Gaël se mange deux mois de mise à pied.
Un article paru dans l'Humanité du 29 mai 2007. Sur la version papier, il y a la photo des deux postiers visés.
a écrit :« Un nettoyage dans ce bureau est plus que nécessaire »
La Poste . À Levallois (Hauts-de-Seine), un facteur témoigne. Il aurait subi des pressions de sa direction pour porter plainte contre des militants SUD.
Loin, La Poste est prête à aller loin pour se débarrasser des militants syndicaux ou simples salariés qui résistent au rouleau compresseur des restructurations et suppressions d’emplois. À Levallois (Hauts-de-Seine), un ex-facteur dénonce la tentative de sa direction de le manipuler afin de faire virer des militants ou sympathisants SUD PTT de son bureau de distribution du courrier, un peu trop actifs au goût des dirigeants.
L’affaire remonte à novembre. À l’époque, Stéphane Persehais, la quarantaine, travaille en CDD depuis deux mois comme facteur. Suite à la dégradation de sa voiture sur le parking de l’établissement, il dit avoir été convoqué par le directeur et son adjoint, pour ce qu’ils appellent une « interview ». « En réalité, cet entretien avait pour objectif de m’inciter à déposer une plainte auprès de la police orientée contre des collègues sudistes, dixit la direction », témoigne-t-il. L’adjoint lui aurait alors fourni les noms de six collègues : deux élus SUD PTT, trois syndiqués et un salarié proche du syndicat. « La direction a expliqué qu’un nettoyage dans ce bureau était plus que nécessaire, poursuit l’ex-facteur. Et elle m’a assuré qu’elle m’en serait reconnaissante, c’est-à-dire qu’elle accéderait à ma demande de mutation au bureau de Saint-Maur. »
Mais le scénario tourne autrement : « J’ai refusé de signer cette interview et de déposer plainte contre mes collègues, raconte M. Persehais. Ma demande de mutation fut définitivement rejetée et ma carrière, terminée. » Début janvier, La Poste le licencie. « J’espérais faire carrière, j’étais très bien vu jusqu’à ce que je comprenne que j’étais manipulé », explique-t-il. Dès décembre, n’ayant plus rien à perdre, il accepte de porter son témoignage par écrit pour le syndicat SUD, en vue d’une éventuelle action en justice.
L’affaire a depuis rebondi puisque l’un des élus SUD dont la direction voulait se débarrasser, Gaël Quirante, est aujourd’hui sous le coup d’une procédure de licenciement, directement liée à son activité syndicale. De novembre à avril, lui et les collègues de son service ont fait grève une heure par jour pour réclamer le maintien des effectifs. Une mobilisation à laquelle la direction a répondu en éclatant le service, quitte à dégrader la qualité du travail. Et en enclenchant, mi-mars, le licenciement du meneur, accusé d’insultes et menaces sur un chef, de grève illégale, et d’avoir perturbé une réunion de CHSCT. « En deux ans, c’est mon troisième entretien préalable à un licenciement », explique Gaël Quirante, qui a refusé en avril un deal de la direction. Celle-ci proposait de stopper la procédure à condition que SUD signe un accord départemental qui aurait limité le droit d’organiser des prises de parole et des assemblées générales dans tous les services.
Mercredi dernier, un rassemblement à Nanterre, devant le siège départemental de La Poste, à l’appel des syndicats SUD et CGT de La Poste des Hauts-de-Seine, a rassemblé 300 postiers autour du cas de Gaël Quirante et de Rodriguez Da Matha, un facteur de Colombes qui passait en conseil de discipline pour avoir refusé de distribuer le courrier au-delà de son horaire, autrement dit de faire des heures supplémentaires gratuites (1). Les syndicats s’inquiètent de la multiplication des cas de répression syndicale à La Poste, au cours de conflits en réaction aux réorganisations permanentes des services pour supprimer des emplois. « On assiste à un regain d’autoritarisme à La Poste dans toute la France, résume Damien Fillon, de SUD PTT 92. Dès que les directions se heurtent à des oppositions, elles sanctionnent. »
Mercredi, le conseil de discipline s’est prononcé en faveur du licenciement de M. Da Matha. Soulagement en revanche pour Gaël Quirante, dont l’inspection du travail a refusé jeudi l’autorisation administrative de licenciement. Contactée par l’Humanité, la direction de La Poste assure que le licenciement de M. Da Matha repose sur des motifs « très sérieux et sans rapport avec un refus d’heures supplémentaires », sans plus de détails, et ne se prononce pas sur le cas de M. Quirante qui doit passer en conseil de discipline aujourd’hui. Par ailleurs, le témoignage de M. Persehais sur la tentative de faux témoignage est selon la direction « une accusation grave et sans fondement ». « La Poste n’en est pas à demander aux salariés des faux témoignages contre les syndicalistes », s’offusque-t-elle. SUD PTT 92 a déposé pour demain un préavis de grève illimitée sur tout le département.
(1) Un comité de soutien a recueilli 400 signatures dont celles de Jacqueline Fraysse, députée communiste, Claire Villiers (conseillère régionale alternatifs), Gérard Aschieri (FSU), Arlette Laguiller (LO) et Olivier Besancenot (LCR).
Fanny Doumayrou