Un texte, du 16 mars 2009, du Parti Communiste Guadeloupéen, soulevant la question des rapports entre la Guadeloupe et l'état français :
... et comment les camarades de Combat Ouvrier posaient le même problème, en relation avec les prises de position du PCG, en 2003 :
(Combat Ouvrier 19 avril 2003 a écrit :LE PCG, L’ARTICLE 74 ET LES INTERETS DES TRAVAILLEURS
Dans le journal du PCG l’Etincelle, Michel Bangou écrit, dans un éditorial, que:
« La souveraineté politique, en de bonnes mains , seule permet les choix économiques au service du peuple, du développement et de l’emploi. (…). Eriger la Guadeloupe en collectivité nouvelle dans le cadre de l’article 74, dotée d’une assemblée légiférant et d’un exécutif responsable devant elle, avec des hommes et des femmes non corrompus, non compromis est la condition sine qua non pour le développement et l’emploi . »
Pour comprendre cette prise de position, dans le cadre de la discussion sur le changement de statuts, il faut se rappeler plusieurs faits passés.
D’abord que depuis la préparation de la loi d’orientation par une mission Lise-Tamaya dépêchée par le gouvernement socialiste de Jospin, la question du changement de statut était revenue en surface et avait provoqué débats et prises de position. La plus remarquée fut la fameuse «déclaration de Basse-Terre» qui ne fut remarquée que parce qu’il s’agissait de trois présidents de Région des dits DFA (départements français d’Amérique) et que l’un d’entre eux était la politicienne de droite (chiraquienne ) Michaux-Chevry, peu suspecte de séparatisme. Tandis qu’un deuxième était un indépendantiste. Cette déclaration avec sa signature fit grand effet car les signataires, dont M.C., s’affirmaient partisans d’une région autonome.
LE PCG ET LA DECLARATION DE BASSE TERRE
Par la suite le PCG engagea toute une politique pour donner une assise plus large à cette déclaration qui bientôt s’accompagna en Guadeloupe de la création du «Comité de suivi» où se rassemblèrent des partis et groupes autonomistes, indépendantistes, le PCG et le parti de M.C. Lorsque la loi d‘orientation fut votée, un Congrès fut mis en place en application de cette loi. Ce Congrès fut une sorte d’assemblée unique de transition qui devait élaborer un statut et le proposer au gouvernement. Mais ce gouvernement tomba à cause de l’échec de Jospin aux présidentielles et les nouveaux gouvernants de droite (UMP chiraquienne) ont repris le dossier sans reprendre à leur compte ni les travaux du Comité de suivi, ni les conclusions qu’il avait inspirées au Congrès de Guadeloupe. La constitution française fut tout simplement transformée pour y intégrer une réforme d’ensemble sur la décentralisation des régions de France. Des articles (73, 74, …) concernent la possibilité de transformer les institutions locales, Conseils général et régional. Michaux-Chevry laissa tomber ses partenaires du Comité de suivi et marcha allègrement sur tous les travaux et conclusions qui en étaient sortis. Les autres participants indépendantistes ou autonomistes se dispersèrent. Seul le PCG persista dans son objectif qui était de mettre à profit le débat créé depuis l’époque Lise-Tamaya pour faire avancer les positions sur l’Autonomie dans le cadre de la république française. Le PCG mène donc une véritable campagne politique sur ce thème.
Pour notre part, nous pensons qu’il faut discuter et évaluer le problème du changement de statut (article 73 ou 74 !) et particulièrement de l’Autonomie, en fonction des intérêts des travailleurs et des classes pauvres de Guadeloupe.
ARTICLE 73 ET ARTICLE 74, DEUX ARTICLES D’UNE MEME CONSTITUTION CHIRAQUIENNE
Le raisonnement du PCG c’est, étant donné qu’il y a au moins deux possibilités dans la nouvelle mouture de la Constitution française, qu’il faut écarter ce qui découle de l’article 73. Celui-ci ne fait que donner une nouvelle forme à la même administration remaniée, mais restant strictement dans un cadre soumis aux mêmes contraintes et limites qu’aujourd’hui. Selon le PCG, une assemblée unique de type article 73, dans l’impossibilité de faire la moindre loi, ne permettra de changer quoi que ce soit localement. En se contentant de fusionner ou de coiffer les assemblées locales, elle reconduira les mêmes pratiques politiques de corruption, de clientélisme et surtout la même impuissance devant les décisions capables de changer le sort de la population.
Le PCG propose alors d’utiliser l’autre possibilité - l’article 74 - qui permet, si elle est adoptée par la population d’un DOM actuel, d’en changer la structure administrative et politique. Ce statut permet de créer une assemblée votant des lois pour tout ce qui touche à sa vie locale, son organisation territoriale, ses impôts, son commerce, etc. Christian Céleste, secrétaire général du PCG, dans un article paru dans l’Etincelle, du 6/2/03, reproche à Larifla (sénateur dissident socialiste) de «rester dans le droit commun français» avec l’article 73 ; il affirme que «le sénateur a toujours été contre l’évolution statutaire».
Christian Céleste, dans un autre article de l’Etincelle du 27/03/03, intitulé «Changement de statut. Les institutions et le mode de scrutin» propose une assemblée guadeloupéenne qui soit «une représentation de l’entité géographique, humaine, politique sociale, culturelle de la Guadeloupe»… «Il n’est pas question dit-il de reproduire à l’identique le Conseil général et le Conseil régional dans cette assemblée». Il s’affirme pour une élection par liste, à la proportionnelle, à un seul tour.
Lorsque C. Céleste dit que l’article 73 reste dans le droit commun, on pourrait le dire aussi de l’article 74 qui sort du même tonneau constitutionnel français. Ce n’est pas le fait qu’ils soient du droit commun qui importe, c’est quel usage peuvent en faire les travailleurs, en quoi cela peut servir leur mobilisation et leur progression vers un rapport de force plus favorable dans la société actuelle dominée par le patronat local et extérieur.
Nous ne croyons pas que le seul fait d’être plus radical sur la formulation de la revendication de changement de statut depuis l’article 73 jusqu’à l’indépendance, en passant par différentes variantes de statuts plus ou moins séparatistes, règle la question de savoir ce qui est plus ou moins favorable pour les intérêts des travailleurs et des couches populaires.
C’EST LA MOBILISATION DES TRAVAILLEURS QUI EST IMPORTANTE
Il est juste de mettre à profit la discussion actuelle sur le statut et le petit remue-ménage des politiciens se préparant à l’assemblée unique, pour entraîner les travailleurs sur le terrain politique.
Mais à condition de définir une politique, des objectifs qui, à travers le problème actuel, permettront aux travailleurs de faire une expérience, de vivre une situation qui va renforcer leurs rangs et les placer dans une meilleure position pour défendre leurs intérêts dans le cadre de ce dit «changement de statut».
Oui, il est juste qu’un petit peuple dont tous les aspects de sa vie sont imposés de Paris et cela depuis des siècles, aspire à changer cela. Oui il est juste que les décisions concernant son sort, sa vie économique, sociale et culturelle soient prises ici même et par une assemblée «légiférante» élue par lui avec un exécutif correspondant à ses choix et à son degré de conscience et de mobilisation. Il est juste qu’une telle assemblée ne soit dépendante pour toutes ses décisions d’aucune forme de contrôle ou de censure du pouvoir central parisien.
Le statut actuel même remanié en Assemblée unique, restera une fiction juridique pour un peuple qui vit dans la zone américano-caraïbe mais dont le sort sera réglé à 7000 km de là, en Europe.
Il n’y a aucune raison d’accepter cela.
Mais il serait néfaste aux intérêts des travailleurs de se limiter à une démarche purement juridique opposant deux articles de loi de la constitution française, le 73 et le 74 ! Il serait illusoire de croire que le fait de revendiquer l’article 74 plutôt que le 73 pour un changement de statut constituera un réel progrès.
Il est juste d’utiliser la présente circonstance du changement de statut, il est juste de s’appuyer sur l’article de la loi qui paraît le moins rétrograde. Mais un tel choix doit s’accompagner clairement et nécessairement d’un appel aux travailleurs à transformer et prendre en main les résultats et le contenu qui découlent de cette loi.
Il faut une véritable assemblée législative, oui, élue le plus démocratiquement possible. Il faut dire aux travailleurs que le meilleur moyen pour combattre la corruption, le clientélisme, le pillage des fonds publics au profit de quelques grosses sociétés, c’est que cette assemblée naisse dans les rangs de la population laborieuse. Cette assemblée devra comporter en son sein un nombre important, ou mieux, une majorité de membres de la population laborieuse, au lieu de notables parlant du peuple ! Ce qui ne serait que justice et démocratie étant donné que la classe laborieuse des villes, les chômeurs, les travailleurs des champs constituent la partie la plus nombreuse du peuple!
Il faut aussi (comme l’a déclaré C. Céleste dans une discussion publique à la CGTG) que les élus soient révocables à tout moment sans attendre la fin des mandats. Il faut que l’exécutif aussi soit révocable. A tout moment, dès lors qu’il s’écarte de la voie favorable aux intérêts des masses laborieuses.
POUR UN PROGRAMME DE DEFENSE DES INTERETS DES TRAVAILLEURS ET DES COUCHES POPULAIRES
C’est dire donc que la question de l’autonomie, par le biais ou non de l’article 74, doit avant tout se régler par la mobilisation populaire, et en premier lieu celle des travailleurs.
Mais pour que les travailleurs et les larges couches populaires se sentent concernés, ils doivent trouver dans les propositions des organisations, des partis politiques et des syndicats, des propositions, un programme qui répondent clairement à leurs aspirations.
Ils doivent pouvoir constater dans les programmes, lors des prises de position publiques, que les partisans d’une assemblée législative ici en Guadeloupe, avec son propre exécutif, utiliseront ce nouveau pouvoir local pour transformer radicalement la réalité présente.
Qu’ils s’en serviront, en s’appuyant sur la mobilisation populaire, pour apporter de réelles transformations sociales, pour mettre fin à la corruption ambiante, au clientélisme, pour contrôler ce qui se passe dans les grandes sociétés de construction de logements, pour contrôler l’utilisation des fonds publics, pour utiliser l’argent des subventions non pas pour engraisser les gros patrons, mais pour créer directement des emplois.
Pour les travailleurs des campagnes, pour ceux de l’agriculture, il faudra défendre la perspective d’une autre agriculture, où les efforts pour produire pour la consommation locale seront encouragés, où les terres seront réparties et mises en valeur d’une façon plus équitable, plus conforme à l’intérêt de la majorité des agriculteurs et ouvriers agricoles.
Il faudra aussi que les femmes de Guadeloupe se rendent compte tout de suite que les partisans d’une mobilisation pour une assemblée législative luttent pour que les droits des femmes, leur liberté, leur dignité soient respectés, et qu’elles ne continuent plus à être les plus maltraitées, les victimes de violences et de meurtres à répétition, ou des inégalités de salaires.
Les «précaires», les auxiliaires, les employés à temps partiel, les intérimaires, devront voir dans le programme des partisans d’une assemblée législative la possibilité de créer des emplois à plein temps avec l’argent public. Les travailleurs de la fonction publique pourront s’engager dans ce combat en sachant que rien ne sera transformé dans leur situation pour en faire une sous-fonction publique territoriale comme cela leur est déjà promis par Raffarin et son gouvernement.
Enfin il faudra montrer aux jeunes qu’il ne s’agit pas d’une affaire étroitement juridique mais de la mise en route d’une importante mobilisation pour changer notre façon de vivre, pour donner à chacun la possibilité de jouer un rôle utile dans la société grâce à ses efforts, à sa volonté et à ses capacités.
Se mobiliser pour un changement de statut de cette façon là, ne se limite pas à combattre l’application des desseins de Chirac-Girardin-Raffarin avec l’article 73. Il faut bien sûr dénoncer l’utilisation de la prétendue «décentralisation» par un gouvernement réactionnaire pour mener des attaques contre les travailleurs, et particulièrement ceux de la fonction publique qu’on va «délocaliser» et dont les statuts seront dégradés.
Mais il faut, dès aujourd’hui, dire qu’une mobilisation véritable pour un réel changement de statut doit viser à approfondir les possibilités de l’article 74. Il faut viser la mise en place d’une assemblée réellement législative et désignant un réel exécutif.
Cela ne peut être que le fruit de la mobilisation populaire, avec en tête la classe des travailleurs salariés. Son contenu, son fonctionnement, même dans le dit «cadre de république française», dépendront non pas de l’article de loi, mais du rapport de forces, de ce que la population laborieuse, les travailleurs seront capables d’imposer.
Alors, les élus de cette assemblée et son exécutif seront placés en permanence sous le regard et le contrôle de la population mobilisée. Si une telle mobilisation des travailleurs et des couches populaires se développe, le gouvernement sera bien obligé de reculer.
Mais encore une fois, pour y parvenir, le contenu social, économique et politique d’une telle démarche devra être absolument engagé et expliqué en privilégiant les intérêts des masses travailleuses et populaires, seule force capable d’apporter de réels changements politiques et sociaux, même limités.