement dit aux faits sociaux (les travaux de Françoise Héritier).

Je m'oppose à toutes ces théories qui détournent les gender studies, avec pour seul argument imbécile d'affirmer qu'il n'y a pas de sexe biologique, et qui plient les observations faites dans la diversité des sociétés humaines et de grands singes pour dénaturer ou naturaliser - c'est selon - notre sexualité. Je comprends leurs revendications, mais elles ne sont pas du domaine des sciences. Pas plus que les créationnistes ou les conservatismes religieux, ces organisations et leurs motivations - aussi fondées soient-elles - n'ont pas leur légitimité en classe de sciences. Pour cela, il y a la politique, et j'invite tous les protagonistes à ne pas se tromper de terrain.

Rappelons que la France bénéficie d'un des enseignements les plus qualifiés autour de l'éducation sexuelle, et que, depuis plus de trente ans, ce sont toujours les mêmes qui s'y opposent pour des raisons conservatrices. Ces considérations n'ont rien à faire en classe de sciences d'une école laïque et républicaine. Par comparaison, il suffit de constater le taux ahurissant de jeunes filles mères aux Etats-Unis et les actions fascisantes contre l'avortement. Les puritanismes ne font que générer de la frustration et de la misère sexuelle et sociale.

Cet enseignement doit aussi évoluer, et pour deux raisons : premièrement, parce que nos connaissances sur le sexe, l'homme et l'évolution ont considérablement avancé et, deuxièmement, parce que nos sociétés connaissent des changements importants sur les formes de sexualité et de parenté (Maurice Godelier, Métamorphoses de la parenté, Fayard, 2004).

Il est tout à fait légitime que des élus s'intéressent aux contenus des programmes. Comme il s'agit de sciences, c'est le rôle des personnes compétentes d'en établir et d'en valider les contenus. Mais l'intervention des élus à l'encontre des connaissances scientifiques fondées sur des opinions politiques, philosophiques et/ou religieuses n'est pas légitime, même si cela devait leur déplaire en raison de leurs diverses convictions. Je comprends leurs valeurs, mais qui doivent respecter la plus grande de toutes dans nos sociétés modernes : la laïcité. En disant cela, je ne défends pas la science, mais bien la laïcité, et je suis heureux de telles controverses, qui placent l'école au coeur de nos débats citoyens.



Maître de conférences au Collège de France

Né en 1954, ce paléoanthropologue français

est l'auteur de nombreux ouvrages et articles scientifiques tournant autour de la question

"Qu'est-ce que l'humain ?".

Parmi ses derniers ouvrages : "Il était une fois la paléoanthropologie" (Odile Jacob, 2010).

[/quote]
canardos
 
Message(s) : 18
Inscription : 23 Déc 2005, 16:16

Message par llaima » 04 Sep 2011, 08:10

voilà un très bon article de Pascal Picq qui est venu à la fête de LO cette année et qui a fait un très bon article qui permet de clarifier les choses et surement de voir que finalement on est à peu prêt d'accord entre nous une fois les choses posées clairement sur la teble comme l'a fait Picq

llaima
 
Message(s) : 0
Inscription : 07 Mars 2010, 21:43

Message par Gaby » 04 Sep 2011, 08:38

[quote=" (canardos @ samedi 3 septembre 2011 à 18:23"]
je te conseille par ailleurs, Gaby, la lecture d'un excellent ouvrage d'Alan Sokal, Pseudosciences & postmodernisme. [/quote]
Oui merci je connais (et en passant mes sources ne sont pas wikipedia, contrairement à toi je ne dis pas découvrir un sujet et le maîtriser avec une discussion sur le FALO), mais quand je cherche à comprendre les sciences sociales, je ne me tourne pas vers un matheux (même si ton attitude peut s'expliquer aisément par la surreprésentation des matheux, physiciens, etc, par rapport aux historiens, sociologues, à LO).

Au sujet du postmodernisme (qui est, je le rappelle, largement hors-sujet avec les études du genre), tu fais preuve d'un sectarisme intellectuel sans borne. Des courants philosophiques qui ont de mauvais postulats de départ, il y en a autant que leur totalité, moins un, celui que tu t'appropries. C'est naturel, tautologique. Pour autant, je le redis sans honte, il y a de bons bouquins qu'il faut lire, sans à avoir peur de la discussion. De plus, ta démonstration n'a aucune rigueur, tu cherches à prouver que les partisans du genre comme outil d'analyse à égalité avec classe et race, sont des relativistes pur jus... Je ne sais comment au final. C'est toi qui établis arbitrairement un trait d'égalité entre postmodernisme et genre, et attaque l'un pour toucher l'autre. Judith Butler et les autres qu'on associe au féminisme postmoderne sont pourtant les premières à dire que l'adjectif postmoderne ne leur sert à rien (comme Foucault avant...).

Ce n'est pourtant pas compliqué. Le sexe est biologique (et il n'y a pas que des mâles et des femelles). Le genre est une construction sociale. Parler de genre n'exclut pas l'aspect biologique (Butler va au-delà mais ici on s'en fout). Alors d'où vient l'émotion ici ? De vieux préjugés partagés par les plus conservateurs à droite et des forumers ici... Pascal Picq (qui est venu à la fête de LO ! formidable ! comme des gens de droite d'ailleurs, et alors ?) dit n'importe quoi quand il écrit que la discussion porte sur le "seul argument imbécile d'affirmer qu'il n'y a pas de sexe biologique"...

Autre chose encore une fois sur l'expression de "théorie des genres", cela me rappelle furieusement les créationnistes qui insistent sur le fait qu'il est important de rappeler que l'évolution est une théorie, et qu'à ce titre elle se trouve au même niveau que la leur. Les rationalistes leur répondent avant toute chose que s'il y a interprétation, il s'agit avant tout d'un phénomène observable, d'un "fait", pour reprendre le mot de marchauciel. Et sans l'outil analytique "genre", comment pourrait-on même analyser l'évolution de ce que l'on appelle "homme" et "femme" ? Non ce n'est pas une "théorie", c'est la seule façon d'écrire correctement l'histoire des rapports entre personnes dans la dimension culturelle des identités et des pratiques sexuelles. Que ceux qui pensent que cela n'a pas d'intérêt voyagent un peu et aillent voir ce que ça veut dire "masculin" dans les sociétés les plus rétrogrades... Peut-être verront-ils la violence masculine chez nous ensuite, et les changements, et l'inutilité relative de la biologie pour parler de ce que sont les hommes et les femmes, de la même façon qu'elle est inutile pour l'ethnicité...

Il n'y a pas aujourd'hui un seul chercheur en sciences sociales qui se passe du genre, mais bien sûr, il s'agit sans doute d'une fantaisie de littéraires, contrairement aux vrais scientifiques qui s'en tiennent au biologique ("rationaliste" tu parles, pour des marxistes qui croient en la scientificité de la matière Histoire, c'est fort de café...).
Gaby
 
Message(s) : 401
Inscription : 27 Fév 2004, 10:53

Message par abounouwas » 04 Sep 2011, 10:51

j'ai un peu l'impression que Pascal Picq enfonce ici une porte ouverte. Mais bon, c'est lui le scientifique ... ;-)
abounouwas
 
Message(s) : 0
Inscription : 10 Jan 2007, 00:47

Message par Matrok » 04 Sep 2011, 11:05

[quote=" (Gaby @ dimanche 4 septembre 2011 à 08:38"]
Pascal Picq (qui est venu à la fête de LO ! formidable ! comme des gens de droite d'ailleurs, et alors ?) dit n'importe quoi quand il écrit que la discussion porte sur le "seul argument imbécile d'affirmer qu'il n'y a pas de sexe biologique"...[/quote]
Tu as mal lu, ce n'est pas ce qu'il écrit.

[quote=" (Pacal Picq @ c'est moi qui met en gras"]
Je m'oppose à toutes ces théories qui [b]détournent les gender studies[/b], avec pour seul argument imbécile d'affirmer qu'il n'y a pas de sexe biologique, et qui plient les observations faites dans la diversité des sociétés humaines et de grands singes pour dénaturer ou naturaliser - c'est selon - notre sexualité.[/quote]

En clair, il dit la même chose que toi : les [i]gender studies[/i] ne disent pas qu'il n'y a pas de sexe biologique ; ceux qui disent ça le font sans argument scientifique, et c'est un détournement de sens. Ce qui rejoint ce que tu écris :

[quote=" (Gaby @ dimanche 4 septembre 2011 à 08:38"]
Le sexe est biologique (et il n'y a pas que des mâles et des femelles). Le genre est une construction sociale. Parler de genre n'exclut pas l'aspect biologique (Butler va au-delà mais ici on s'en fout).[/quote]

Par ailleurs, la petite phrase tirée de manuels scolaires sur laquelle quelques crétins UMPistes se sont énervés ne dit pas du tout qu'il n'y a pas de sexe biologique - encore heureux, ce serait une énormité dans un manuel de SVT !

À noter que parmi ces députés UMP, il y a bien entendu l'inévitable Christian Vanneste, condamné il n'y a pas si longtemps par la justice pour des propos homophobes, et par ailleurs (?) partisan d'un rapprochement UMP-FN. J'ai du mal à m'imaginer ce type en défenseur de la science contre l'obscurantisme.
Matrok
 
Message(s) : 177
Inscription : 12 Mars 2003, 21:43

Message par Gaby » 04 Sep 2011, 11:22

Une bonne interview d'Eric Fassin, qui répond finalement aussi aux ignorances exprimées dans ce fil de discussion. Attention canardos, tu vas dire que Fassin utilise wikipedia quand il cite Simone de Beauvoir !

[url=http://www.tetu.com/actualites/france/eric-fassin-les-deputes-confondent-genre-et-sexualite-20077]http://www.tetu.com/actualites/france/eric...sexualite-20077[/url]

[quote=" "]
Eric Fassin: «Les députés confondent genre et sexualité»

INTERVIEW. Beaucoup de choses ont été dites sur les études de genre après la demande de 80 députés de retirer les nouveaux manuels scolaires faisant référence à l'orientation et l'identité sexuelles. Le sociologue Eric Fassin nous aide à démêler le vrai du faux.
Mardi, la demande faite par 80 députés UMP au ministre de l'Education nationale de retirer les nouveaux manuels scolaires, qui expliquent la différence des sexes autant par le contexte socio-culturel que par le sexe biologique (lire notre article), a provoqué de nombreuses réactions, relancant la polémique autour des fameuses études du genre. Le sociologue Eric Fassin réagit.

[b]Comment définiriez-vous les gender studies ou études de genre?[/b]
Eric Fassin: Je préfère parler, en français, d'études de genre. En effet, on a longtemps refusé de traduire le mot gender, en le prétendant intraduisible. C'était refuser d'entrer en dialogue avec tout un champ d'études. En réalité, il n'est pas si difficile de comprendre le mot genre, qu'on apprend à l'école française, en grammaire: le genre d'un nom signifie clairement que le masculin ou le féminin (sans même parler du neutre) ne renvoie pas à une nature des choses. La chaise n'est pas plus féminine que le fauteuil n'est masculin, et si le soleil est masculin en français (au contraire de la lune, féminine), c'est par exemple l'inverse en allemand. Bref, le genre est une convention sociale.
Le genre, au départ, c'est la construction sociale du sexe biologique. La différence des sexes n'est pas une donnée de nature immuable; elle n'existe que dans l'histoire. Ce que c'est qu'être un homme, ou une femme, ne peut donc être abstrait du contexte social. Le sexe est indissociable des normes sexuelles, qui, par définition, ne sont pas naturelles. Or, si les normes sont susceptibles de changer, cela veut dire qu'elles sont un enjeu politique. Ce sont les conséquences politiques de cette perspective qui mobilisent aujourd'hui les conservateurs.

[b]Les associations catholiques ont parlé de «théorie du gender» ou «théorie du genre», les députés ont évoqué une «théorie du genre sexuel». La presse a largement repris le terme de «théorie du genre». Peut-on réellement parler de «théorie»?[/b]
Les attaques sont d'abord fondées sur l'ignorance (qu'atteste l'expression «genre sexuel») mais elles sont animées par un parti-pris évidemment politique. En fait, le genre est un concept, d'une part, et un champ d'études, d'autre part. Parler de théorie, c'est suggérer: «ce n'est qu'une théorie», autrement dit, «ce n'est pas prouvé». Or ce n'est pas une théorie, qu'il faudrait prouver, c'est plutôt un paradigme qui définit notre manière de regarder. Mais l'usage polémique du mot théorie est très inquiétant: on songe à la manière dont, aux États-Unis, les créationnistes insistent sur le fait que l'évolution ne serait qu'une théorie.

[b]Qu'avez-vous pensé des nouveaux manuels de première L et ES?[/b]
J'ai été heureusement surpris de l'ouverture nouvelle dont ils font preuve. Comme le programme y invite, il n'est pas seulement question de la reproduction (avec la contraception, l'avortement, la pilule du lendemain, l'assistance médicale à la procréation, la gestation pour autrui…); il s'agit aussi du genre (avec la transsexualité, mais aussi l'intersexualité, même si elle n'est envisagée que comme «anomalie»), et de la sexualité non reproductive (avec une illustration de singes bonobos chez Belin) – y compris de l'homosexualité (par exemple, chez Bordas, une photo de la Marche des fiertés contre les discriminations). On peut seulement regretter que ces derniers éléments ne figurent pas dans le programme de 1ère S!

[b]Dans leur lettre, les députés expliquent que «selon cette théorie, les personnes ne sont plus définies comme hommes et femmes mais comme pratiquants de certaines formes de sexualités: homosexuels, hétérosexuels, bisexuels, transsexuels.». Est-ce le cas? [/b]
C'est faux - et c'est absurde. C'est absurde, car être transsexuel, ce n'est pas, en première analyse, une question de sexualité; c'est d'ailleurs plus clair quand on dit «transgenre». C'est faux, car les manuels sont très attentifs à distinguer genre et sexualité. Ce sont les députés qui les confondent. Au contraire, les manuels distinguent explicitement, et avec insistance – identité sexuelle et orientation sexuelle. Or la question centrale dans ce qu'on appellera plus justement études de genre et de sexualité, c'est bien l'articulation entre les deux: il y a des rapports, mais ce n'est pas la même chose; il faut donc analyser, par exemple, comment l'hétérosexualité participe de la construction de normes de masculinité et de féminité - historiquement, c'est-à-dire d'une manière qui est susceptible d'évoluer.

[b]Les études des genres ont été accusées d'être une théorie militante. Christine Boutin a ainsi écrit, en mai dernier, dans une lettre à Luc Chatel «Comment ce qui n'est qu'une théorie, qu'un courant de pensée, peut-il faire partie d'un programme de sciences?»[/b]
Il faudrait savoir: Christine Boutin, ou les députés de la Droite populaire, parlent-ils au nom de la science (et alors, de quel droit? Avec quelle autorité, quelle compétence?), ou du bon sens populaire? Dire que la différence des sexes est une évidence, c'est se fonder sur le sens commun. Ce que rappellent ces manuels, c'est une vérité scientifique: il n'y a pas un sexe – on peut au moins distinguer le sexe chromosomique du sexe gonadique, et celui-ci du sexe phénotypique. Et les trois ne se superposent pas toujours dans la réalité: on n'a pas toujours l'apparence de ses organes, ni les organes de ses chromosomes. En fait, ce discours sur l'altérité sexuelle renvoie bien sûr à une volonté de préserver l'hétérosexualité en tant qu'institution sociale, au fondement des normes sexuelles. Ce qui gêne les conservateurs, c'est par exemple quand on lit, dans le manuel Bordas, que l'hétérosexualité n'est que «la situation la plus fréquente», en précisant que l'orientation sexuelle ne renvoie pas à une identité de genre: «Une femme très féminine peut être attirée par les femmes». Autrement dit, pas possible de renvoyer l'orientation sexuelle du côté de l'anomalie.

[b]Elles sont également accusées d'être une théorie importée des États-Unis et de nier toute détermination biologique…[/b]
Importées des États-Unis? Oui et non. Les études de langue anglaise sur le gender, dans les années 1970, se réclamaient de Simone de Beauvoir: «On ne naît pas femme, on le devient.» Certes, en raison des résistances institutionnelles, elles n'ont pas connu le même développement en France, du moins jusqu'aux années 2000. Mais de toute façon, le travail scientifique est fait de circulations internationales.

[b]Croit-on vraiment que la biologie ne s'écrive pas d'abord en anglais aujourd'hui? Voudrait-on nationaliser la science, pour défendre une «science française»?[/b]
Quant au fond, il faut bien distinguer la biologie du biologisme. Ce sont les biologistes eux-mêmes (ou elles-mêmes!) qui critiquent le déterminisme biologique (songeons à la querelle contre la «sociobiologie»). Par exemple, la neurobiologiste Catherine Vidal explique bien que les connexions dans le cerveau ne sont établies qu'à 10% à la naissance, le reste prend forme dans un contexte social. Il serait donc contraire à la vérité scientifique d'imaginer que la biologie préexiste au développement social.

[b]Est-ce que vous craignez que cette polémique – lors de laquelle les études de genre ont été caricaturées – ne gêne le développement des études sur le genre en France? [/b]
L'Institut Émilie du Châtelet, consacré aux recherches sur les femmes, le sexe et le genre, auquel je suis lié, est financé par la région Île-de-France. Nous avons d'ailleurs collectivement publié, en juin, sur le site internet du Monde, une tribune (devenue pétition) contre l'offensive de Christine Boutin. Imaginez, si le lobby conservateur fait pression, demain, sur la région - comme certains députés font pression sur les éditeurs aujourd'hui… Il en va des libertés les plus élémentaires!

[b]Est-ce la première fois que les associations catholiques expriment leur opposition aux études des genres?[/b]
Le Vatican s'inquiète du genre depuis qu'il a pris conscience de l'importance de ce concept, en 1995 à Pékin, lors de la conférence de l'ONU sur les femmes. Le Cardinal Ratzinger était déjà très engagé dans ce combat avant de devenir pape, sous le nom de Benoît 16. Nombre de ses textes en sont l'expression sans équivoque. Les associations catholiques de droite, dont Christine Boutin s'est faite le relais, n'en sont que le prolongement. Ce qui est remarquable, et inquiétant, c'est qu'aujourd'hui ce point de vue de la droite catholique est relayé par la droite laïque. Or dans cette affaire (lire notre article), Jean-François Copé marque son soutien à la Droite populaire…

[b]Est-ce que vous pensez, comme les 80 députés, qu'il est «du devoir de l'Etat de mieux contrôler le contenu des manuels scolaires»?[/b]
Les programmes sont définis par l'État. Les manuels sont rédigés par des auteurs, sollicités par des éditeurs, qui sont libres de leur démarche dans la mesure où ils se conforment au programme. Mais bien entendu, les programmes impliquent des choix politiques. Disons qu'on peut s'inquiéter: après la loi de février 2005, qui voulait imposer d'enseigner les apports positifs de la colonisation, verra-t-on bientôt une loi qui exige qu'on enseigne que la différence des sexes est naturelle, et non sociale – et qu'en conséquence l'homosexualité est contre-nature?

Éric Fassin est sociologue, professeur agrégé à l'École normale supérieure et chercheur à l'Iris (CNRS/EHESS). Il a notamment co-dirigé (avec Elsa Dorlin) Genres & sexualités (BPI, 2009) et Reproduire le genre (BPI, 2010).[/quote]
Gaby
 
Message(s) : 401
Inscription : 27 Fév 2004, 10:53

Message par canardos » 04 Sep 2011, 16:57

toujours la même citation de Simone de Beauvoir hors de son contexte:

"on ne nait pas femme on le devient"


je ne sais pas si les auteurs de "gender surdies" ont lu Simone de Beauvoir, mais il n'ont retenu de son livre qu'une phrase qui les arrange, recopiée ad nauseam. Sans être un grand fan de Simone de Beauvoir, il me semble que ce livre traite de l’intériorisation de ce qui est attendu d'une femme en terme de comportement, du conditionnement qui doit amener les femmes à être douce soumise, etc...ni Simone de Beauvoir,et Elizabeth Badinter à sa suite aujourd'hui dans le même courant ne défendent quoi que ce soit qui pourrait s'apparenter à la notion de genre mais défendent simplement l'idée que la différence sexuelle n'entraine aucune autre différence qu'il n'existe aucune spécificité féminine en terme de comportement de personnalité, et que la femme ne doit pas accepter de s'enfermer dans un rôle qui serait spécifiquement lié à son sexe biologique. rien à voir avec le discours de ceux qui défendent actuellement la notion de genre.

faut dire que j'ai lu le deuxième sexe, même si c'était il y a longtemps, et que j'en ai conservé quelques souvenirs. est ce ton cas Gaby?

quand à ton sociologue, il n'explique rien,mais finalement il ramène lui aussi le genre à l'orientation sexuelle. Or on peut se sentir un homme et être attiré par les hommes ou une femme et être attirée par les femmes, l'orientation sexuelle étant largement le fruit de son histoire personnelle, même si dans une partie des cas il peut y avoir une composante génétique.

et c'est la que je te repose la question, qu'est ce que ce fameux "genre" de plus que l'orientation sexuelle.

Si tu parles par la du fait que les travaux des ethnologues et des historiens montrent que la représentation de l'homme et de la femme évolue selon les sociétés, pas besoin de créer le concept de genre pour expliquer ça, ça embrouillerait plutôt, en gommant le lien entre l'organisation sociale et cette représentation. le marxisme est autrement plus opérationnel.

tu vas probablement me citer aussi les transsexuels mais outre que leur nombre est quand même faible, je te renvoie la question est que la trans sexualité est un genre ou un grave trouble de la personnalité du au rejet de l'homosexualité par la société et au manque d'estime de soi qu'elle entraine.

par ce que des gens qui souffrent ne s'aiment pas au point de se mutiler parfois, ça ne justifie qu'on crée une catégorie ad hoc, le genre, trop flou pour être un concept opérationnel, qui ne serait ni l'identité sexuelle, ni l'orientation sexuelle, ça nécessite qu'on les aide à retrouver cette estime de soi en bâtissant une société vivable réellement libre qui les aide à accepter leur orientation sexuelle sans forcement essayer d'entrer dans le moule d'un autre sexe.

je ne pense pas me situer dans le camp des députés UMP en disant ça....
canardos
 
Message(s) : 18
Inscription : 23 Déc 2005, 16:16

Message par Gaby » 04 Sep 2011, 17:45

[quote=" (canardos @ dimanche 4 septembre 2011 à 17:57"]
je ne sais pas si les auteurs de "gender surdies" ont lu Simone de Beauvoir, mais il n'ont retenu de son livre qu'une phrase qui les arrange, recopiée ad nauseam.

(...) est ce ton cas Gaby?

[/quote]
Oui canardos, personne ne lit vraiment. Ni moi, ni les chercheurs en sciences sociales, ni personne.

[quote=" "]
quand à ton sociologue, il n'explique rien,mais finalement il ramène lui aussi le genre à l'orientation sexuelle. [/quote]

:mellow:

Il fait précisément le contraire, il explique l'articulation entre pratiques sexuelles et identités qu'il définit comme des objets différents... Il le fait par exemple en parlant de transgenres...
C'est désespérant de voir quelqu'un faire aussi peu d'effort face à quelque chose qui est nouveau pour lui. Tu dois être persuadé de n'avoir rien à apprendre, d'où ton insistance pour suspecter que les autres ne lisent que wikipedia ou ne connaissent pas ce que toi tu as lu (alors que tu découvres le sujet ici-même sur le FALO de ton propre aveu), même près de 60 ans après que l'idée de genre ait commencé à percer...

Ce que tu décris au sujet de Simone de Beauvoir, c'est justement une version primitive de ce que les études de genre permettent, de voir comment une identité "femme" est liée à ce que tu appelles un "rôle". Mais dans le fond, tu ne veux pas comprendre, et il ne faut pas lutter contre les mauvaises volontés, juste s'y résigner.
Gaby
 
Message(s) : 401
Inscription : 27 Fév 2004, 10:53

Message par abounouwas » 04 Sep 2011, 17:56

ah bah non, hein, c'est pas son genre... :248:

[mode :beer: ]
abounouwas
 
Message(s) : 0
Inscription : 10 Jan 2007, 00:47

PrécédentSuivant

Retour vers Sciences

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 2 invité(s)