(Lutte Ouvrière n°2027 du 8 juin 2007 a écrit :Industrie pharmaceutique : quand l'Afrique les intéresse
Le gouvernement nigérian porte plainte contre le laboratoire pharmaceutique Pfizer, le numéro 1 de la pharmacie mondiale. Il lui réclame 7 milliards de dollars de dommages. Il l'accuse d'avoir testé illégalement un antibiotique sur des enfants, provoquant la mort de onze d'entre eux.
Alors qu'en 1996 sévissait une grave épidémie de rougeole et de méningite, Pfizer proposa son aide avec un nouvel antibiotique. Celui-ci n'avait pas encore reçu l'autorisation de mise sur le marché, parce que les essais permettant de s'assurer d'une bonne tolérance n'étaient pas terminés. Le traitement fut administré à 200 enfants. Peu de temps après, onze d'entre eux étaient morts et de nombreux autres souffrent aujourd'hui de graves séquelles cérébrales.
Le laboratoire Pfizer se défend, déclarant que l'étude a été conduite « d'une manière éthique et responsable ». Mais si, dans les pays développés, les indispensables essais sur l'homme des médicaments avant leur mise sur le marché sont encadrés et soumis à une législation, c'est moins le cas en Afrique. Quant au consentement demandé aux patients ou à leurs familles, que signifie-t-il quand celles-ci sont illettrées ou que les contrats sont rédigés dans une langue qu'elles ne parlent pas ?
L'industrie pharmaceutique est, avant tout, soucieuse de rentabilité. Elle n'a que faire des maladies qui sévissent en Afrique quand celles-ci atteignent des pauvres. En revanche, ces populations souffrant de tous les maux sont un terrain de choix pour tester leurs nouveautés.
Sophie GARGAN
Remarque : sur les faits rapportés, la presse française de ces derniers jours n'a pas été très scrupuleuse (euphémisme !)... il faut donc faire un peu attention à ce qu'on écrit. En fait, et si l'on s'en tient à l'article du Washington Post du 7 mai 2006 qui a relancé l'affaire (déjà révélée dans ses grandes lignes par le même journal en décembre 2000) ainsi qu'au rapport nigérian de 2001 (dont le Washington Post a finalement obtenu une copie, aujourd'hui disponible sur le site Internet du journal), Pfizer a testé son Trovan sur une centaine d'enfants à Kano, début 1996, une autre centaine étant traitée par un antibiotique habituel des laboratoires Hoffmann-La Roche. Sur les 11 enfants morts parmi les quelque 200 traités, 5 faisaient parti du premier groupe et 6 du second... sachant qu'en l'absence de tout traitement antibiotique, la mortalité de la méningite est considérablement plus élevée et que les séquelles des survivants sont souvent sévères.
Le scandale est là dans la façon dont Pfizer a "profité" de l'épidémie de méningite (plus de 15.000 victimes africaines, selon le Washington Post) pour effectuer des essais cliniques sans autorisation préalable... quittant d'ailleurs les lieux, en pleine épidémie, dès les essais terminés !