les cubistes du neolithique

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par canardos » 14 Jan 2008, 22:42

a écrit :

[center]Les cubistes du Néolithique[/center]

journal du CNRS janvier-février 2008

En Syrie, des archéologues français viennent de mettre au jour les plus vieilles peintures du Proche-Orient. Une découverte exceptionnelle. Et ce n'est pas le seul trésor du site…

Après quinze ans de fouilles à Dja’de, un village niché sur la rive gauche de l’Euphrate, dans le Nord de la Syrie, une mission archéologique française vient de découvrir, dans une maison semi-enterrée, des peintures murales vieilles de 11 000 ans. Les plus anciennes peintures mises au jour au Proche-Orient, sur un mur construit de main d’homme…

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Une vue du mur dégagé en 2006 à Dja'de el Mughara (Syrie). C'est au bout de 9 mètres de fouilles archéologiques que les chercheurs sont tombés sur les plus anciennes peintures murales jamais retrouvées au Proche-Orient. À l'heure actuelle, on ne connaît toujours pas la signification de ces motifs géométriques datant de 11 000 ans…

© E. Coqueugniot/CNRS Photothèque


« Les peintures murales datent du début du neuvième millénaire avant notre ère, explique encore ému le responsable de la mission archéologique française en Syrie, Éric Coqueugniot, du laboratoire « Archeorient – Environnements et sociétés de l’Orient ancien »1. Il s’agit de peintures néolithiques, polychromes, aux motifs géométriques de couleurs blanche, noire et rouge, dont la signification symbolique nous échappe largement. Rien de figuratif cependant dans ces peintures d’une grande fraîcheur, réalisées au pinceau : cela ressemblerait plutôt à un damier formé de rectangles de trois couleurs. » Si la découverte en elle-même est incroyable, ce n’est pas la seule… Le site recèle également des figurines anthropomorphes en gypse, en craie, en os et en argile, des outils en silex et en obsidienne2, des meules, ainsi que de nombreux restes osseux d’animaux. Une vraie mine d’informations sur la vie des villageois d’alors…qui a pourtant bien failli ne jamais voir le jour. Car initialement, le site avait été promis à la disparition dans le cadre de la construction d’un barrage sur l’Euphrate, une politique destinée notamment à développer l’irrigation. Les autorités syriennes ont alors lancé une campagne internationale de sauvetage ; la mission française, dépêchée en 1991, devait juste vérifier que les lieux ne cachaient pas quelques trésors archéologiques… On connaît la suite.

Lors des premières recherches, l’équipe française n’imaginait cependant pas l’importance des lieux. C’est en fouillant strate après strate pas moins de 9 mètres de couches archéologiques successives pour un seul millénaire, que la mission a réalisé l’ampleur du site. « C’est beaucoup pour une période comme le début du Néolithique, explique Éric Coqueugniot. D’habitude, quand on trouve deux mètres de niveaux archéologiques, on s’estime déjà très content. Dans les niveaux les plus profonds, entre 7 et 9 mètres sous la surface actuelle, nous avons mis au jour les restes d’une maison circulaire d’environ 7,5 m de diamètre, semi-enterrée, et plus grande que les maisons ordinaires rectangulaires. L’habitation était vraisemblablement une maison à usage collectif, un “bâtiment communautaire”. Les peintures sont sur ses murs massifs. »
D’autres vestiges sont exhumés sur les lieux : armes et outils en pierre taillée (silex et obsidienne), outillage de mouture pour les graines, restes culinaires (os d’animaux et graines brûlées). Mais aussi des objets en os. Parmi les figurines, certaines sont masculines, d’autres féminines. « Pour l’heure nous ne connaissons pas encore leur signification : usage religieux, symboles de fertilité ou autre ? Il est encore trop tôt pour le dire. »
Au cours des premières campagnes de fouilles, les chercheurs avaient déjà eu une surprise de taille : « Dans les couches de la fin du neuvième millénaire avant notre ère, nous avons trouvé une “Maison des morts”, abritant un ensemble exceptionnel de sépultures collectives qui ont permis d’apporter des éclaircissements importants sur les pratiques funéraires, s’exalte Éric Coqueugniot. Plusieurs groupes distincts ont été retrouvés à l’intérieur ou à proximité immédiate. Le groupe le plus spectaculaire étant constitué par les restes d’au moins treize individus. Une de nos hypothèses est que les habitants de Dja’de n’y vivaient peut-être pas en permanence. » Il pourrait s’agir de semi-nomades qui ramenaient au village les corps des individus décédés lors de périodes d’éloignement (cueillettes, chasses) afin de les ensevelir.
Tant de choses restent à découvrir… La fin officielle de l’aventure archéologique est prévue pour 2010, le temps pour l’équipe de parachever les fouilles de la maison et de sauvegarder les peintures dans un musée. « L’ensemble du village néolithique est estimé à 1,5 hectare. Nous n’en aurons fouillé que moins de 300 m2. Mais ce trésor préhistorique restera un terrain de travail pour l’avenir. Il ne faut pas avoir de frustration. Tout fouiller, c’est aussi trop détruire… »

Camille Lamotte

Notes :
1. Laboratoire CNRS / Université Lyon-II.
2. Roche vitreuse et noire.


canardos
 
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