a écrit :Amiante : le non-lieu dans l'affaire Amisol ravive la "colère" des anciens salariés
Le Monde.fr | 09.02.2013 à 16h23
Une décision qui illustre la difficulté de faire le procès de l'amiante en France ? En prononçant, vendredi 8 février, un non-lieu dans l'affaire Amisol instruite par la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy, la cour d'appel de Paris a éloigné la perspective que soit examinée la responsabilité pénale du patron de cette entreprise de Clermont-Ferrand.
Claude Chopin, 64 ans, avait pris la suite de son père pendant les six derniers mois de 1974 et avait dirigé l'entreprise jusqu'au dépôt de bilan. Il a été mis en examen en avril 1999, notamment pour empoisonnement et homicide volontaire. Près de 40 ans après les faits, la cour d'appel a estimé qu'il n'y avait "pas de charges suffisantes" contre lui, notamment parce qu'on ne peut pas établir que la contamination des sept plaignants qui ont développé des maladies liées à l'amiante avait eu lieu pendant la période où il était aux commandes de la société.
La cour d'appel met également en exergue un argument récurrent dans les scandales sanitaires. "Claude Chopin n'avait pas connaissance du risque ", note-t-elle. " Les faits commis en 1974 ne peuvent être appréciés avec les exigences de santé publique apparues depuis."
Une affirmation qui fait bondir Me Jean-Paul Teissonnière, l'avocat des parties civiles qui a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel. " Cela relève d'une méconnaissance par la cour de la réglementation et des connaissances scientifiques de l'époque ", affirme-t-il. " C'est en tout cas une analyse juridique qui est en contradiction avec ce qu'on trouve dans le dossier d'instruction. "
"CRIMES INDUSTRIELS"
Dès 1971, le comité d'hygiène d'Amisol discutait ainsi des cas d'asbestose (une fibrose pulmonaire entraînant une insuffisance respiratoire) et de cancer de la plèvre, des maladies professionnelles liées à l'amiante. L'année suivante, l'inspection du travail mettait le PDG d'Amisol en demeure de faire cesser les infractions liées aux poussières industrielles.
D'une manière générale, la dangerosité des conditions de travail chez Amisol était largement connue des pouvoirs publics. "Sur le plan du risque professionnel, cette entreprise a depuis longtemps été un objet de préoccupation", insiste le directeur régional de la sécurité sociale dans un courrier de mars 1975 adressé au ministre du travail. "Il s'agissait d'une entreprise à haut risque et dont les gestionnaires, dont on ne saurait dire qu'ils ne pouvaient en avoir conscience, n'ont jamais pris des mesures de prévention véritablement efficace", ajoute la lettre dont Le Monde a pris connaissance.
"La mémoire des faits s'efface", considère la cour d'appel, suggérant que l'ancienneté des faits empêche la tenue d'un procès équitable. "Comment peut-on dire cela !", s'insurge Josette Roudaire, ex-salariée d'Amisol et porte-parole du "Comité amiante prévenir et réparer". "Il y a tellement de malades et de morts", ajoute-t-elle en évoquant la centaine de dossiers d'anciens d'Amisol traitée par l'association. "Ce non-lieu ravive notre colère. Il faut demander des comptes pour les crimes industriels."