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[center]Les mécanismes d'apparition d'un diabète mis en évidence[/center]
LE MONDE | 10.05.07 |
Un régime riche en graisses augmente le risque de prise de poids et de diabète. Le fait est connu. Ce que l'équipe des professeurs Jacques Amar et Rémy Burcelin (Pôle cardio-vasculaire et métabolique, CHU de Toulouse et Inserm) vient de mettre en évidence, ce sont les mécanismes moléculaires de ce phénomène chez la souris. Ces travaux mettent au jour des modifications de la flore bactérienne intestinale et des réactions inflammatoires. L'étude est consultable, en ligne, sur le site de la revue américaine Diabetes.
L'obésité et le diabète de type 2 sont liés àune résistance à l'insuline. Contrairement au diabète de type 1, qui apparaît dès l'enfance et résulte d'une insuffisance de sécrétion de cette hormone, le diabète de type 2 survient après des années pendant lesquelles l'insuline sécrétée n'agit pas suffisamment sur les tissus de l'organisme pour faire baisser le taux sanguin de glucose. Dans le diabète de type 2 comme dans l'obésité existent également des phénomènes inflammatoires.
Il y a quelques mois, l'équipe américaine de Jeffrey Gordon avait montré, chez la souris, qu'un déséquilibre dans la flore bactérienne intestinale constituait un facteur d'obésité (Le Monde du 22 décembre 2006). Selon ces travaux, cette modification de l'écologie intestinale augmentait la capacité des souris à extraire des calories à partir d'un nutriment.
Dans le même esprit, l'équipe des professeurs Amar et Burcelin s'est intéressée à la flore intestinale, mais cette fois en recherchant un facteur causal à l'origine des mécanismes inflammatoires impliqués dans l'apparition d'une résistance à l'insuline, d'une obésité et d'un diabète.
Les chercheurs français se sont particulièrement penchés sur une substance, le liposaccharide (LPS), constituant de la paroi des bactéries de type Gram négatif, également appelée endotoxine. Ces bactéries sont produites en continu dans l'intestin. Le LPS passe ensuite dans le sang.
"Notre étude permet de montrer que le type de régime, selon qu'il est plus ou moins gras, module la quantité d'endotoxine dans le sang, en dehors de tout processus infectieux", indique le professeur Amar. L'augmentation du taux sanguin de LPS déclenche une réaction inflammatoire qui entraîne le développement d'un diabète et d'une obésité chez les souris soumises à un régime alimentaire riche en graisses.
"Nous avons également apporté la preuve que cette action inflammatoire du LPS passe par un "interrupteur", en l'occurrence un récepteur appelé CD14, présent sur des cellules sanguines ainsi qu'à la surface des cellules du tissu adipeux et du foie, précise le professeur Amar. Lorsque l'on inhibe la réaction inflammatoire, on empêche du même coup la prise de poids et l'apparition d'un diabète chez les souris mises sous régime gras."
"DES ENJEUX IMPORTANTS"
Le mécanisme conduisant de l'inflammation à la résistance à l'insuline était déjà connu. L'inflammation dans le tissu adipeux entraîne la libération de cytokines. Ces médiateurs vont agir sur le récepteur de l'insuline situé à la surface des cellules. Les molécules d'insuline produites par l'organisme vont bien aller se fixer sur ce récepteur, mais le "message" qu'elles apportent ne passe pas dans la cellule, qui résiste alors à l'insuline.
Apparaît ainsi une cascade d'événements, analysée au niveau moléculaires par l'équipe toulousaine. En résumé : le régime riche en graisses modifie la flore bactérienne et facilite le passage dans le sang du LPS. L'élévation du taux sanguin de LPS déclenche une réaction inflammatoire par le biais d'un récepteur. Cette réaction entraîne, chez la souris, une prise de poids et un diabète qu'il est possible de contrer en inhibant la réaction inflammatoire. "Cette explication n'exclut pas le mécanisme mis en évidence par l'équipe de Jeffrey Gordon", commente le professeur Amar.
Le scientifique indique que son équipe dispose de données préliminaires, encore non publiées, montrant que les processus mis en évidence chez la souris existent aussi chez l'homme, mais cela reste encore à confirmer. "Des enjeux importants apparaissent : pourrait-on prévenir le développement d'une obésité et d'un diabète de type 2 en modulant le taux de LPS dans le sang ?", souligne le professeur Amar.
La réponse pourrait être apportée à l'avenir en étudiant l'impact d'une modification de la flore bactérienne intestinale sur le taux de LPS. "Une adaptation de la flore par une alimentation appropriée serait susceptible de diminuer le passage du constituant toxique de la paroi bactérienne de l'intestin vers la circulation sanguine", explique le professeur Amar. Concrètement, certains probiotiques, des bactéries bénéfiques pour l'homme contenues dans des aliments comme les yaourts, pourraient être testés dans cette optique.
Paul Benkimoun
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Chiffres
Obésité. En 2006, la France comptait environ 6 millions d'obèses (Le Monde du 20 septembre 2006), selon la dernière enquête Obépi (Obésité épidémiologie). Cela représente 12,4 % de la population âgée de plus de 15 ans et traduit une augmentation de 50 % en dix ans. Une étude française montre que l'accroissement est plus important chez les enfants d'ouvriers alors que l'obésité a diminué chez ceux dont les parents occupent une profession intermédiaire ou un poste de cadre. Aux Etats-Unis, 24,6 % de la population est aujourd'hui considérée comme obèse (au moins 15 kg de plus que la normale), contre 20 % en 2000.
Diabète. Dans le monde, plus de 200 millions de personnes sont diabétiques. Au rythme actuel, les projections pour 2030 tablent sur près de 360 millions de diabétiques. L'augmentation sera particulièrement marquée dans les pays en développement. La région où elle devrait être la plus élevée est le Proche-Orient (+ 164 %), devant l'Afrique (+ 162 %) et l'Asie du Sud-Est (+ 161 %). La hausse devrait être de 150 % en Inde, de 148 % en Amérique latine, de 104 % en Chine, et de 72 % en Amérique du Nord. En Europe, le nombre de diabétiques, qui était de 28,3 millions en 2000, passerait à 37,4 millions, soit un accroissement de 32 %.